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La COVID-19 met les pénitenciers au Canada sous pression

La main d'un détenu agrippée aux barreaux de sa cellule.

Au 13 mai, un nombre total de 1576 cas et de 6 décès causés par la COVID-19 avaient été signalés au sein de la population carcérale fédérale.

Photo : iStock / .

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La COVID-19 gagne du terrain au Canada, y compris dans les pénitenciers. Les cas confirmés y sont d’ailleurs quatre fois plus élevés que lors de la première vague de la pandémie. Si certains experts estiment que les mesures de santé publique ne suffisent pas et qu’il faut réduire la population carcérale, cette solution ne fait toutefois pas l’unanimité.

À l'intérieur des murs, la distanciation physique s’avère souvent impossible, explique Tom Engel, avocat criminaliste d'Edmonton et président de l’Association canadienne de droit pénitencier.

« Ce que j’entends chez les prisonniers, c’est que la réponse du gouvernement fédéral à cette crise, c’est essentiellement de créer des conditions cruelles. »

— Une citation de  Tom Engel, avocat criminaliste et président de l’Association canadienne de droit pénitencier
Une chaise est placée devant un téléphone public accroché à un mur de béton. En arrière-plan, une porte en grillage bloque l'accès à un couloir.

Dans le milieu carcéral, les détenus partagent tous leurs espaces de vie : leur cellule, la salle à mander, les douches, les toilettes, les téléphones et les salles d'exercice.

Photo : Radio-Canada

Un milieu sous pression

Ils sont enfermés pendant de longues heures par jour. Ils n’ont pas accès aux programmes ni aux visites, ajoute Tom Engel. C’est très différent d’être confinés dans sa maison que dans une cellule sans rien avoir à faire.

Le nombre d’heures que les détenus passent en dehors de leurs cellules a été considérablement réduit, explique le président régional du Syndicat des agents correctionnels canadiens pour les Prairies, James Bloomfield.

Il ajoute que certaines activités comme regarder la télévision sont désormais limitées aux cellules, mais que les pratiques peuvent néanmoins différer d’un établissement à l’autre, selon l’état de la situation.

« Les heures passées en dehors des cellules ont été réduites d’environ la moitié. »

— Une citation de  James Bloomfield, président régional, Syndicat des agents correctionnels canadiens pour les Prairies
Un homme regarde à travers les barreaux de sa cellule.

En date du 2 mai 2021, 73 % de la population carcérale sous sa garde avait choisi de se faire vacciner, selon Service correctionnel Canada.

Photo : Getty Images / Peter Macdiarmid

James Bloomfield ajoute que les agents correctionnels fédéraux sont proches de l'épuisement professionnel. Ils travaillent dans des conditions très difficiles depuis plus d’un an, et cet état de confinement crée de vives tensions en raison des cas COVID-19 et la recherche des contacts.

Certains agents sont obligés de faire des quarts de 16 heures pendant 5 ou 6 jours de suite en raison du fait qu’il n’y a pas d’autres ressources pour les remplacer dans le bâtiment, dit-il. Cette situation est actuellement très stressante.

Le SCC dit suivre les règles

Le Service correctionnel du Canada (SCC) n’a pas été en mesure de confirmer de façon catégorique à Radio-Canada si les détenus fédéraux qui n’ont pas contracté la COVID-19 sont partiellement ou totalement confinés à leurs cellules, ou de décrire l’ampleur des changements.

Compte tenu du fait que les établissements correctionnels sont des milieux de vie collectifs, des mesures extraordinaires ont dû être mises en place pour gérer les effets de la pandémie, a déclaré la porte-parole du SCC, Isabelle Robitaille.

Nancy Massicotte, directrice régionale des Services de santé pour la région du Québec du SCC, indique toutefois que les détenus infectés par le SRAS-CoV-2 sont placés en isolement médical.

Il y a un changement de routine, mais on travaille fort pour s’assurer qu’ils puissent avoir accès à des marches à l’extérieur, à un téléphone, à une douche, dit-elle.

« Nous administrons aussi des tests rapides pour aider à dépister les cas positifs et à prendre les mesures qui s’imposent plus rapidement. »

— Une citation de  Isabelle Robitaille, porte-parole, SCC
Un long corridor avec des cellules de chaque côté dont toutes les portes sont fermées.

Service correctionnel Canada dit suivre les mesures de santé publique pour lutter contre la COVID-19. Les visites ont été suspendues et le nettoyage des aires communes et des surfaces à contact fréquent a été renforcé.

Photo : Radio-Canada

Des données qui continuent de grimper

Un rapport publié en février par l’enquêteur correctionnel du Canada, l’ombudsman des prisonniers qui sont sous la tutelle du gouvernement fédéral, montre que le virus qui cause la COVID-19 a frappé deux fois plus fort les prisons fédérales durant la deuxième vague que lors de la première.

Dans son rapport, Ivan Zinger note qu’il y a eu 880 nouvelles infections entre novembre 2020 et le 1er février 2021, contre 361 cas lors de la première vague de la pandémie.

Au 13 mai, un nombre total de 1576 cas d'infections et de 6 décès causés par la COVID-19 avaient été signalés au sein de la population carcérale fédérale (environ 13 000 personnes). Parmi eux, 33 étaient toujours actifs, selon le SCC.

Le 13 mai, au sein des 2123 détenus fédéraux de l'Alberta - la province qui détient le plus haut taux de cas actifs d'infections pour 100 000 habitants au Canada -, 227 cas de COVID-19 et 1 décès avaient été annoncés, et 14 étaient personnes étaient toujours infectées.

Un couloir de prison.

Environ 10 % de la population carcérale fédérale a été infectée par le SRAS-CoV-2, comparativement à seulement 2 % de la population générale du Canada.

Photo : Unsplash / Matthew Ansley

Trouver des solutions de rechange à l’incarcération

Justin Piché, professeur agrégé en criminologie à l'Université d'Ottawa, a suivi de près les cas de COVID-19 dans les prisons du pays. Il croit que la formule actuelle ne suffit pas et que la SCC doit réduire sa population carcérale pour limiter la propagation du virus.

Il y a beaucoup de personnes au niveau fédéral, qui attendent d’avoir accès à des libérations conditionnelles, qui pourraient purger leurs peines dans la communauté de façon sécuritaire [pour la société], croit-il. Spécialement, si on leur donne le soutien dont elles ont besoin.

« Je ne pense pas que le fait de laisser ces gens dans un isolement [accru] sera bénéfique pour la sécurité publique. »

— Une citation de  Justin Piché, professeur agrégé en criminologie, Université d'Ottawa

Tout comme Justin Piché, Talayeh Shomali, responsable de l'éducation et de l'engagement communautaire à l’Association canadienne des libertés civiles, suggère que l’autorité fédérale collabore avec la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour libérer les détenus qui ne constituent pas un risque pour la société, en priorisant les personnes âgées et celles qui ne sont pas en bonne santé.

Un gardien de prison, portant une casquette, de profil dans l'ombre.

Justin Piché, professeur agrégé en criminologie, croit que la SCC doit réduire sa population carcérale pour freiner la propagation du virus.

Photo : Getty Images / Klubovy

Ils sont là pour une bonne raison

[C'est une solution qui] ne réglera rien, soutient James Bloomfield, du Syndicat des agents correctionnels. La réalité, c’est qu’ils ont une peine à purger dans le système judiciaire. En toute honnêteté, je pense que c’est ridicule de les renvoyer dans la communauté.

« Ils sont là pour une bonne raison. Ce n’est pas à moi d’en parler, cela leur appartient. »

— Une citation de  James Bloomfield, président régional, Syndicat des agents correctionnels canadiens (Prairies)

De son côté, le SCC dit continuer à libérer des détenus qui y ont droit conformément à la loi. Un certain nombre de facteurs sont pris en compte dans les décisions relatives à la mise en liberté, la sécurité publique étant le critère prépondérant, conclut sa porte-parole, Isabelle Robitaille.

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