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AnalyseC-10, censure et culture : deux solitudes?

Erin O'Toole, photographié en contre-plongée.

Le chef conservateur Erin O’Toole dénonce vivement le projet de loi C-10 du gouvernement Trudeau, qui, selon lui, va limiter la liberté d’expression sur Internet.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

« Big Brother ». « La Police de la pensée ». « L'Oeil du gouvernement » qui scrute les médias sociaux à la loupe pour contrôler ce qui s’y dit. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui réglemente vos gazouillis et vos messages Facebook.

Le chef conservateur Erin O’Toole utilise cette imagerie dystopique, tirée du roman 1984 de George Orwell, pour dénoncer le projet de loi C-10 du gouvernement Trudeau, qui, selon lui, va limiter la liberté d’expression des artistes, des politiciens et des influenceurs canadiens sur Internet.

Le gouvernement libéral essaie-t-il vraiment de se transformer en Big Brother et de contrôler vos messages sur les réseaux sociaux? Probablement pas.

S’il veut faire taire les critiques, toutefois, il faudrait que son projet de loi – et le ministre qui le défend – énonce plus clairement son intention.

Une communication mal ficelée

L’équipe de Justin Trudeau tente d’encadrer la présence des géants du web au Canada depuis son arrivée au pouvoir en 2015. Et chaque fois que le gouvernement essaie, il fait face à une volée de critiques qui, parfois, semblent contradictoires.

Souvenez-vous de l’épisode de la « taxe Netflix » et de l’entente signée en 2017 par Mélanie Joly avec le géant américain. La ministre libérale s’était fait critiquer pour ne pas avoir soumis Netflix aux mêmes règles que les producteurs et créateurs d’ici. Et pour avoir échoué à bien communiquer au public le plan du gouvernement.

Le projet de loi C-10, piloté par Steven Guilbeault, essaie de remédier aux problèmes d'iniquité. Il donne au CRTC le pouvoir de soumettre les diffuseurs numériques (YouTube, TikTok, Facebook, etc.) aux mêmes règles que les diffuseurs traditionnels.

Mais encore une fois, la communication semble avoir fait défaut. Certaines erreurs de parcours, un projet de loi mal ficelé et deux entrevues chancelantes du ministre Guilbeault dans les médias anglophones ont semé la confusion et ont donné prise aux critiques des conservateurs, qui voient dans C-10 une menace à la liberté d’expression.

Culture ou censure?

Il y a manifestement une différence dans la façon dont le projet de loi C-10 est accueilli dans les médias anglophones et francophones.

De nombreuses voix, en grande majorité au Canada anglais, s’élèvent pour dénoncer la censure, le contrôle de la pensée que voudrait exercer le gouvernement libéral, par exemple en donnant au CRTC le droit de choisir les sujets approuvés dans les groupes de discussion Facebook.

Le gouvernement de la Saskatchewan demande même que C-10 soit mis sur la glace parce qu’il menace la liberté d’expression des individus.

Pendant ce temps, à Québec, l’Assemblée nationale appuie à l’unanimité C-10, qui constitue une avancée significative pour la protection et la promotion de la culture québécoise, en encadrant les grandes plateformes de contenus en ligne.

Les élus québécois répondent ainsi aux demandes du milieu culturel francophone, qui estime que C-10 vient créer un terrain de jeu égal pour tous, afin que les géants du web, qui tirent des profits au Canada, réinvestissent dans la production locale. Les libéraux semblent cependant avoir de la difficulté à recruter des alliés aussi visibles dans le milieu culturel anglophone.

Un enjeu électoral?

Le secteur des médias est en crise, le milieu culturel a été fragilisé par la pandémie, et les géants du web ont déjà la mainmise sur ce que les Canadiens peuvent ou non visionner sur leurs plateformes.

Le milieu culturel québécois s’inquiète donc qu’Ottawa soit incapable d’adopter le projet de loi C-10 avant les prochaines élections. Certains groupes, indique la présidente de la Fédération nationale des communications (FNCC–CSN), Pascale St-Onge, se préparent à en faire un enjeu électoral.

Je ne voudrais pas être le parti qui a fait avorter ça, dit-elle, et qui aura à défendre sa position en campagne.

Parlez-en à Stephen Harper. En 2008, son gouvernement a coupé 45 millions de dollars en programmes de subventions aux artistes. D’ailleurs, à l’époque, c’est lui qui faisait face à des accusations de censure. Le projet de loi (aussi nommé C-10!) donnait au ministère du Patrimoine le pouvoir de retirer des crédits d’impôt accordés à la production de films jugés contraires à l’ordre public.

De nombreux artistes québécois avaient dénoncé la situation, notamment au Gala des Gémeaux et dans une vidéo humoristique sur YouTube (Nouvelle fenêtre). Ils avaient réussi à en faire un enjeu électoral et les conservateurs avaient dû reculer.

Pour le moment, la stratégie des conservateurs concernant le projet de loi C-10 semble être de satisfaire leur base et d’utiliser la controverse pour solliciter des dons afin de lutter contre le Big Brother libéral.

Mais pour le chef Erin O’Toole, qui cherche à élargir son bassin d’électeurs et qui souhaitait il n’y a pas si longtemps remporter une trentaine de sièges au Québec, il semble que cette position sur C-10 ne place pas son parti dans les bonnes grâces du milieu culturel québécois, qui peut avoir une certaine influence dans le discours public.

Le fait que l’Assemblée nationale vient d’appuyer à l’unanimité les principes défendus par C-10 risque de compliquer encore plus la tâche aux députés québécois du Parti conservateur qui s’y opposent.

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