Qualité de l'air à l'école : la santé publique consultée à la dernière minute
Les experts de la santé publique et l'INSPQ ont eu moins de deux heures pour commenter le protocole de tests.

Le Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique à la direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des courriels obtenus par Radio-Canada en vertu de la loi sur l'accès aux documents lèvent le voile sur une information erronée répétée par le ministre de l'Éducation du Québec, Jean-François Roberge. Non seulement la santé publique n'est pas à l'origine de la méthode controversée pour tester la qualité de l'air dans les classes, mais on n'a pas vraiment pris le temps de la consulter.
Le 23 mars, le ministre Roberge a déclaré à l'Assemblée nationale que les protocoles ont été faits en partenariat et sur recommandation de la santé publique
.
Le 12 janvier, il a même écrit sur Twitter qu'il s'agissait des « protocoles de la santé publique » (Nouvelle fenêtre) et que les tests avaient été réalisés « selon les consignes de la santé publique » (Nouvelle fenêtre).
Or, c'est le ministère de l'Éducation qui a bâti ce protocole. Les experts de santé publique ont été consultés au tout dernier moment et ont eu moins deux heures pour commenter.
- Le 11 janvier, à 18 h 33, le sous-ministre à l’Éducation Alain Sans Cartier reçoit le « projet de directive qualité de l’air » de son ministère. Il l'envoie immédiatement à la santé publique pour « consultation » et « révision ».
- Le 12 janvier, à 8 h 13, le conseiller médical stratégique à la direction nationale de la santé publique, Richard Massé, demande à son équipe un avis avant 10 h le matin même. « Mes excuses pour le délai si court! » ajoute-t-il.
- À 9 h 05, la santé publique sollicite en urgence l'expertise de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
- À 10 h 01, une directrice de la santé publique écrit : « Il me semble que le ministère de l'Éducation pourrait faire un second tour de roue sur ce document par souci d’arrimage avec les recommandations du groupe d’experts. »
- À 10 h 10, l'INSPQ répond à la santé publique : « Voici les commentaires de quelques membres de l’équipe sur cette directive ministérielle, qui ne peuvent représenter, avec un aussi court délai, la position de l’INSPQ. »
Selon nos informations, la santé publique n'a jamais reçu de réponse à ses commentaires. La directive a été envoyée au réseau scolaire dès le lendemain.
Pas de validation et pas vraiment de consultation
Le ministre de l'Éducation est dans l'embarras depuis que Radio-Canada a révélé qu'il a faussement déclaré, à plusieurs reprises, que la santé publique avait validé le protocole de tests.
Non seulement la santé publique n'a pas donné son aval, mais elle juge que la méthodologie retenue était inadéquate.
Le 1er avril dernier, le ministre Roberge s'est défendu sur Twitter en écrivant que la santé publique et l’INSPQ ont été consultés et ont commenté les protocoles de tests de taux de CO2 dans nos écoles. Nous avons intégré TOUS leurs commentaires avant l’envoi de la directive (Nouvelle fenêtre)
.
Or, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a révélé le 28 avril que seule une proportion des commentaires avait été introduite, mais pas tout
.
Quant à l’INSPQ, il a tenu à « rectifier » les informations publiées par le ministre, en mentionnant que ses experts avaient d'importantes réserves au sujet de ces tests.
Le ministre plaide une erreur de « sémantique »
En avril, les partis d'opposition ont déposé une plainte pour outrage au Parlement en invoquant que le ministre avait induit l’Assemblée nationale en erreur.
Jean-François Roberge a fini par admettre qu'il aurait pu être plus précis en choisissant un [autre] mot pour qualifier la collaboration
entre son ministère et la santé publique.
Le président de l’Assemblée nationale en a conclu que le ministre n'avait pas sciemment induit la Chambre en erreur.
Quant au ministère, qui a lui aussi fait des déclarations erronées, il considère, en toute bonne foi, que les commentaires transmis par la santé publique sur le protocole constituaient une sorte de validation et d'approbation
.
Rappel à l'ordre et pertes de mémoire
Une chose est sûre : le Dr Richard Massé a explicitement demandé au ministère de l'Éducation d'arrêter de s'attribuer son aval.
Quand ce rappel à l'ordre de la santé publique a-t-il eu lieu? Était-ce avant que le ministre et son ministère répètent les déclarations erronées? Tout le monde semble en avoir oublié la date.
Le sous-ministre [Alain Sans Cartier] a effectivement eu un échange téléphonique avec le Dr Massé à ce sujet, mais nous ne sommes pas en mesure d’en préciser la date.
ll faut savoir que le sous-ministre échange quotidiennement avec la santé publique sur de nombreux dossiers
, justifie le porte-parole du ministère de l'Éducation, Bryan St-Louis.
Le 5 mai, lors de l'étude des crédits en éducation, Jean-François Roberge a refusé de répondre à trois reprises au sujet de la date à laquelle la santé publique avait rappelé à l'ordre son ministère. Il n'a pas non plus permis à son sous-ministre de répondre.
Le 28 avril, le directeur national de santé publique a fait part de l'« inconfort » qu'il a ressenti à l'occasion des déclarations erronées du ministre. Il s'est souvenu du rappel à l'ordre, mais pas de la date.
Si vous me demandez quel jour, quelle heure, je ne m'en souviens plus.
Nous avons posé la même question par courriel au Dr Massé et au ministère de la Santé, sans pouvoir obtenir de réponse.
Selon un des courriels obtenus par Radio-Canada, le Dr Massé a rencontré le ministre Roberge la semaine du 1er février, mais on ignore s'il l'a rappelé à l'ordre à ce moment-là.
Sur la question de la ventilation à l'école, il y a encore beaucoup de turbulences!
écrit le Dr Massé à ses collègues.