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Québec solidaire veut ramener à l'ordre son collectif antiraciste

Gabriel Nadeau-Dubois, vêtu d'un veston et d'une cravate, parle dans un micro.

Le député solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a publiquement désavoué le Collectif antiraciste et décolonial ce printemps.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Les tensions sont vives au sein de Québec solidaire entre la direction du parti et le Collectif antiraciste et décolonial. Une motion, qui doit faire l'objet d'un vote à la mi-mai, demande à ce regroupement de « se conformer aux statuts du parti », à défaut de quoi il pourrait perdre son accréditation et cesser d’exister officiellement au sein du parti.

Le groupe visé, de son côté, affirme par la voix d'une de ses membres que ses adhérents sont victimes d’un traitement défavorable et qu'ils sont soumis à du racisme systémique de la part de l’organisation de la formation politique de gauche.

En entrevue téléphonique, la présidente de Québec solidaire (QS) Nika Deslauriers, évoque carrément la possibilité d'adresser un blâme au collectif.

Le document contenant la proposition, qui a été transmis aux diverses associations au sein du parti et qui fera l’objet d’un débat et d’un vote au conseil national de QS en mai, écorche notamment le Collectif antiraciste et décolonial (CAD) à cause de menaces, d'ultimatums et de menaces de poursuites judiciaires.

On y affirme qu'il ne s'agit pas de pratiques acceptables au sein d’un parti favorisant l’inclusion, la démocratie participative et l’émergence de consensus.

Cette proposition est accompagnée d’un autre document, intitulé Historique des principales infractions aux statuts du Collectif antiraciste décolonial et des principales interventions du Comité de coordination national, où sont recensés plusieurs événements ayant mené au dépôt de la proposition qui sera débattue en mai.

On y lit notamment que depuis sa fondation, le CAD, par ses déclarations publiques et certains comportements, a contrevenu aux statuts de Québec solidaire relatifs aux collectifs, puisqu’il n’a pas respecté les valeurs fondamentales du parti, et ce, à plusieurs reprises.

On mentionne également que les avertissements et les interventions du Comité de coordination national (CCN) n’ont pas porté fruit et que le collectif n’a pas changé ses façons de faire, c’est-à-dire utiliser des tactiques de menaces de dénonciation et de poursuites, d’ultimatums ou d’intimidation.

Entre autres événements marquants qui sont recensés dans cet historique, il est fait mention d’une lettre écrite en juin 2020 par des militants antiracistes de QS qui exprimaient leur malaise lié aux comportements du CAD. Les faits reprochés au collectif ont toutefois continué de s’égrener jusqu’en mars.

QS compte plusieurs collectifs en son sein. Il s'agit en quelque sorte des groupes de discussion sur différents enjeux.

L’existence, les blâmes, tout ce que l’on peut faire pour intervenir auprès des collectifs, ça doit passer au Conseil national. [...] On peut avoir l’impression que nous n’avons rien fait, vu de l’extérieur, mais cela fait longtemps que des comportements étaient jugés inacceptables; le CCN y donnait réponse et tentait d’intervenir auprès du collectif, soutient Mme Deslauriers, qui évoque des tentatives de rencontre répétées.

Ces tentatives sont d’ailleurs mentionnées dans l’historique des faits reprochés au CAD : en juillet et à l’automne, le CCN a essuyé des refus lors de ses démarches. Ce n’est qu’en janvier de cette année que le CAD a accepté de tenir cette rencontre, après un rappel intégral des statuts liés aux collectifs.

Un appui à Amir Attaran et des accusations contre un journaliste

Les gouttes d’eau qui semblent avoir fait déborder le vase, toutefois, sont deux événements survenus en mars 2021 qui ont résolument placé le CAD sous les projecteurs et, du même coup, plongé l’ensemble de QS dans l’embarras.

Le CAD a d'abord partagé un article de presse qui relatait les propos du professeur Amir Attaran, de l’Université d’Ottawa, sur le Québec, en appuyant ses propos, souligne l’historique des faits reprochés au collectif.

Cette publication a été utilisée par certains de nos adversaires politiques pour semer la confusion sur la position du parti à propos des déclarations de M. Attaran, indique encore le document, avant d’ajouter que cela a mis de la pression sur les membres du caucus, qui ont dû rectifier le tir et se dissocier de la publication du collectif.

Au cours du même mois, le CAD a lancé un nouveau pavé dans la mare en associant le journaliste Patrice Bergeron, de La Presse canadienne, membre de la Tribune de la presse parlementaire, à la droite extrême. Le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon et le député péquiste Pascal Bérubé ont eu droit au même traitement.

Devant les vives réactions provoquées par ce geste, Nika Deslauriers a dû insister sur Twitter pour dire que les propos du CAD étaient inacceptables et que le parti ne les endossait pas. Le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a quant à lui désavoué le collectif.

Je veux parler pour moi, mais je pense que ça représente le point de vue de beaucoup de personnes, de militants et militantes de Québec solidaire. Quand on est rendus à faire des poursuites judiciaires au lieu d’utiliser des instances démocratiques [un autre fait reproché au CAD par le CCN, NDLR], ce n’est plus un genre de politique que je souhaite faire et que je souhaite voir à l’intérieur de Québec solidaire, lance Mme Deslauriers au téléphone.

Le CAD est-il devenu source de gêne ou d’embarras pour Québec solidaire? Ce n’est pas le premier collectif, au sein de QS, qui a des positions politiques différentes; c’est correct, des débats sains à l’intérieur d’un parti. C’est ça depuis le début chez QS. Ce qui est arrivé, avec les propos sur [M.] Attaran et sur le journaliste, c’est que c’est venu s’ajouter à ce qui s’était déjà passé.

« C’est sûr qu’on a dû les désavouer publiquement. »

— Une citation de  Nika Deslauriers, présidente de Québec solidaire

Selon Mme Deslauriers, ce n’est pas tout le monde, dans la population, ou même parmi les journalistes, qui comprend ce que le collectif a comme répercussions au sein de Québec solidaire. Si ce qui ressort dans les médias, c’est qu’une instance de Québec solidaire appuie les propos d’Amir Attaran, pour nous, il y a une nécessité de ne pas approuver cette façon de faire.

La présidente de QS ne peut par ailleurs pas donner le nombre exact de membres du CAD; ils doivent simplement, chaque année, nous donner [une] liste de 10 membres en règle [chez Québec solidaire], et c’est tout.

Impossible, donc, de savoir si le CAD disposerait de suffisamment d'appuis pour battre la proposition au vote de la mi-mai.

Malgré ce flou, Mme Deslauriers pense que la motion de blâme sera adoptée, mais précise qu’elle est dans la direction politique qui a fait la proposition.

Une preuve de racisme systémique

Devant cette menace de blâme, le CAD réplique par la bouche de ses canons, ou, plutôt, par une longue tribune publiée dans Presse-toi à gauche, un média alternatif.

Signé Sibel Epi Ataogul, ce texte avance que le collectif est visé parce qu’il est majoritairement formé de membres racisés de Québec solidaire et que la motion de blâme, qui trouble beaucoup l’auteure, relève d’une lutte politique plus que d’autre chose.

Mme Ataogul affirme ne pas pouvoir parler au nom du CAD et n’être qu’une simple membre du collectif, mais autant elle que l’équipe du CAD, ainsi que la responsable des relations médias de Québec solidaire, ont transmis à Radio-Canada le lien vers ce texte.

Dans un échange de courriels avec le CAD, auprès duquel il a été impossible d’organiser une entrevue avant d’écrire ces lignes, on présente d’ailleurs le texte publié dans Presse-toi à gauche comme quelque chose d’intéressant.

Une autre personne membre de QS, qui est entrée en contact avec Radio-Canada pour transmettre la proposition de motion et l’historique des faits reprochés au CAD, parle de ce texte comme de la réponse du collectif.

Toujours dans son texte, Mme Ataogul affirme que la proposition de motion de blâme est un choc total pour moi en tant que membre du CAD, mais surtout en tant que membre de très longue date de cette famille politique.

« J’y vois personnellement un élément de racisme systémique, surtout dans le processus employé contre le CAD. »

— Une citation de  Sibel Epi Ataogul

L’auteure du texte juge également que cette proposition a été présentée sans en avertir le collectif et risque d’avoir pour effet de chasser les militants antiracistes de notre parti.

Mme Ataogul établit un parallèle entre le traitement du CAD et celui du Collectif laïcité, qui a été dissout en novembre dernier en raison de comportements malheureux.

Selon elle, la situation n’était pas la même, parce que les membres du Collectif laïcité étaient blancs. La femme blanche ayant eu des comportements xénophobes avec son collectif, on la respecte malgré tout, on va prendre un café pour discuter de ça. Si ça ne marche pas, on la rencontre sur son terrain. Les personnes racisées qui n’ont rien fait de la sorte, on les convoque comme si elles étaient des enfants à discipliner.

Ce à quoi Nika Deslauriers rétorque que le Collectif laïcité a été désaccrédité en instance après une suite de comportements problématiques et d’interventions de la direction. Ce n’est pas ce qui est sur la table présentement pour le Collectif antiraciste décolonial; c'est plutôt une motion qui lui demande de respecter les statuts et valeurs de l’organisation.

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