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Des historiens rappellent l'importance des campagnes de vaccination pour l'humanité

Aujourd’hui, grâce aux vaccins, la majorité des Canadiens n’ont jamais subi les ravages de la polio, de la diphtérie ou même de la rougeole.

Edward Jenner avec un jeune patient.

Edward Jenner administre le premier vaccin contre la variole en 1796.

Photo : Welcome museum, Londres

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Alors que la campagne de vaccination contre la COVID-19 s’accélère, des historiens de la santé estiment qu’il ne faut pas oublier l'impact qu'ont eu les vaccins sur le monde depuis les dernières décennies.

Pour Christopher Rutty et Laurence Monnais, les vaccins sont sans contredit l'une des plus grandes réalisations du XXe siècle en matière de santé publique.

La vaccination est une avancée à la fois technologique et préventive. C’est absolument majeur dans l'histoire de la santé des deux derniers siècles, de la lutte aux maladies infectieuses, dit Laurence Monnais, professeure titulaire en histoire à l'Université de Montréal. Elle précise que d'autres facteurs – comme un meilleur accès à l’eau potable – ont aussi eu un impact majeur sur le contrôle des maladies infectieuses.

Dans le monde, les vaccins aident désormais à protéger la population contre plus de 20 maladies, dont la rougeole, la pneumonie, le cancer du col de l’utérus et la maladie à virus Ebola.

Les vaccins représentent l’un des outils les plus puissants de l’histoire de la santé publique, et plus d’enfants sont vaccinés que jamais auparavant, a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le devoir de mémoire collective

Une main d'un patient contaminé par la variole.

Le virus de la variole se répandait par les gouttelettes de salive dans l’air ou par un contact direct avec une personne infectée. Après une période de latence de deux semaines, la personne contaminée ressentait une forte fièvre ainsi que des nausées et développait des pustules qui recouvraient le corps.

Photo : William Thomas Strutt / Wellcome Library, London

Depuis les années 1970, plusieurs maladies infectieuses ont commencé à disparaître, grâce aux vaccins. Aujourd’hui, la majorité des Canadiens n’ont jamais connu les ravages de la polio, de la diphtérie ou même de la rougeole.

C’est pourquoi ces deux historiens trouvent qu’il est très important de rappeler l'histoire à l'origine de l'avènement des vaccins et le fait que des maladies, comme la variole et la poliomyélite, ont fait des centaines de millions de victimes.

Ce n’est pas pour faire peur, mais pour sensibiliser et relativiser les craintes quant aux vaccins. Ce qui a manqué à la base [depuis le début de cette pandémie], c'est l'éducation quant à ce risque infectieux, parce que ça fait très, très longtemps qu'on n'a pas eu un virus qui se propage autant, dit Mme Monnais.

Avec la COVID-19, même si plus de 3 millions de personnes sont décédées, il est difficile pour certains de cerner l’impact de la pandémie, surtout s’ils n’ont pas eu à composer avec la maladie, ajoute Christopher Rutty, historien à l'École de santé publique Dalla Lana de l'Université de Toronto.

« Avec la COVID-19, on ne voit pas toujours les personnes hospitalisées, les personnes malades. Certains s’imaginent qu’il faut voir des corps s’empiler dans la rue pour dire que c’est une pandémie, mais ce n’est pas comme dans les films… »

— Une citation de  Christopher Rutty, Université de Toronto

M. Rutty, qui se spécialise dans l'histoire de la polio, ajoute que les vaccins sont en quelque sorte victimes de leur succès. Ils ont tellement réduit l’incidence de plusieurs maladies, comme la polio, la coqueluche, la rougeole et la diphtérie, que celles-ci sont désormais oubliées et méconnues du public.

Nous sommes un peu déconnectés de ces maladies. C’est pourquoi les gens ont parfois des craintes un peu malavisées à propos des vaccins, dit-il. N’ayant jamais connu les ravages de maladies comme la polio ou la diphtérie, certaines personnes oublient de remettre le tout en contexte. Elles oublient que les risques associés aux vaccins sont significativement moins élevés que ceux qui sont liés à ces infections.

Des poumons d'acier alignés.

Des poumons d'acier pour aider les patients atteints de polio

Photo : Archives

Lorsque le premier vaccin contre la variole est apparu, la population avait certaines craintes, mais connaissait aussi les conséquences graves de cette maladie, raconte M. Rutty. Les gens avaient des hésitations, mais ils savaient que le risque était beaucoup moins grand que le bénéfice.

Selon Mme Monnais, les gens oublient à quel point les parents de l'époque étaient anxieux devant la possibilité que leurs enfants contractent certaines de ces maladies, qui ont un taux de mortalité élevé.

C’est pourquoi les autorités de santé publique doivent recadrer le débat sur la vaccination et mettre l’accent sur ses bienfaits. Quand on reçoit un vaccin, c’est une série de lettres, et on parle davantage des risques du vaccin que de ceux de la maladie, déplore M. Rutty. Pourquoi ne pas rappeler les conséquences de ces maladies? Pourquoi ne pas bien expliquer comment un vaccin fonctionne et comment on le produit?

Garder les taux de vaccination élevés

L’OMS affirme qu’au cours des 30 dernières années le nombre de décès d’enfants a diminué de plus de 50 %, en grande partie grâce aux vaccins. L’organisme estime qu’entre 2010 et 2018 le vaccin contre la rougeole a permis à lui seul d’éviter 23 millions de décès.

Toutefois, chaque année, des millions d’enfants ne bénéficient pas de la vaccination de base. En 2018, 70 % des enfants non vaccinés vivaient dans des pays à revenu intermédiaire.

En 2019, près de 14 millions d’enfants (surtout en Angola, au Brésil, en République démocratique du Congo, en Éthiopie, en Inde, en Indonésie, au Mexique, au Nigeria, au Pakistan et dans les Philippines) n'ont pas reçu les vaccins vitaux. Au Brésil, en Bolivie, en Haïti et au Venezuela, la couverture vaccinale a chuté de plus de 14 % depuis 2010.

Malgré tout, juste avant la pandémie de COVID-19, 86 % des enfants qui naissaient étaient vaccinés. C'est l’un des plus hauts taux jamais enregistrés dans le monde.

L’OMS et l'UNICEF craignent cependant que la pandémie ait forcé plusieurs pays à ralentir ou à suspendre leurs campagnes de vaccination. Plus de 220 millions d’enfants risquent de ne pas recevoir leurs vaccins de base. Ce serait la première fois en 30 ans que le nombre d’enfants vaccinés diminuerait.

La COVID-19 a fait de la vaccination systématique un défi majeur à relever, a déclaré en point de presse la directrice générale de l’UNICEF, Henrietta Fore. Nous devons prévenir une nouvelle détérioration de la couverture vaccinale et reprendre d’urgence les programmes de vaccination avant que la vie des enfants soit menacée par d’autres maladies. Nous ne pouvons pas échanger une crise sanitaire contre une autre.

Justement, les flambées de rougeole et de poliovirus au cours des dernières années – au Canada et ailleurs dans le monde – sont un cruel rappel qu’il ne faut pas lésiner sur les campagnes de vaccination, disent les deux historiens. C’est pourquoi les autorités de santé publique doivent toujours être à l’affût de nouveaux cas et intervenir là où la couverture vaccinale est inadéquate.

Limiter les inégalités

Une fillette accroupie par terre reçoit une dose de vaccin oral.

Un travailleur de la santé afghan administre le vaccin contre la polio dans la banlieue de Jalalabad, en Afghanistan, le 6 novembre 2018.

Photo : Getty Images / NOORULLAH SHIRZADA

Mme Monnais tient à souligner que les campagnes de vaccination n'ont été efficaces dans le passé que lorsqu'une majorité de la population y participait et y avait accès.

Le directeur général de l’OMS rappelle que, dans la majorité des pays à revenu faible ou intermédiaire, la vaccination contre la COVID-19 n’a même pas encore commencé.

Le monde est au bord d’un échec moral catastrophique – et le prix de cet échec se comptera en vies et en moyens de subsistance sacrifiés dans les pays les plus pauvres du monde, a dit le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus le 18 janvier dernier.

Sans une distribution équitable des vaccins, il sera difficile de mettre fin à la pandémie, ajoute-t-il. Comme pour la rougeole ou la diphtérie, s’il existe des poches de personnes non vaccinées, la COVID-19 continuera de se propager et de muter.

« À l'heure actuelle, il est totalement, mais totalement utopique d'imaginer que la pandémie va s'arrêter dans les prochains mois, car certains pays sont vaccinés alors que d'autres ne le sont pas. Une pandémie comme ça, ça dure au moins deux ans. C’est ce que l’histoire nous montre. »

— Une citation de  Laurence Monnais, Université de Montréal

L'histoire nous montre, affirme Christopher Rutty, qu'une nouvelle pandémie ou des éclosions régionales sont vite arrivées et qu'il ne faut pas laisser les taux de vaccination tomber.

D’ailleurs, l’OMS prévient que les changements climatiques exposeront la population mondiale à davantage de maladies à transmission vectorielle et risquent de modifier l’intensité des maladies saisonnières. Par exemple, ils pourraient, estime l’organisation, entraîner chaque année 60 000 décès supplémentaires attribuables au paludisme entre 2030 et 2050.

De plus, l’urbanisation croissante augmente les risques de transmission et d’épidémies.

En conséquence, les deux historiens espèrent que les autorités tireront des leçons de cette pandémie et qu'elles amélioreront non seulement l'accessibilité aux vaccins, mais aussi la communication entourant leurs bienfaits.

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