Les Éditions du remue-ménage, féministes depuis 45 ans
Les Éditions du remue-ménage publient des livres sur la condition féminine depuis 1976.

Les Éditions du remue-ménage publient des livres sur la condition féminine depuis 45 ans.
Photo : Sébastien Thibault
L’une des seules maisons d’édition féministe au Québec fête ses 45 ans en 2021. La popularité du livre de Caroline Dawson, Là où je me terre, en lice pour le Combat national des livres, est une belle manière de célébrer cet anniversaire. Pourquoi les Éditions du remue-ménage sont-elles toujours pertinentes?
On se rend compte qu’il y a un réel besoin. Beaucoup de femmes qui prennent la parole voient Remue-ménage comme un refuge. Une terre d’asile pour leur parole
, soutient Rachel Bédard, éditrice, qui y travaille depuis plus de 40 ans.
Toutefois, elle ajoute que, de nos jours, de nombreuses maisons d’édition accueillent la parole des femmes. Mais il y a vraiment une explosion en ce moment. On est là, au-delà des mouvements, et je sens qu’on est là pour rester
, ajoute Rachel Bédard.
« On est encore très pertinentes et vigilantes. L’égalité n’est pas atteinte et pas encore intégrée. »
L’existence des Éditions du remue-ménage n’a pas toujours été aussi facile que de nos jours. La maison d’édition a vogué sur une mer mouvementée, en particulier à la fin des années 1980. Je trouve qu’il y a eu une dégradation à partir de Polytechnique [en 1989], on a vécu un backlash, j’ai trouvé ça inquiétant
, souligne Claire Brassard.
La vigueur du féminisme
Après cette période sombre, le regain d’intérêt pour le féminisme a donné un second souffle aux Éditions du remue-ménage. Rachel Bédard est optimiste. La relève est d’attaque. Les réactions des jeunes femmes sont très vives. À leur âge, je me posais des questions, elles sont moins timorées.
Par ailleurs, le mouvement #MoiAussi, puis les dénonciations d’agressions sexuelles sur les réseaux sociaux ont beaucoup fait parler ces dernières années.
« La réaction est forte. On dirait aussi qu’elles ont assimilé certaines leçons, comme la remise en cause du système judiciaire. C’est terrible à dire, mais si elles trouvent que des moyens sont trop lents, elles vont en prendre d’autres. Il y a une impatience qui est salutaire. »
Elle pense qu’il faut témoigner de toutes ces revendications, et que Remue-ménage est là pour le faire. Je me réjouis de tout ça, c’est à soutenir.
Pour Claire Brassard, le mouvement #MoiAussi est une révélation de la vigueur des jeunes femmes qui s’affirment et veulent faire reconnaître leurs droits. Les filles ont du cran, elles lèvent le voile sur tout ce qui était occulte et caché.
Elle pense que la jeune génération est différente de la sienne. Je vais avoir 69 ans. On a avalé beaucoup de couleuvres. J’ai fait face [comme avocate] à un milieu très traditionnel, rigide et misogyne.
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Beaucoup de choses ont changé en 45 ans
Lors de la fondation des Éditions du remue-ménage, des femmes de tous horizons se sont réunies. C’était un peu périlleux, mais on s’est incorporées
, explique Claire Brassard.
La cofondatrice ne pensait pas que la maison d’édition existerait toujours 45 ans plus tard. Une grosse part du succès revient à Rachel Bédard. Nous étions de jeunes femmes qui avaient autre chose sur le réchaud. C’est elle qui a assuré la constance.
En 45 ans, les Éditions du remue-ménage ont évolué. La politique éditoriale s’est beaucoup élargie. Il y a des textes de fiction et de la BD. Mais il y a toujours eu un éclatement des genres et un soutien à des écritures qui ne se rangent pas facilement dans une catégorie
, explique Rachel Bédard.
Elle ajoute que ces dernières années ont été marquées par la prise de parole de femmes qui ont été marginalisées. Je pense aux femmes racisées. Caroline Dawson prend aussi la parole pour parler au nom d'une femme d’une classe sociale ni bourgeoise ni blanche.
Après 40 ans aux Éditions du remue-ménage, Rachel Bédard n’entend pas encore prendre sa retraite. Je ne craindrais pas le manque de relève, comme cela a été le cas avant. Mais j’aime beaucoup la période qu’on vit en ce moment. Si j’étais là pendant les vaches maigres, pourquoi je ne profiterais pas d’une période plus agréable?
, souligne-t-elle.
À l’avenir, elle espère publier une plus grande diversité de voix, en particulier celles des femmes des Premières Nations. Elle entend aussi aborder davantage les questions d’identité de genre.
Finalement, même si la pandémie a durement touché les femmes, Rachel Bédard pense que ça a forcé la société à voir que les emplois exercés par des femmes étaient importants et trop souvent invisibles, que ce soit les infirmières, les préposées aux bénéficiaires, les enseignantes, les éducatrices en garderie, les caissières, les employées de soutien et bien d’autres. Je suis très contente que ça éclate au grand jour. J’ose souhaiter que les gens aient remarqué l’importance de leur travail
, conclut-elle.
Le dernier-né des Éditions du remue-ménage, Libérez la culotte, sous la direction de Geneviève Morand et Natalie-Ann Roy, est sorti en librairie le 19 avril dernier.
Une trentaine d’autrices participent à ce collectif, dont Caroline Allard, Julie Artacho, Rose-Aimée Automne T. Morin, Fanny Britt, Maya Cousineau-Mollen, Caroline Dawson, Melissa Mollen Dupuis et France Castel.
Les codirectrices de Libérer la colère poursuivent leur relecture libre et féministe des péchés capitaux en s’attaquant cette fois à une bête redoutable : le sexe
, peut-on lire dans le résumé.