Les villes canadiennes en font-elles assez pour lutter contre les changements climatiques?

La Ville de Sudbury, comme plusieurs dizaines de municipalités au Canada, a déclaré l'état d'urgence climatique en 2019.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Toronto, Vancouver, Halifax, Montréal, Sudbury… Des grosses métropoles aux plus petites municipalités, des dizaines de villes au Canada ont déclaré l’état d’urgence climatique en 2019. Mais est-ce suffisant pour accéder au titre de ville durable?
À Sudbury, dans le Nord de l’Ontario, la Ville dit multiplier les efforts pour atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050.
Parmi les mesures à mettre en place, la Municipalité vise la plantation d’arbres, le remplacement des ampoules des lampadaires par des DEL, la construction de pistes cyclables, la réduction de la taille des stationnements et l'électrification des transports en commun.
On a 30 ans pour [que la ville devienne carboneutre], alors le défi est là, le défi est grand, mais ce n’est pas impossible, car des changements peuvent se faire subitement, comme la prise de conscience ou les innovations technologiques
, explique le gestionnaire des initiatives environnementales du Grand Sudbury, Stephen Monet.
Selon lui, la déclaration de l’état d’urgence lance un défi à la communauté et à la Municipalité
.
Déclarer l’urgence, et après?
Une déclaration d’urgence n’est toutefois pas une fin en soi, avertit la professeure à l'École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Annie Chaloux.
En déclarant l’urgence, ça ne signifie pas que les villes vont prendre le taureau par les cornes et devenir des villes modèles
, prévient-elle.
La professeure cite en exemple la Ville de Sherbrooke qui a déclaré l’état d’urgence climatique, mais qui depuis n’a pas mis en place de programme sérieux qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre [GES]
.
Et pourtant, les villes ont un rôle fondamental
à jouer dans la lutte contre les changements climatiques, selon Mme Chaloux.
Les villes doivent s’adapter aux changements climatiques, mais aussi aider les citoyens à changer certains comportements. Il y a énormément de secteurs où les villes peuvent et doivent intervenir
, soutient la professeure spécialisée en enjeux sociaux et politiques en environnement.
Les mesures prises par les villes canadiennes ne sont pas assez drastiques pour lutter contre les changements climatiques
, constate de son côté la professeure adjointe à l’École d'administration publique à Québec, Fanny Tremblay-Racicot.
« On continue à répéter les erreurs des 30 dernières années : l’étalement urbain et l'accroissement de la capacité routière. »
Ça fait des années que les villes ont des plans, mais ne les mettent pas nécessairement en œuvre avec des actions cohérentes
, déplore la professeure spécialisée dans l’intégration des transports et de l’aménagement du territoire.
À lire aussi :
Virage à 180 degrés
Un des défis majeurs que les villes devront surmonter dans les prochaines années est la dépendance à la voiture, selon la professeure Annie Chaloux.
Un mode de transport jusque-là privilégié avec la construction des villes de banlieue amorcée dans les années 80.
Les villes doivent arrêter ces développements où l’on doit brûler un litre d’essence pour aller chercher un litre de lait
, illustre Mme Chaloux.
Le secteur des transports est la deuxième source d'émissions de GESles derniers chiffres du ministère de l’Environnement et Changement climatique Canada (Nouvelle fenêtre).
et représente 25 % du total des émissions au Canada, selonFanny Tremblay-Racicot estime que, pour devenir carboneutres, les villes doivent : réduire la demande en transport, réduire la distance des déplacements grâce à des lieux de vie complets, faciliter le transport actif et collectif, et électrifier les transports grâce aux énergies renouvelables.
Devenir une ville durable, ça passe essentiellement par les transports et les mesures d’aménagement du territoire
, conclut Mme Tremblay-Racicot.
Les villes doivent également établir un inventaire d’émissions pour connaître la source de leur GES
et identifier des actions efficaces, juge la professeure à l’École d'administration publique à Québec.L’Eden de l’écologie
Réduire, remplacer et absorber. Ce sont les trois mots qui ont permis au village d’Eden Mills, dans le Sud de l'Ontario, de neutraliser près de 72 % de leurs GES
.On souhaitait réduire le recours aux énergies fossiles, les remplacer par des sources d’énergie renouvelable et absorber davantage de GES
, explique Linda Sword, responsable des communications pour Eden Mills Going Carbon Neutral.
Lancé en 2007, le projet Eden Mills Going Carbon Neutral souhaite qu'Eden Mills devienne le premier village d'Amérique du Nord à atteindre la neutralité carbone
.
Pour effectuer son virage vert, le village, aidé par l’Université de Guelph, s’est attardé à mesurer d’où provenaient ses émissions de GES
.« On peut dire ''je fais des choses pour l’environnement'' et faire de l’écoblanchiment. Si on ne mesure pas, on ne sait pas si on fait les bonnes choses. »
La communauté a ensuite planté 30 000 arbres choisis en fonction de leur capacité d'absorption de CO2. La Ville a également encouragé sa population à faire de la construction durable.
Les habitants ont choisi d'installer des panneaux solaires, d'utiliser des systèmes de chauffage avec l'air. Il faut faire comprendre aux gens les avantages économiques d'une maison écologique
, détaille Linda Sword.
Selon elle, les subventions gouvernementales et fédérales sont essentielles pour inciter les résidents à habiter des maisons moins polluantes.
Toutefois, le village, qui compte seulement 350 habitants, a encore des défis environnementaux en ce qui a trait au transport. Avec sa faible densité de population, Eden Mills manque de moyens financiers pour mettre en place un transport collectif.