Les crises en éducation d’hier à aujourd’hui en Ontario français

Au fil des décennies, les Franco-Ontariens ont réclamé par tous les moyens l'accès à l'éducation en français.
Photo : Radio-Canada / Camile Gauthier
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
De la crise scolaire de Sturgeon Falls en 1971, jusqu’aux récentes compressions à la Laurentienne, les Franco-Ontariens continuent, lutte après lutte, à monter aux barricades pour sauver l’éducation en français. Malgré les avancées significatives au fil des décennies, des militants rappellent que rien n’est entièrement acquis.
Il y a 50 ans, denise truax et des centaines d’autres élèves se mobilisaient pour exiger la création d'une école secondaire francophone autonome à Sturgeon Falls.
« Ç’a été mon baptême politique, mon baptême de Franco-Ontarienne, mon baptême de minoritaire. »
Le mouvement a mené à la création de l’École secondaire Franco-Cité, en décembre 1971, où denise truax a fait partie de la première cohorte.
Cinquante ans plus tard, toujours très active au sein de la communauté, elle a récemment contribué à la mise sur pied de la Coalition nord-ontarienne pour une université francophone.
Selon elle, le message est rendu ailleurs, il n’est plus question de demander
, mais plutôt d’affirmer, de démontrer, de mettre en place
.
« Un moment donné on n’a juste plus à demander aux autres. [...] On est vraiment tanné de se battre. On veut vivre. C’est une volonté, une détermination bien claire. »
Un combat jamais terminé
Pendant ce temps, Micheline Marchand du village de Lafontaine suit à distance tous les développements à la Laurentienne, bouleversée, choquée. On ne devrait pas avoir à parcourir ces chemins tortueux chaque 10 ans, chaque 4 ans
, déplore-t-elle.
En 1979, elle fait partie à Penetanguishene de la cohorte de 54 élèves à créer l’école de la résistance, une école non reconnue par le ministère de l’Éducation, en réponse au refus du conseil scolaire de Simcoe d’ouvrir une école secondaire de langue française.
Ce mouvement de contestation a mené à l’ouverture en 1982 de l’École secondaire Le Caron et a aussi pavé la voie à la création des conseils scolaires francophones.
« Il y a 40 ans, c’était une autre époque et j’aurais souhaité qu’on soit rendu ailleurs aujourd’hui, mais on dirait que c’est récurrent. Notre place est là, mais il faut toujours la revendiquer et c’est très essoufflant. »
Ce qui attriste d’autant plus Mme Marchand aujourd’hui est de voir des programmes qui existaient depuis des décennies décimés en un claquement de doigts
, malgré le fait qu’ils ont grandement contribué à l'épanouissement de la communauté.
Protéger les acquis
Pablo Mhanna-Sandoval, très engagé dans la lutte pour l’Université de l’Ontario français en 2017 et 2018 et ancien président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFOce qui se passe à la Laurentienne.
), est lui aussi bouleversé parIl n’a pas pu s’empêcher de repenser à toutes les heures investies par de nombreux militants au cours des dernières années pour faire valoir l’importance de l’accès à une éducation universitaire en français en Ontario.
En 2018, le mouvement de la résistance a reçu un soutien de partout en Ontario et même au pays, à la suite de coupes du gouvernement Ford. Un peu plus de deux ans plus tard, Pablo Mhanna-Sandoval n’arrive pas à croire que la communauté franco-ontarienne doit subir un autre grand coup
.
« Il ne faut jamais baisser les bras. Le moment où on arrête de rester aux aguets, on a déjà une autre tragédie pour la communauté franco-ontarienne : un pilier du Nord de l’Ontario d’un jour à l’autre disparu. »
Par et pour les francophones
Entre chacune de ces luttes, un message similaire refait surface et demeure au coeur même des dénouements : l’importance d'avoir des établissements gérés par et pour les francophones.
Mais le milieu universitaire est encore le maillon faible de la chaîne, selon les militants.
Depuis des années, le professeur agrégé au département d’histoire à l’Université Laurentienne Joel Belliveau concentre ses recherches sur les revendications de communautés francophones en milieu minoritaire.
Cette fois-ci, il se retrouve bien malgré lui au coeur d’une nouvelle lutte, celle d’assurer la survie de programmes d’éducation universitaires en français, à Sudbury. Son département vient d’ailleurs d’être aboli.
« On l’a vu souvent dans le passé que ce sont dans les moments de crise que les gens se font une idée de ce qu’ils veulent vraiment, se font une identité au niveau politique. »
Il admet que la lutte actuelle l’a galvanisé
dans ces temps difficiles et il a bon espoir que l’électrochoc mènera à un dénouement positif pour la communauté.
Il croit et milite, comme bien d’autres, pour l’établissement d’une université de langue française dans le nord de la province.
Convaincre les gouvernements
Mais pour que le projet se concrétise, M. Belliveau rappelle l’importance d’une forte pression populaire et d’une volonté politique claire.
Lors des coupes de 2018, Pablo Mhanna-Sandoval a remarqué que l’appui public populaire et les réactions de toute la communauté ontarienne ont été une occasion de réveil pour le gouvernement provincial
.
M. Belliveau dresse aussi un parallèle avec la crise scolaire de Penetanguishene. Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau mettait de la pression, le gouvernement du Québec mettait de la pression, ça a pris tout ça et ça a presque pris la crise constitutionnelle du référendum de 1980 pour que ça débouche
, explique-t-il.
« Il y a beaucoup de voix qui se lèvent, mais il faudra que la province bouge. Est-ce qu’elle va résister plus longtemps ou rentrer dans le ring? »