De mères en filles : 4 générations de créativité dans la famille d'Anne Brochu Lambert
L'oeuvre très personnelle de l'artiste visuelle de Regina Anne Brochu Lambert touche le partage de savoirs entre quatre générations de femmes de sa propre famille, de sa grand-mère à sa fille.

Regardez : Anne Brochu Lambert, artiste visuelle, prépare une oeuvre sur le passage de savoirs entre quatre générations de femmes. Réalisation Francis Marchildon
Photo : Anne Brochu Lambert
Tout comme la peinture à cire fondue qui est devenue la signature de l'artiste fransaskoise, la créativité coule elle aussi dans la famille d’Anne Brochu Lambert de mère en fille, depuis des générations.
Ce partage de savoirs, de sa grand-mère jusqu'à sa fille, est au cœur de son plus récent projet artistique Voix et passages.
« Quand je regardais ce parcours de quatre générations de femmes francophones, il y avait vraiment un fil conducteur de créativité et d’expressivité que j’avais envie d’explorer. »
Sa grand-mère Marie-Ange s’exprimait par les arts traditionnels de la broderie et de la couture, tandis que sa mère, Hermance, a plutôt choisi l’univers de la littérature et de l’écriture. Pour sa fille Gabrielle, la créativité passe par le théâtre et l'écriture.
Pour mettre en lumière cette interrelation, l’artiste reginoise propose une installation qui comporte trois éléments : deux panneaux peints à l’encaustique sur bois, avec un troisième panneau central en toile pour permettre l'intégration de broderies et de pièces de couture de sa grand-mère, ainsi que du texte de sa mère.
Au-delà du 2D
Cette fusion de matériaux et de textures fait partie de la pratique artistique d’Anne Brochu Lambert. D'abord reconnue comme peintre, l'artiste qui est aussi présidente du Conseil culturel fransaskois, explore également le dessin numérique, l’estampe, le collage, l’assemblage de textiles et la photographie.
En plus d’offrir quelque chose à contempler du regard, elle voulait faire découvrir un paysage sonore à quiconque s’approche de l'œuvre, pour en faire une installation multimédia.
Une dimension sonore rendue possible grâce à l'intégration de haut-parleurs et de détecteurs de mouvements discrètement cachés dans la toile.
Pour mettre en place ces éléments sonores, Anne Brochu Lambert a fait appel à un technologue et à un technicien en prise de son et en restauration d’archives sonores notamment pour retrouver la voix de sa grand-mère.
Ces surprises auditives comprennent une berceuse que l’artiste chantait à sa fille Gabrielle, un texte écrit et interprété par cette dernière ainsi que des extraits d’entrevues que l'artiste avait réalisées à 12 ans auprès de sa grand-mère. Les visiteurs entendront aussi des bouts d’entrevues avec la mère de l’artiste.
Mener et faire le montage de ces entrevues l’ont ramenée à son ancien parcours de journaliste et de réalisatrice à Radio-Canada à Regina.
« Lorsqu'on est créateur, on ne sait jamais à quel moment une expérience du passé va devenir utile dans la création. J’étais reconnaissante d’avoir ce bagage que je pouvais mettre au service du projet. »
Une vision en évolution
Si le fil conducteur de la filiation mère-fille est demeuré le même tout au long du processus de création qui s'est achevé récemment, la façon d’y arriver n’a cessé d’évoluer. Depuis plus d’un an, de nombreux chemins de traverse ont été suivis. Le format de l'œuvre a changé, la façon d’y intégrer la technologie aussi.
La vision initiale, très dense, est devenue épurée et minimaliste. Un processus qui l’a amené à passer par des moments d’inconfort et des sentiments de flottement parfois très déstabilisants.
Je m’étais fait une note au tout début du parcours du projet. Attends-toi à ce que les choses changent, puis c’est sûr que c’est ça qui est arrivé!
Elle affirme que pour grandir comme créateur, il faut demeurer réceptif au processus et se pousser à sortir de sa zone de confort.
D’avoir une part de planification et d’intuition, c’est un équilibre un peu magique et il faut être capable d’accepter qu’il y aura des moments d’inconfort. C’est juste à la limite du perdre pied, mais c’est correct. Et c’est plus intéressant d’aller là que de s’en tenir mordicus à un plan qu’on s’était donné au départ
, juge Anne Brochu Lambert.
Créer en temps de pandémie : quand l’art n’est plus un oasis
La pandémie a engendré pour Anne Brochu Lambert des événements personnels très sollicitants sur le plan émotif qui ont, à certaines reprises, mis à l'arrêt ce qu’elle tentait d’accomplir dans son atelier. Une leçon d’humilité et une prise de conscience de l’impact de cette situation sur sa capacité de créer.

Anne Brochu Lambert explique les défis rencontrés dans la création en contexte de pandémie de son projet portant sur quatre générations de femmes de sa famille.
Finalement, la pandémie n’aura pas réussi à contaminer son projet créatif. Anne Brochu Lambert se dit fière de sa conceptualisation et émue d’avoir pu revisiter tous ces artefacts de sa famille en explorant cette idée de filiation.
Elle est aussi reconnaissante d’avoir pu collaborer avec sa fille et d'avoir approfondi sa relation avec sa mère, même si ce n’était que par l’écran d’un ordinateur… pandémie oblige.
« C’est à la fois une aventure artistique et une exploration de ma propre histoire familiale. Alors c’est doublement important pour moi ce projet-là. »
L’installation Voix et passages d’Anne Brochu Lambert fait partie d’une exposition collective dont le vernissage est prévu en juin au Centre d'arts visuels de l'Alberta (CAVA) à Edmonton.
L'exposition Présence de femmes est une initiative de l’Association des groupes en arts visuels francophones (AGAVF), qui réunit les œuvres de sept artistes féminines francophones de l’Ouest canadien.