Le gouvernement Higgs coupe les vivres aux Premières Nations

La ministre des Affaires autochtones Arlene Dunn et le premier ministre du Nouveau-Brunswick Blaine Higgs.
Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau
Le premier ministre Blaine Higgs annonce mardi que le gouvernement provincial ne remboursera plus aux communautés des Premières Nations une partie de la taxe de vente provinciale perçue dans les entreprises situées dans ces communautés.
Le gouvernement annule des accords sur la taxe de vente provinciale conclus il y a 30 ans.
Dans un communiqué, la province indique que le Nouveau-Brunswick est la seule province à avoir conclu de tels accords et que ces accords fiscaux provinciaux sont désuets
et se sont avérés injustes et non viables
.
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En vertu de ces accords, le gouvernement rembourse 95 % des premiers 8 millions de dollars perçus en taxe de vente provinciale et 70 % des montants par la suite. La province indique qu’au début, cette somme s’élevait à 28 000 $, mais qu’en 2019-2020, elle atteignait 47 millions de dollars. Selon les estimations provinciales, ce montant serait de 75 millions de dollars d’ici 2031-2032.
Nos accords en vigueur ne sont manifestement pas viables
, indique le premier ministre Blaine Higgs dans un communiqué de presse.
Ces accords ne respectent pas nos principes fondamentaux en matière de fiscalité. Au Canada, nous croyons que nous devons tous contribuer financièrement aux programmes dont nous bénéficions tous, comme la santé, l’éducation et d’autres services de soutien social
, ajoute M. Higgs.
Le premier ministre indique qu’une bonne partie de ces sommes remboursées, 40 % selon la province, ne sont remises directement qu’à un pourcentage minime de la population des Premières Nations, soit 2 %.
Les accords ont été renouvelés en 2017. Selon cette entente, l’accord fiscal est étendu aux entreprises établies sur les ajouts des terres de la Couronne aux réserves. Depuis 2018, six ajouts aux réserves ont été approuvés et sept autres communautés des Premières Nations attendent l’approbation pour 20 parcelles de terre, dont plusieurs sont situées dans des emplacements privilégiés pour le développement commercial
.
Blaine Higgs craint que cela ne vienne diminuer l'assiette fiscale de la province. La province rappelle aussi que ces accords sur la taxe de vente provinciale n'ont pas de liens avec les droits issus des traités et qu'ils ont été conclus avant la TVH et la taxe sur le carbone.
Le gouvernement veut de nouveaux partenariats économiques « viables »
La ministre des Affaires autochtones Arlene Dunn indique vouloir collaborer avec les communautés des Premières Nations du Nouveau-Brunswick pour établir de nouveaux partenariats économiques.
Nous envisageons un partage des recettes de l’exploitation des ressources naturelles et d’autres projets mutuellement bénéfiques, y compris des partenariats conjoints avec le gouvernement fédéral dans des domaines prioritaires comme le logement et le développement économique
, peut-on lire dans le communiqué de la province.
Arlene Dunn dit vouloir se baser sur des modèles d'autres provinces. Elle cite en exemple un accord de développement économique entre l'Alberta et les Premières Nations pour des prêts afin de stimuler les investissements autochtones dans les ressources naturelles.
Blaine Higgs n'a pas nié que la récente entente pour le partage des revenus sur la taxe sur le carbone a motivé en partie sa décision d'aller de l'avant avec la fin du partage des revenus de la taxe de vente provinciale.
Les Premières Nations n'ont pas été consultées
La ministre Arlene Dunn a confirmé lors de la période de questions que les chefs des Premières Nations n'ont été avisés de cette décision que mardi matin, en raison de considérations juridiques. Elle confirme aussi que les chefs n'ont pas eu l'occasion de poser des questions lors de cette rencontre.
La ministre a invité les chefs des Premières Nations à entamer un dialogue pour un nouveau partenariat économique.
Questionné s'il avait évalué l'impact économique de cette décision sur les communautés autochtones, le premier ministre Blaine Higgs a seulement répondu qu'il fallait aussi considérer l'impact économique de ne pas prendre cette décision pour l'ensemble de la population.
Quel impact cela aura-t-il sur notre capacité à financer les écoles et les hôpitaux ou des programmes sociaux. Ce sont des choses que nous finançons pour tous nos citoyens [...] y compris les gens des Premières Nations
, a indiqué Blaine Higgs.
M. Higgs admet que la façon de faire de son gouvernement risque de rendre de futures discussions plus difficiles.
Ce n’est pas facile et je le reconnais. Aurions-nous pu faire les choses différemment? Peut-être. Mais ma porte sera ouverte et celle de la ministre aussi.
Des chefs autochtones en colère
Des chefs de communautés autochtones du Nouveau-Brunswick sont en colère et sous le choc à la suite de cette annonce. Ils déclarent que cette décision aura des répercussions néfastes sur leurs communautés.
Il est évident que cette situation va endommager encore plus la relation
, a déclaré la cheffe de la Première Nation malécite du Madawaska, Patricia Bernard. Ça me dépasse. C’est complètement inapproprié.
Même son de cloche du côté de la Première Nation de Pabineau Falls, où le chef Terry Richardson indique que l’argent des taxes était important et utilisé pour combler l’écart
dans les secteurs sous financés dans sa communauté.
En plus de l’annonce, les chefs ont de la difficulté à accepter qu’ils n’aient pas été consultés et même avertis de la décision au préalable.
C’est lors d’une téléconférence avec le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, Ernie Steeves, que les chefs autochtones ont été informés de la nouvelle mardi matin. À peu près au même moment, Blaine Higgs s'adressait aux médias.
Cela démontre à quel point les relations qu’entretient cette province avec les Premières Nations sont horribles
, croit Patricia Bernard.
Selon Terry Richardson, la rencontre n’a duré que quelques minutes, et le ministre n’a pas permis de période de questions. Je suis vraiment vraiment déçu qu’il n’ait pas pris le temps de nous parler avant
, dit-il.
Alors que la relation entre les communautés autochtones du Nouveau-Brunswick et le gouvernement Higgs était déjà, selon Patricia Bernard, sur la corde raide
, la fin d’un accord de 30 ans annoncé en pleine pandémie risque de mettre le feu au poudres.
Les chefs se réuniront sous peu pour parler des prochaines étapes et tenter de relancer les discussions avec le gouvernement provincial.