Des pharmaciens frustrés par la campagne de vaccination du Nouveau-Brunswick
Réception de vaccins au compte-gouttes, livraisons annulées au dernier moment, appels incessants de clients : quand le Nouveau-Brunswick a décidé de confier la vaccination contre la COVID-19 aux pharmacies communautaires, les pharmaciens, eux, étaient loin de se douter qu’ils allaient devoir gérer une telle charge de travail.

Les pharmacies du Nouveau-Brunswick sont responsables de vacciner une grande partie de la population (archives).
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Les annonces de nouveaux groupes admissibles au vaccin se succèdent au Nouveau-Brunswick et les appels de clients impatients de se faire vacciner se multiplient, mais les quantités de doses allouées restent pour le moment inférieures à la demande dans plusieurs pharmacies. La semaine dernière, des centaines de rendez-vous ont même dû être annulés.
Le pharmacien-propriétaire Brian Fitzpatrick, dans la région de Bathurst, affirme que ses équipes ont dû reporter quatre pleines journées
de rendez-vous à la suite d’un court préavis de la santé publique faisant état d’un ralentissement des livraisons du vaccin Moderna.
Il a fallu tous les appeler, et là il va falloir les rappeler une fois que nos commandes de vaccins seront de retour à la normale
dans environ deux semaines, relate-t-il.
Même refrain à la pharmacie Jean Coutu de Caraquet, où environ 600 clients sont inscrits sur une liste d’attente. Cette semaine, on n’en a pas reçu du tout. La semaine prochaine, on devrait recevoir une soixantaine de doses et la semaine d’après, environ 90 doses
, expose le pharmacien Kevin Haché.
La ministre de la Santé, Dorothy Shephard, reconnaît que ces aléas peuvent causer des inconvénients, mais souligne qu’il s’agit d’un effort mondial
, puisque les vaccins de l’entreprise américaine Moderna que le Canada reçoit sont fabriqués en Europe.
On passe nos journées à répondre au téléphone
Cette situation illustre toutefois un problème plus large au Nouveau-Brunswick, soit le fardeau qui pèse sur les pharmacies plutôt que sur le système public de santé.
Les pharmacies communautaires, on fait une grosse partie du screening pour le gouvernement présentement. On voulait certainement être partenaires dans la campagne de vaccination, mais on ne s’attendait pas à recevoir des téléphones comme on en a là
, déplore Brian Fitzpatrick.
Comme c’est là, on ne peut pas fournir au niveau des vaccins, et même au niveau des téléphones. Parce qu’on passe nos journées à répondre au téléphone facilement 50 % du temps.
En plus de la gestion des rendez-vous, les employés de pharmacies doivent répondre aux questions des clients et faire un travail de prévention de santé publique, et tout particulièrement au sujet du vaccin AstraZeneca.
Il y a quand même beaucoup de gens qui sont indécis de recevoir le vaccin AstraZeneca et ça, ça pose quand même un problème de logistique
, explique le pharmacien Kevin Haché au sujet de ce vaccin suspendu temporairement en raison du signalement de cas « très rares » de caillots sanguins.
On reçoit peut-être une centaine d’appels par jour. Quand vient le temps d’expliquer les bénéfices comparativement aux risques de ce vaccin, ça prend au moins 5 à 10 minutes. Donc on multiplie par 100 et ça devient très lourd.
De son côté, Dorothy Shephard vante l’approche équilibrée
de son ministère quant à la répartition des responsabilités dans l’administration des vaccins.
Les pharmacies s’en tirent très bien, en moyenne. S’il y en a qui éprouvent des difficultés, je suis certaine que le ministère travaillerait avec elles pour leur prêter main-forte
, affirme-t-elle.
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Révision du plan de vaccination
Depuis jeudi de la semaine dernière, les cliniques de vaccination des régies régionales de santé sont ouvertes à toutes les personnes admissibles aux vaccins. En date du mercredi 7 avril, l'admissibilité s'étend aux personnes de 70 ans et plus.
Les pharmaciens poussent un soupir de soulagement et comptent sur ce changement de stratégie pour que soit rattrapée une partie du [retard]
.
Dans le passé, c'était plutôt des gens dans les foyers ou des gens avec des conditions chroniques, mais là, la santé publique commence à prendre de plus en plus de clients, donc ça va nous aider énormément
, avoue M. Fitzpatrick.
Ce changement de stratégie vient toutefois bousculer le calendrier de vaccination.
Le gouvernement garde toujours le cap sur la fin juin pour avoir administré une première dose à tous les Néo-Brunswickois de 16 ans et plus, mais fait marche arrière sur la tenue de séances séparées destinées aux grands employeurs et aux travailleurs de soins à domicile.
Selon le nouveau plan, ces personnes devront attendre leur tour comme les autres en fonction de leur groupe d’âge.
Cette stratégie par groupes d’âge va nous permettre de maximiser notre portée et notre efficacité, en nous permettant de réagir plus rapidement selon les livraisons
, explique la ministre de la Santé, Dorothy Shephard.
J’aimerais vous dire que c’est la dernière fois qu’on change notre plan, mais ce n’est pas une promesse que je peux tenir.
Changement de vitesse grâce à AstraZeneca
Selon la dernière mise à jour du gouvernement, 18,4 % de la population en âge d’être vaccinée a reçu au moins une dose du vaccin au Nouveau-Brunswick (et 28,5 % de la population dans la grande région d'Edmundston).
Cette proportion devrait grimper considérablement après la fin de semaine, car 21 100 doses du vaccin AstraZeneca-Oxford sont distribuées ces jours-ci dans 132 pharmacies à travers la province.
Ce vaccin sera offert à toutes les personnes de 55 ans et plus qui le souhaitent. Des pharmacies ont commencé à prendre des rendez-vous et certaines affichent déjà complet. D’autres acceptent des clients en fonction du premier arrivé, premier servi
.
Avec les informations de Karine Godin