Le jugement sur la taxe carbone « érode les compétences provinciales », dit Kenney
Des politiciens locaux, dont le maire d’Edmonton, y voient toutefois un pas en avant.

Le premier ministre de l'Alberta, Jason Kenney, dit que la Cour suprême a donné de nouveaux pouvoirs à Ottawa.
Photo : Gouvernement de l'Alberta / Chris Schwarz
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La Cour suprême du Canada a beau dire le contraire, Jason Kenney n’en démord pas : la tarification fédérale sur le carbone est un outrage à la constitution et empiète sévèrement sur les compétences provinciales.
[La cour] a découvert un nouveau pouvoir fédéral qui érode les compétences provinciales
, soutient-il.
L’Alberta avait instauré un système provincial de tarification sur le carbone sous la gouverne du Nouveau Parti démocratique (NPD). Le gouvernement Kenney l’a annulé dès son arrivée.
La taxe fédérale, qui s’applique uniquement aux provinces qui n’ont pas de système provincial équivalent, est entrée en vigueur le 1er janvier en Alberta.
Pour y échapper, la province devrait ramener une taxe provinciale. Jason Kenney indique qu’il consultera la population à ce sujet.
« Quelle politique va imposer le moins de coûts possible sur les familles albertaines; quelle politique va causer le moins d’impacts sur l’économie albertaine ? Ce sera notre considération principale. »
Le premier ministre a également affirmé que le système était injuste envers l’Alberta. Selon lui, le système de bourse du carbone utilisé au Québec coûte moins cher que la taxe fédérale.
Il dit qu’Ottawa a accepté de le considérer comme une équivalence parce que « le fédéral est plus sensible » aux tensions et aux problèmes qui viennent du Québec qu’à ceux qui viennent de l’Ouest.
Il affirme par ailleurs que le jugement ne change rien aux autres batailles juridiques qu’il mène contre le gouvernement fédéral, entre autres contre la Loi sur les évaluations environnementales.
Jason Kenney estime que, malgré sa défaite, il a tenu ses promesses aux Albertains en annulant la taxe provinciale et en combattant le système fédéral jusqu’en Cour suprême.
La chef de l’opposition officielle, Rachel Notley, soutient plutôt que tout ce que cette longue lutte a fait, c’est endommager la réputation de l’Alberta
et ralentir les investissements
dans la province.
Des experts en droit contredisent Jason Kenney
Stéphane Beaulac, avocat-conseil chez Dentons, ne partage pas les inquiétudes du premier ministre albertain.
Selon lui, le juge en chef, Richard Wagner, a bien précisé que l’application du concept de l’intérêt national, qui permet à Ottawa d’intervenir dans des domaines de compétence provinciale pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement
, doit être utilisée de façon rarissime
et au cas par cas.
Je vois vraiment mal le fédéral partir avec ce jugement-là pour dire "ahah, vous voyez, maintenant on a le champ libre pour intervenir de plus en plus en matière environnementale". Le jugement a pris soin d’envoyer le message qui est tout le contraire
, dit-il.
Eric Adams, professeur de droit à l’Université de l’Alberta, croit également que les commentaires de Jason Kenney sont des déclarations extrêmes qui ne rendent pas justice au jugement qui a été émis
.
La cour, selon lui, a précisé l’application de la loi constitutionnelle, mais ne l’a pas révolutionnée.
Dire que c’est une nouvelle version de la constitution, ou une "exception" à notre arrangement fédéral, selon moi, c’est de la politique
, dit-il.
Des leaders locaux soulagés de clore le dossier
La Nation des Chipewyan de l'Athabasca du Nord de l’Alberta, qui est intervenue dans la cause en appui à Ottawa, s’est réjouie du jugement dans un communiqué.
Le débat est terminé. Nous savons que l’activité humaine cause des changements climatiques irréversibles
, écrit-elle, ajoutant que les Premières Nations et les communautés défavorisées sont toujours les premières à en pâtir.
Elle encourage les premiers ministres de l’Alberta, de l’Ontario et de la Saskatchewan à se joindre à la lutte contre les changements climatiques.
Le maire d’Edmonton, Don Iveson, a lui aussi salué la décision de la Cour suprême.
Loin d’étouffer l’industrie pétrolière, il est convaincu que la tarification du carbone apportera de la certitude et de la cohérence
pour le milieu des affaires, qui en a grandement besoin.
Le Canada, les États-Unis et le monde s’en vont tous dans la même direction. On doit embarquer et utiliser l’expertise que nous avons, dans notre région et de notre province, pour résoudre les problèmes énergétiques
, croit Don Iveson.
Il ajoute que la meilleure solution pour réduire le fardeau financier de la tarification sur le carbone est de miser sur les technologies vertes et la réduction des émissions de CO2.
La loi fédérale sur la tarification du carbone a été adoptée en 2018. Son prix, qui atteint 40 $ par tonne cette année, augmentera jusqu’à 170 $ par tonne en 2030.