•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Analyse

Le Canada, ce pays du G7 sans budget

Chrystia Freeland retire son masque.

Chrystia Freeland a inclus dans le projet de loi sur les mesures de soutien annoncées à la fin de novembre un relèvement du plafond de la dette fédérale.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Il y a deux ans, pratiquement jour pour jour, le gouvernement du Canada déposait son budget 2019-2020. « Nous sommes certains qu’il s’agit du bon plan, disait alors le ministre des Finances de l’époque, Bill Morneau, et de la voie responsable pour bâtir un pays meilleur et un monde meilleur. » Aujourd’hui, 730 jours plus tard, quel est donc le plan du gouvernement Trudeau?

En mars 2020, les experts comme les membres de l’opposition ont compris rapidement qu’il n’était pas possible pour Bill Morneau d’annoncer son budget au moment où frappait de plein fouet la pandémie et où se déployait la panoplie de restrictions sociosanitaires l'accompagnant. Le budget du 30 mars 2020 a été annulé, en attente d’une éclaircie qui devait permettre au ministre des Finances de mieux planifier l’exercice budgétaire.

Pour le gouvernement Trudeau, cette éclaircie ne s’est jamais présentée. Et le budget n’a jamais été reporté. Parce que les temps étaient trop incertains, le gouvernement s’est contenté de présenter une mise à jour au début du mois de juillet, puis une autre mise à jour en novembre. Bill Morneau et sa successeure aux Finances, Chrystia Freeland, ont invoqué la grande incertitude qui régnait pour justifier l’absence de budget fédéral.

Un an après le début de la pandémie et deux ans après le dépôt du dernier budget fédéral, comment le gouvernement de Justin Trudeau peut-il aujourd’hui justifier l’absence de budget?

Puisque des consultations prébudgétaires ont eu lieu, nous comprenons qu’un budget est en préparation pour l’exercice 2021-2022, qui s’amorce le 1er avril. Mais un porte-parole de la ministre Freeland a confirmé publiquement que le budget allait être présenté plus tard ce printemps. Nous n’aurons pas en main le budget pour amorcer le nouvel exercice, le 1er avril.

Et puisque la Chambre des communes ne siège pas au début du mois, selon le calendrier prévu, le budget ne pourra pas être dévoilé avant le 12 avril, au plus tôt. La dernière fois que le gouvernement fédéral a présenté le budget après le 1er avril, c’est sous le gouvernement Harper, le 21 avril 2015, en année électorale.

Ottawa ne peut plus invoquer l’incertitude pour justifier ce retard. La seule explication qui tienne pour reporter la présentation du premier budget de Chrystia Freeland, c’est la stratégie politique. Le gouvernement est minoritaire et il ne se passe pas une journée, en ce moment, sans que les commentateurs politiques spéculent sur le déclenchement d'élections générales.

Le scénario qui semble se dessiner ressemble à ceci : dépôt du budget tard en avril, petite marche à Rideau Hall (qui est là?), déclenchement de la campagne, élections en juin.

C’est un scénario comme un autre. Mais, revenons au budget : est-il acceptable que le gouvernement Trudeau en retarde la présentation à des fins stratégiques et électoralistes? Est-il acceptable de priver, depuis deux ans, les Canadiens et le débat public d’une feuille de route prévisible, chiffrée et transparente sur l’état des finances publiques, les prévisions et les projets du gouvernement?

Les consultations prébudgétaires ont eu lieu du 25 janvier au 19 février 2021. Le ministère des Finances a eu le temps d'achever son travail.

Il est important que les Canadiens aient accès aux prévisions budgétaires du gouvernement. Et c’est 100 fois plus important en ce moment, compte tenu de l’ampleur du déficit, de l’alourdissement de la dette et de la sortie de crise qui s’amorce.

La ministre Freeland a appelé les conservateurs à approuver le projet de loi C-14 et les mesures de soutien aux Canadiens présentées lors de la mise à jour économique du 30 novembre 2020. Mais cette pièce législative comprend également un relèvement du plafond de la dette à 1800 milliards de dollars. Oui, comme aux États-Unis, nous avons aussi un plafond de la dette chez nous!

Les conservateurs affirment soutenir les mesures pour aider les particuliers et les entreprises, mais mettent en question cette modification proposée à la Loi autorisant certains emprunts, qui viendrait augmenter le plafond de la dette de 663 milliards de dollars à plus de 1800 milliards. La question fondamentale que pose Ed Fast, le porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances, est : à quoi va servir cet argent?

La ministre affirme que cette loi donne la limite d’emprunt possible, et non le montant réel des emprunts nécessaires ou des dépenses prévues.

La dette est passée de 721 milliards à 1100 milliards durant la crise. C’est ce qu’on peut constater dans la mise à jour de l’automne. Voilà que le gouvernement fédéral réclame un relèvement du plafond d’emprunt à 1800 milliards de dollars, ce qui ne veut pas dire que la dette va se rendre prochainement à ce niveau.

L’affaire mérite débat, ne trouvez-vous pas? Quelles sont les dépenses prévues en 2021-2022 par le gouvernement Trudeau? Qu’entend faire la ministre Freeland de ses 100 milliards de dollars en relance annoncés dans la mise à jour, qui doivent se retrouver dans le budget? Quel sera le déficit en 2021-2022, après les 300 à 400 milliards de 2020-2021? Quel sera le niveau d’endettement? Ottawa va-t-il augmenter des impôts, majorer des transferts, réduire certaines dépenses? Quel est le calendrier de sortie de crise et de la fin des aides d’urgence?

Les économistes s’attendent à une forte croissance économique en 2021. Tous les économistes prévoient des hausses de 4 à 6 % du PIB cette année, en raison de la réouverture des activités économiques, de la vaccination qui avance et de la croissance attendue de la consommation. Ottawa est en mesure de planifier la suite des choses et doit rendre publiques ses projections budgétaires rapidement, quel que soit le calendrier électoral.

Mes amis qui analysent l’univers politique me trouveront bien naïf. Peut-être, sans doute. J’en appelle simplement à la transparence démocratique du gouvernement Trudeau.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...