Des restrictions au quai de Cap-aux-Meules sèment l'insatisfaction

Des barricades ont été érigées pour restreindre l'accès à certaines portions du quai. Des caissons en bois ont aussi été placés sur les bornes d'amarrage qui ne devront plus être utilisées.
Photo : Gracieuseté
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La colère gronde aux Îles-de-la-Madeleine alors que l'accès au quai de pêcheurs de Cap-aux-Meules est restreint de façon importante à l’aube de l’ouverture de la saison de pêche. Plusieurs intervenants demandent au fédéral de reporter l'application de cette décision afin que les activités puissent se dérouler comme prévu.
Dans un courriel reçu le 25 février, les usagers du quai apprenaient que 11 des 24 bornes d’amarrage du principal port de pêche de l’archipel sont condamnées dans les secteurs nord et ouest de la structure. L’utilisation de véhicules lourds et de grues de chargement est aussi interdite. Les véhicules standards ne peuvent plus accéder à certaines parties de la structure.
On indiquait également dans cette lettre que les deux usines de transformation qui possèdent des installations au quai, LA Renaissance des Îles et Fruits de mer Madeleine, doivent les déplacer puisqu’elles se situent dans des secteurs critiques
. Le lieu où les postes de débarquement devraient être relocalisés n'est pas encore connu.
Transport Canada a pris cette décision à la suite d’une inspection détaillée de la structure. Cet examen a révélé, peut-on lire dans la correspondance envoyée aux utilisateurs du quai, que son niveau de dégradation a évolué au cours des dernières années
. La capacité portante de la structure serait ainsi passée, selon le Ministère, de 19 kPa à 12 kPa, soit une baisse d’environ 37 %.

Cette pompe à essence située sur le quai n'est plus non plus accessible.
Photo : Gracieuseté
Des barricades ont été érigées afin de restreindre l'accès à certaines zones et des caissons en bois ont été posés sur les bornes d'amarrage qui ne peuvent plus être utilisées.
Ces restrictions ne mettent pas en péril la saison de pêche, mais imposent d'importants défis logistiques. Certains pêcheurs ont reçu la nouvelle environ deux semaines seulement avant le début de leurs activités. Les pêcheurs de pétoncle madelinots ont l’autorisation de sortir en mer dès lundi. Leurs confrères crabiers devraient quant à eux les imiter à la mi-avril.
C’est une catastrophe!
Le président du Regroupement des utilisateurs du port de Cap-aux-Meules (RUPCAM), Jocelyn Thériault, est indigné, rappelant que le port est la porte d’entrée maritime des Îles-de-la-Madeleine.

Le pêcheur de crabe Jocelyn Thériault est le président du Regroupement des usagers du port de Cap-aux-Meules (archives).
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
La situation actuelle, renchérit-il, aurait très bien pu être évitée. Ce qu'on dénonce, c'est l'inaction de Transport Canada depuis des années et le manque d'investissements faits sur les quais. C'est complètement aberrant! Ils ont manqué à leur devoir au niveau de l'entretien et de la sécurité
, clame-t-il.
Des conséquences à prévoir
Le directeur des opérations de LA Renaissance des Îles, François Albert, explique que la décision du fédéral vient significativement compliquer les choses puisque le quai n’est pas si grand que ça
.
Il craint que ces restrictions restreignent encore davantage l'espace disponible, tant pour les pêcheurs locaux que pour ceux de l’extérieur qui viennent livrer du crabe sur place. Une dizaine de semi-hauturiers de la Gaspésie et du Nouveau-Brunswick s’amarrent au quai pour approvisionner LA Renaissance des Îles.
Ça peut […] impliquer qu’il y ait des crabiers qui décident d’aller vendre au Nouveau-Brunswick ou à l’Île-du-Prince-Édouard. Ça peut affecter ma production
, déplore-t-il. Entre 50 % et 60 % des captures de crabe des neiges transformées par l’entreprise transigent par le quai de Cap-aux-Meules.

Arrivage de crabe des neiges en provenance des Îles-de-la-Madeleine (archives).
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
Il serait possible, pour gagner de l’espace, d’épauler les bateaux, c’est-à-dire de les amarrer les uns aux autres. Toutefois, M. Albert craint que les fréquents déplacements exigés par une telle façon de faire ne créent des embouteillages.
François Albert soulève également un autre problème relatif à la sécurité des pêcheurs. Lorsqu’il y a une tempête dans le golfe Saint-Laurent, beaucoup de crabiers de l’extérieur viennent se protéger au quai de Cap-aux-Meules. Avec les restrictions que Transport Canada vient de nous imposer, on va les installer où?
, questionne-t-il.
Par courriel, la CTMA a indiqué à Radio-Canada que, selon le directeur général Emmanuel Aucoin, la situation vécue actuellement démontre une gestion déficiente de la part du bureau de Transports Canada à Québec pour l’entretien de ses propres infrastructures portuaires. [Il est aussi] à même de constater que Transport Canada se limite depuis de nombreuses années aux inspections minimales obligatoires, la CTMA n’est pas surprise de la tournure des événements.
Précisons que la décision de Transport Canada ne vise pas la cale de halage appartenant à la CTMA, ni la rampe de mise à l’eau opérée par le Club nautique de Cap-aux-Meules.
Un report demandé
Tous les intervenants contactés lundi par Radio-Canada demandent que Transport Canada reporte l’application de sa décision afin que la saison de pêche puisse se dérouler comme les précédentes. Des travaux pourraient ensuite avoir lieu afin de réparer la structure, notent-ils.
On n’a pas de solution de rechange. On a laissé nos bateaux à quai, rien n’est arrivé encore. Ce qu’on demande, c’est le statu quo pour cette année
, fait valoir Jocelyn Thériault.
La Communauté maritime des Îles et des représentants de la CTMA ont rencontré le ministre des Transports, Omar Alghabra, à ce sujet la semaine dernière. La députée fédérale de la Gaspésie-Les-Îles-de-la-Madeleine, Diane Lebouthillier, était également présente.
Ce qu’on a fait valoir au ministre, c’est que le port de Cap-aux-Meules, c’est le cœur et le poumon de la communauté des Îles puisqu’il est multifonctionnel
, résume le maire des Îles-de-la-Madeleine et président de la Communauté maritime, Jonathan Lapierre.

Le maire de la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre (archives).
Photo : Radio-Canada / William Bastille-Denis
On s’attend à des gestes et à des actions concrètes au cours des prochains jours, des prochaines semaines
, ajoute-t-il, mentionnant avoir reçu une bonne écoute lors de cette rencontre avec les deux ministres fédéraux.
Jonathan Lapierre a par ailleurs fait savoir qu’il trouvait extrêmement décevant et fâchant
que la nouvelle ait été acheminée par courriel sans aucune consultation préalable. Le maire se dit par ailleurs surpris d'apprendre que, soudainement, le quai n’est pas sécuritaire et il souhaite obtenir des détails sur l’état de la structure.
La députée et ministre Diane Lebouthillier n’était pas disponible lundi après-midi pour répondre à nos questions.
Réponse du ministère
Interpellé, le ministère des Transports a indiqué par courriel à CBC/Radio-Canada que les limitations d’accès allaient demeurer en place jusqu’à nouvel ordre.
D’autres mesures comme le balisage de la chaussée, l’installation d’une signalisation et de pare-chocs en béton sont à venir afin d’améliorer l’accès au quai des pêcheurs et faciliter la continuité des opérations, ajoute le ministère.
Le ministère précise aussi avoir embauché un agent de sécurité pour informer les utilisateurs et le public des restrictions en place.
Le ministère réitère que ces zones ont été fermées pour des raisons de sécurité puisque l’inspection détaillée du quai, réalisée en novembre 2020, a révélé une détérioration importante de la structure de béton.
Transports Canada souligne qu’il prend au sérieux les besoins économiques de la communauté de Cap-aux-Meules.
De son côté, le Cabinet du ministre des Transports, Omar Alghabra, indique travailler à une solution qui aura le moins d’impacts possible, mais que la modernisation du quai de Cap-aux-Meules est un enjeu de sécurité pour les utilisateurs du quai.
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Un texte de Roxanne Langlois