Un an de pandémie et de mobilisation scientifique sans précédent

Le doctorant Clément Mazeaud est très concentré sur la tâche.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Depuis un an, la communauté scientifique du monde entier s’est engagée dans une mobilisation d’une envergure jamais vue et concentrée sur un seul but : vaincre la COVID-19. Au Canada, des centaines de millions de dollars ont été dégagés pour financer des centaines de projets de recherche scientifique.
Une réalité qui a bouleversé le quotidien des chercheurs canadiens, tout en les forçant à unir leurs efforts pour combattre la pandémie.
Luc-Alain Giraldeau, directeur général de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), ne pensait jamais être témoin d’un mouvement de cette ampleur. Tout le monde a mis l’épaule à la roue. C’est un mouvement planétaire. On n’a jamais eu au Canada une mobilisation aussi intense dirigée vers un problème unique
, constate-t-il.
Ça a fait réaliser à tout le monde que la communauté internationale, c’est énorme. Et c’est très puissant. Développer un vaccin en moins d’un an, c’est du jamais vu!
Le vice-président des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), Adrian Mota, confirme qu’une partie significative de la communauté scientifique a répondu présente pour lutter contre la COVID-19 et qu'elle contribue à trouver des solutions aux problèmes soulevés par la pandémie.
Plus de 20 compétitions organisées à un rythme inégalé dans les derniers mois par les IRSC, l’agence responsable de coordonner la subvention de recherche en santé, ont mené à la distribution de plus de 200 millions de dollars qui sont destinés au financement de près de 400 projets de recherche, explique Adrian Mota. Et les projets sélectionnés ne visaient pas qu’à trouver des vaccins ou des traitements contre la COVID-19, précise-t-il.
Un processus de financement accéléré
Luc-Alain Giraldeau souligne que, pour arriver à des résultats rapides, il a fallu alléger le processus de financement des projets de recherche : Les agences subventionnaires ont mis en place des mécanismes très rapides pour distribuer cet argent-là, et ça a été fait. Moi, je lève mon chapeau à tout le monde qui a collaboré.

Luc-Alain Giraldeau, directeur général de l’INRS
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
M. Giraldeau reconnaît qu’il y a un risque à accorder des fonds de recherche de manière accélérée : il est possible de financer des projets qui étaient mal étoffés et qui n’aboutissent finalement à rien.
Néanmoins, le scientifique assure que cela en valait la peine. C’est un risque qu’on a accepté d’encourir parce que la situation était urgente, dit-il. On avait tous besoin de se sortir au plus vite de cette pandémie qui n’affecte pas juste la santé des gens, mais toute notre société.
Le directeur général de l'INRS tient à préciser que le processus de publication des études, lui, n’a pas été accéléré, ce qui assure la validité et la fiabilité des résultats publiés.
Adrian Mota ajoute avoir remarqué que l’esprit compétitif qui a toujours caractérisé la communauté s’est transformé, dans la dernière année, en un esprit de collaboration et d’entraide.
Je suis très fier d’être Canadien en voyant la réponse de nos scientifiques
, dit-il, avant de poursuivre : Pour une de nos compétitions pour laquelle le délai de soumission des projets était de seulement trois semaines, nous avons reçu plus de 1000 propositions. C’est incroyable! Nous sommes très chanceux d’avoir ici toute cette expertise.
Les priorités de recherche réorientées
Parmi les scientifiques mobilisés, il y a Laurent Chatel-Chaix, professeur et chercheur en virologie à l’INRS. Il confirme que, depuis un an, tous les efforts se sont concentrés sur un seul objectif : combattre la COVID-19.
Beaucoup de travail reste à faire, mais en termes de quantité de connaissances accumulées en un an, c’est un travail de titan qui a été fait!
relève-t-il.

Laurent Chatel-Chaix, professeur et chercheur en virologie à l’INRS
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
Toutes les ressources de la communauté scientifique ont été utilisées. Il y avait un sentiment d’urgence, peut-être de panique, aussi. C’était un peu enivrant, ça donnait presque le tournis. Toute cette effervescence scientifique est hyper stimulante.
Le chercheur a trouvé difficile, toutefois, de devoir composer avec les nouvelles normes sanitaires, resserrer les accès aux laboratoires et s’adapter à l’enseignement en ligne. Malgré tout, il est fier de l’adaptabilité dont ses étudiants ont fait preuve dans le contexte de pression, de stress et d’urgence des derniers mois.
Dans un des laboratoires du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de Laval, une poignée de jeunes chercheurs sont concentrés sur leurs tâches, les yeux penchés au-dessus d’un microscope ou sur une centrifugeuse en train d’extraire de l’ADN. Avant la pandémie, ces jeunes chercheurs n’étudiaient pas les coronavirus. Or, depuis plusieurs mois, ils ont dû élargir leur champ d’intérêt.
Par exemple, Aïcha Sow, une doctorante en virologie moléculaire de 27 ans, a réorienté ses priorités de recherche. Je travaille habituellement sur le virus Zika; j’essaie de développer un nouveau modèle d’infection in vivo. Mais avec la pandémie, j’ai mis de côté ce projet et je développe des molécules contre un coronavirus
, explique-t-elle.
Elle est consciente de participer à une mobilisation unique et se dit heureuse de prendre part à cet effort collectif.

Aïcha Sow, doctorante en virologie moléculaire à l'INRS, est heureuse de pouvoir participer à l'effort collectif pour lutter contre la COVID-19.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
C’était naturel. On allait en guerre et tout le monde devait participer. Tout le monde a un rôle à jouer pour qu’on puisse sortir de cette crise. Tous les jours, de nouvelles choses sont découvertes. C’est passionnant! Et on sent que ce qu’on fait va concrètement aider les gens. On est au cœur de l’action; c’est clair que c’est motivant!
Une leçon de solidarité scientifique unique
Luc-Alain Giraldeau estime que le contexte a fait ressortir ce qu’il y a de plus noble dans la vocation scientifique.
Cachée dans le cœur de chaque scientifique, il y a cette volonté de contribuer à l’avancement de l’humanité. Je crois que la pandémie a permis de réaliser cette espèce de rêve utopique là, de travailler main dans la main et de se rappeler que la science, à la base, elle est là pour nous tous.
Cet événement triste qu’est la pandémie a permis de revenir aux sources de la science : Les scientifiques de partout ont collaboré de manière exceptionnelle, ont travaillé main dans la main. C’est vraiment remarquable. Je trouve que c’est une leçon de solidarité scientifique internationale unique.
Le directeur général de l’INRS espère qu’au moins une leçon sera retenue de cette crise : l’importance de maintenir le financement en infectiologie pour être mieux préparé dans l’éventualité… d’une prochaine pandémie.
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