La Suède, nouvelle sommité du jeu vidéo

Le jeu « Candy Crush Saga »
Photo : King
Pays d'ABBA, d'IKEA, de Volvo... et du jeu vidéo. En Suède, le secteur est devenu le premier produit culturel d'exportation grâce à une série de succès mondiaux comme Candy Crush, Minecraft et, ces dernières semaines, le surprenant Valheim.
Si les sociétés américaines et japonaises dominent la scène mondiale des jeux vidéo, le pays nordique, dont la population est d’à peine plus de 10 millions de personnes, peut se targuer d'avoir une industrie vidéoludique impressionnante.
Selon son bilan annuel, les éditeurs de jeux ont réalisé en 2019 un chiffre d'affaires annuel de plus de 2,3 milliards d'euros (3,4 millions de dollars canadiens), soit 20 fois plus qu'une décennie plus tôt.
Le nombre d'entreprises du secteur en Suède a lui doublé depuis 2014, atteignant les 435 en 2019, pour plus de 9000 emplois. Et la tendance a été renforcée par la COVID-19.
Parmi les plus grands noms suédois du secteur : King, créateur du jeu mobile ultra populaire Candy Crush, Mojang, développeur de Minecraft, et l'éditeur Embracer Group.
En février, ce dernier a vu sa part de marché dépasser celle d'Ubisoft après le rachat du développeur Gearbox (Borderlands), devenant ainsi la société de jeux vidéo la plus importante d'Europe.
Plusieurs studios à succès, à l'origine suédois, ont aussi été rachetés par des mastodontes américains, comme Electronic Arts, qui a acquis en 2006 DICE, développeur de la très populaire série Battlefield.
La réforme du PC à domicile en cause
Comme pour d'autres succès numériques suédois – le géant de la diffusion musicale Spotify et l’entreprise de technologie financière (fintech) Klarna – plusieurs analystes mettent en avant l'adoption de la réforme du PC à domicile
pour expliquer la bonne position suédoise dans le domaine du jeu vidéo.
En 1997, le Parlement a adopté cette réforme, accompagnée d'avantages fiscaux, qui a permis à de nombreux Suédois et Suédoises de louer un ordinateur en passant par leur employeur. Les appareils sont ainsi très tôt devenus courants dans les foyers suédois.
Mais pour Per Strömbäck, porte-parole de l'industrie suédoise des jeux vidéo, les véritables racines du succès actuel remontent aux chambres de garçons des années 80
.
Il s'agit d'une génération qui a appris à programmer sur Commodore 64, et qui a appris à créer des jeux en jouant à Démons et dragons [un jeu suédois qui ressemble à Donjons et dragons]
, explique-t-il à l'AFP, en soulignant que la plupart des grands studios suédois ont été fondés par des personnes nées dans les années 70.
L’ouverture sur le monde
Autre phase clé : l'effondrement de la bulle Internet en 2000. Les studios suédois de l'époque, davantage axés jusque-là sur les jeux éducatifs pour le marché intérieur, ont disparu, et de ces cendres est née une nouvelle génération de studios qui a ciblé le marché international.
« C'est ce changement d'orientation [...] qui a jeté les bases du succès à l'exportation. »
De nombreux studios suédois de jeux vidéo, comme Massive Entertainment et Embark, développent aujourd'hui des jeux dits de qualité AAA
dont les budgets en dizaines de millions de dollars américains sont comparables à ceux des films hollywoodiens.
L’apport des studios indépendants
Mais plusieurs d'entre eux ont triomphé grâce au succès-surprise de petites équipes ou studios indépendants.
Frictional Games, basé à Helsingborg, ne comptait dans son personnel d'une poignée de personnes lors de la sortie en 2010 du désormais célèbre jeu Amnesia: The Dark Descent.
Le jeu a également contribué à faire connaître PewDiePie, un youtubeur suédois devenu un des plus célèbres du monde grâce à ses réactions d'effroi devant les images d'horreur du jeu.
Markus Persson, également connu sous le nom de Notch, a lui créé seul la version originale de Minecraft. Devenu un phénomène international, le jeu a été vendu avec la société Mojang en 2014 à Microsoft pour 2,5 milliards de dollars américains.
Le développeur Iron Gate avait, lui, une équipe de seulement cinq personnes quand il a sorti, au début de février, Valheim, un jeu basé sur la mythologie nordique et qui a, depuis, été téléchargé quelque 5 millions de fois.