1 an de pandémie : des adolescents racontent comment la COVID-19 a changé leur vie

Tristan Lavergne a terminé son secondaire en 2020 et a connu une graduation particulière l'an dernier en raison de la pandémie.
Photo : Gracieuseté : Tristan Lavergne
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Vie familiale, cercles sociaux, santé mentale… les adolescents ont eux aussi dû s’adapter aux bouleversements liés au coronavirus. Un an après le début de l’ère COVID, Radio-Canada a parlé avec plusieurs jeunes pour comprendre comment leur vie a été bousculée.
C’est passé vite, mais en même temps c’est long
, résume Fannie Bouffard à propos de l’année particulière qui vient de s’écouler.
Je me rappelle en mars, quand le premier ministre a annoncé qu’on allait être trois semaines en ligne, j’étais excitée d’avoir un petit break de l’école
, raconte l’étudiante en première année au baccalauréat en psycho-linguistique de l’Université d’Ottawa.
Le 12 mars dernier, l'Ontario annonçait la fermeture des écoles pour trois semaines, devenant la première province canadienne à le faire. Pandémie oblige, le gouvernement prolongera ensuite cette fermeture jusqu'à la fin de l’année scolaire.
Je dirais qu’au début c’était très amusant. C’était juste ne pas aller à l’école donc ce n’était pas un problème pour moi
, se souvient Daria Jagielski de Windsor. Mais rapidement, l’absence de célébration comme les anniversaires ou la remise des diplômes à la fin de son cycle élémentaire ont fait rendre compte à la jeune de 14 ans que la situation n’était pas si drôle.
On n’a pas vraiment eu une graduation, ce n’était pas vraiment amusant
, note aussi Audrey Lalonde, élève de 7e année au Collège français de Toronto.
« Le plus grand bouleversement, ça a été de ne pas avoir la fin de ma douzième année comme je la voulais. »
Pas de bal de finissant pour Fannie Bouffard, et comme d’autres jeunes, ses plans de voyage ont été annulés. Ses activités aussi.
Rapprochement familial
Le point positif que plusieurs des jeunes ont relevé est le rapport à leur famille.
On est plus proches, on fait plus de choses ensemble
, estime Julia Lalonde, 18 ans, assise aux côtés de sa petite sœur Audrey, qui s’empresse d’ajouter en souriant que ce n’est pas toujours positif
. Des fois ça peut être un peu ennuyeux d’être toujours avec les mêmes personnes, explique la cadette de la famille.
On a appris à faire des lasagnes à la maison
, se souvient pour sa part Daria, qui vit avec ses parents et son petit frère. Avant la COVID, on n’était pas aussi proches qu’on l’est maintenant
, assure la jeune résidente de Windsor, relevant toutefois, avec humour, que les disputes sont aussi plus fréquentes.
On a appris à reconnaître quand on a besoin de nos espaces
, avance Tristan Lavergne, qui a commencé ses cours universitaires en sciences politiques depuis la maison familiale, où son père, sa mère et sa sœur aînée travaillent également.
Pour Fannie, qui est restée avec ses parents et sa petite sœur à Sturgeon Falls avant de déménager à Ottawa pour ses études, la situation a eu ses avantages et ses désavantages. À la fin avec ma sœur, on se tombait un peu sur les nerfs
, avoue-t-elle. Mais elle retient surtout les nombreuses activités familiales qui n’auraient peut-être pas eu lieu sans les restrictions liées à la pandémie, et le temps passé avec son chien.
En amitié, les relations ont à l’inverse été plus dures à maintenir.
« Quand on est confiné à la maison, c’est vraiment facile d’oublier qu’il y a un monde qui se passe autour de nous. Quand c’est juste les nouvelles puis la famille, on perd vite la perspective des alentours. »
Mon cercle social est beaucoup plus petit
, rapporte Daria, dont les amis de l’école élémentaire sont désormais dans différentes écoles que la sienne. Elle a toutefois réussi à se faire quelques nouveaux amis dans son nouvel établissement, les effectifs étant très réduit dans les classes, elle a pu créer des liens parmi le petit groupe.
Pour Julia Lalonde, qui a quitté le secondaire pour étudier le cinéma à l’Université Ryerson, l’entretien de ses liens d’amitié n’a pas toujours été facile, tout comme en créer de nouvelles.
Il faut vraiment faire des efforts, aller chercher et contacter des gens qu’on n’a jamais contactés, on ne peut pas vraiment se faire des amitiés naturellement comme avant, on ne voit pas des gens dans notre classe et au fur et à mesure de les voir chaque jour, on commence des amitiés
, explique la jeune femme.
Un apprentissage différent
À l’école ou à l'université, les choses ont aussi bien changé pour ces élèves et étudiants.
Bien qu’elle puisse suivre ses cours en présentiel, dans une petite cohorte et seulement la moitié du temps, Daria a trouvé ses premiers jours d’école secondaire difficiles.
« Pendant le dîner, on ne sort pas de la classe et tout le monde est sur son téléphone et personne ne parle. C’est juste… comme des robots. On est assis et personne ne parle les uns aux autres. »
Audrey Lalonde suivait ses cours en ligne depuis septembre, mais a décidé de retourner à l’école en personne depuis la reprise des cours en janvier. C’est un peu moins amusant
, dit-elle, expliquant qu’elle ne pouvait plus faire partie d’une équipe de sport comme avant et que les paniers de basketball ont été retirés de la cour d’école.
Puis le masque c’est vraiment ennuyant à porter toute la journée, même dehors
, ajoute l’élève de 7e année.
Pour Fannie Bouffard, mis à part sa nouvelle vie de jeune adulte vivant seule dans son appartement à Ottawa, le changement ne s’est pas tant fait sentir d’une année à l’autre. Et elle avoue ne pas être une grande partisane de l’université en ligne.
« J’ai eu deux mois de congé de l’école en ligne, mais là on dirait que j’ai juste recommencé, comme si ma douzième année n’avait jamais fini et je vais juste continuer avec différents cours. »
Julia Lalonde suit elle aussi ses cours sur Internet.
C’est beaucoup plus difficile de prendre des pauses ces jours-ci
, regrette l’étudiante en cinéma. Une fois le cours terminé, c’est facile d’enchaîner avec ses travaux par exemple, sans vraiment prendre le temps de déconnecter.
C’est difficile de toujours être sur l’ordinateur et de toujours être dans sa chambre
, complète Tristan Lavergne.
Selon elle, c’est donc important de prendre le temps de s’assurer que tout va bien et de vérifier régulièrement l’état de sa santé mentale.
Je pense que c’est important aussi de garder un regard sur ses amis, sa famille, surtout ceux qui vivent seuls
, complète Tristan. Mais pour ce faire, il faut avant tout prendre soin de soi-même, selon lui.
Plus de compassion
C'est en effet la santé mentale qui a été le plus grand défi au cours de la dernière année pour Tristan. Trouver l’équilibre entre le travail, les études et la vie sociale n’a pas été simple, et ne pas pouvoir se défouler à la salle de sport, par exemple, a eu un impact psychologique sur lui.
Mais de cette situation, il retient que tout est possible
en prenant en exemple la résilience des personnes, mais aussi des petites entreprises locales.
S’il y a une leçon que Fannie Bouffard aura apprise de cette pandémie, c’est de ne rien tenir pour acquis. Dans le même esprit, les sœurs Lalonde disent apprécier plus les petites choses. Voir un ami pouvait être banal avant la COVID-19, désormais, certaines petites rencontres sont plus mémorables, cite notamment Audrey.
Son aînée dit aussi avoir acquis de nouvelles compétences artistiques comme la guitare ou la peinture.
« Ça a donné la chance, si on se sentait motivés, de faire quelque chose de plus avec notre temps. »
Fannie estime, elle, que cette pandémie lui aura appris à lever le pied, elle qui était tout le temps occupée par plein d’activités. Profiter de chaque occasion, puis passer du temps avec ma famille c’est important, de voir mes grands-parents, de prendre des nouvelles… Je le fais plus, car j’y pense plus.
Mais elle espère aussi que les occasions manquées pourront être rattrapées. Le plus grand défi, c’est de ne pas pouvoir vivre mes 18 ans, ou mes 19 ans, au plein potentiel
, dit-elle.
« Tu pars pour l’université, t’as 18 ans, t’as accès aux clubs… C’est comme the time of our life, mais ça n’arrive pas vraiment. »
C’est une phase un peu déprimante à cause du fait qu’on manque une grosse partie de nos vies
, conclut Tristan Lavergne. Mais pour l’Ottavien, tout a son moment
et il ne doute pas qu’un jour, on va revivre nos petits moments
.
Daria et Audrey ont le point commun d’avoir voulu se concentrer sur le positif et de garder en tête que la situation ne durera pas. Ça va finir un jour
, note Audrey Lalonde, mais ça n’arrivera pas sans effort
, souligne-t-elle. Et Daria Jagielski de renchérir : Ça va s’arrêter, on doit juste rester à la maison ou porter des masques. Tout va bien aller.
Pour Julia, avec la pandémie, on aura au moins appris à pratiquer la compassion.
Les gens sont plus généreux. On se comprend plus.