Le BAPE demande à Minerai de fer Québec de revoir son projet pour la mine du lac Bloom

Des pelles mécaniques stationnées sur le site de la mine du lac Bloom, près de Fermont (archives).
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La commission d'enquête du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) demande à Minerai de fer Québec de revoir son projet d’augmentation de la capacité d’entreposage des résidus miniers et des stériles de la mine de fer du lac Bloom. Elle recommande donc que le projet ne soit pas autorisé tel que présenté.
La commission d'enquête du BAPE conclut que Minerai de fer Québec, une filiale de Champion Iron, n'a pas fait la démonstration que les solutions qu'il envisage pour la gestion de ses rejets miniers diminueront leurs impacts sur les milieux humides et hydriques environnants.
Le rapport de la commission précise Minerai de fer Québec n'a pas fait la démonstration que les solutions retenues pour la gestion des rejets miniers sont celles qui minimisent les impacts sur les milieux humides et hydriques, en particulier la solution proposée pour les résidus miniers grossiers, qui aurait un empiétement de 151 hectares sur les lacs et cours d’eau, dont un lac de plus de 88 hectares.
Dans son rapport, le BAPE soutient que Minerai de fer Québec aurait le temps de mener des études additionnelles pour réviser les solutions de rechange envisageables compte tenu de l’échéancier des travaux prévus.
Dans son analyse, [la commission d'enquête du BAPE] constate – et elle a même fait appel à un expert pour le confirmer – qu'il y a d'autres solutions que de remblayer des lacs.
La commission d’enquête reconnaît les efforts entrepris
par l'entreprise propriétaire de la mine du lac Bloom pour assurer une meilleure protection de l’environnement depuis la reprise des activités en 2008.
Le BAPE souligne également le caractère important du projet pour la Ville de Fermont, la Côte-Nord et les communautés autochtones compte tenu des retombées économiques importantes qu'il occasionnera dans la région.

La mine du lac Bloom, située au nord de Fermont (archives).
Photo : Reuters / Reuters Staff
De son côté, dans une réponse transmise par écrit, le vice-président, relations investisseurs chez Champion Iron, Michael Marcotte, affirme que l'entreprise a pris connaissance du rapport, mais qu'elle ne le commentera qu'après en avoir fait une lecture attentive.
Toujours par écrit, M. Marcotte rappelle que le projet soumis par Minerai de fer Québec respecte en tout point le cadre légal et réglementaire actuel, qu’il a fait l’objet d’une analyse rigoureuse par 17 experts avec plus de 12 scénarios possibles, et qu’il a été développé en se basant sur la meilleure solution globale du point de vue des aspects environnementaux, sociaux et techniques.
Il ajoute que l'entreprise est toujours engagée à amoindrir les impacts de ses activités par la mise en œuvre de plus de 120 mesures d'atténuation.
Différentes considérations prises en compte
Le rapport de la commission d'enquête du BAPE soutient que Minerai de fer Québec s'est imposé des critères trop sévères et que cela a eu pour conséquence d'éliminer des solutions de rechange qui auraient pu être envisagées pour disposer des résidus miniers et des stériles.
Les stériles miniers sont un type de rejets miniers constitués de sols et de roches excavés desquels le minerai est extrait.
Le BAPE soulève aussi que l'entreprise a fait des choix discutables
dans son application du Guide d’évaluation de solutions de rechange.
De plus, la commission estime que ce guide ne doit être utilisé que comme un outil d'aide à la décision et qu'il serait envisageable d'opter pour une solution qui n'obtient pas la meilleure évaluation en vertu de ce guide, mais qui aurait le moins d'impacts sur l'environnement.

Le plan proposé par Minerai de fer Québec pour la compensation des pertes d'habitat du poisson et des milieux humides n'est toujours que provisoire, selon le BAPE (archives).
Photo : Radio-Canada / François Robert
Parmi les autres considérations mentionnées par le BAPE pour motiver sa décision de ne pas recommander l'autorisation du projet tel que présenté, la commission rappelle que le plan proposé par l'entreprise pour la compensation des pertes d'habitat du poisson et des milieux humides n'est toujours que provisoire et que plusieurs de ses composantes sont encore[...] en discussion ou en évaluation par les autorités provinciale et fédérale.
La commission affirme qu'elle n'a donc pas été en mesure de l'évaluer convenablement.
Le BAPE ajoute que, bien que cette pratique semble acceptable pour les ministères concernés, la commission est d’avis que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) devrait exiger un plan adéquat de compensation des pertes d’habitat du poisson et des milieux humides avant d’émettre son avis sur la recevabilité d’une étude d’impact, afin que le citoyen et les commissions d’enquête puissent faire une analyse complète et rigoureuse des mesures proposées par l’initiateur d’un projet.

Dans la fosse de la mine du lac Bloom (archives)
Photo : Radio-Canada / Marlène Joseph-Blais
Selon la commission, le plan de réaménagement et de restauration du site minier aurait aussi dû être mis à jour avant l'enquête pour qu'elle puisse dûment l'évaluer.
Le dernier plan de fermeture de la mine du lac Bloom a été soumis par Minerai de fer Québec en 2017 et ce dernier doit être mis à jour en 2022.
Le BAPE n'a donc pas été en mesure d'évaluer les impacts sur les eaux souterraines des bassins versants avoisinants et sur les écosystèmes du ruissellement, après la fermeture de la mine, autour de la halde à stériles Sud, qui se ferait principalement vers le lac Mogridge et dans le bassin de la rivière Moisie
.
Le rapport indique aussi que le MELCC devrait exiger qu’un plan de réaménagement et de restauration à jour soit disponible avant d’entériner la recevabilité de l’étude d’impact d’un projet minier.
De nombreux mémoires et avis pris en compte
Le mandat d'audiences publiques et d'enquête dans ce dossier s'est amorcé le 19 octobre 2020.
La commission a été présidée par Pierre Magnan, avec la collaboration du commissaire Jacques Locat.
Lors de la première partie des audiences, quatre séances publiques se sont tenues les 20, 21 et 22 octobre 2020.
Minerai de fer Québec et des intervenants de divers ministères et organismes étaient sur place pour répondre aux questions du public et de la commission.
Le rapport du BAPE indique que 65 questions orales ont été entendues et 60 autres ont été transmises par écrit, lors de la première partie des audiences publiques.
Deux autres séances se sont aussi tenues, en seconde partie, les 17 et 18 novembre 2020 pour que ceux qui le désiraient puissent faire connaître leur opinion sur le projet.
La commission affirme qu'elle a reçu 67 mémoires, dont 13 ont été présentés en séance publique.
Des organismes environnementaux saluent le rapport
Dans un communiqué, le porte-parole de Québec meilleure mine, Ugo Lapointe, se dit très satisfait du rapport du BAPE, tout comment d'autres représentants de différents groupes comme Eau Secours, la Fondation Rivières et Nature Québec.
Ces organismes demandent maintenant à Québec de suivre les recommandations du BAPE et d'exiger que Minerai de fer Québec mettent en place des solutions de rechange pour disposer de ses rejets miniers.

Ugo Lapointe, le porte-parole de la coalition Québec meilleure mine, souhaite que Québec suivent les recommandations du BAPE (archives).
Photo : Radio-Canada / Archives
Le rapport confirme notamment plusieurs des craintes que Québec meilleure mine avait évoquées lors des audiences tenues en octobre dernier. Bien que le BAPE n'ait qu'un rôle de conseiller, Ugo Lapointe espère que la sévérité du rapport ne donnera d'autre choix au ministre de l'Environnement et de la Lutte aux Changements climatiques que d'appliquer ses recommandations.
On ne peut pas simplement balayer du revers de la main ce que les analyses du BAPE produisent. [...] Le BAPE rejette le projet tel que proposé actuellement, dit qu'il faut mettre en place des solutions de rechange et que c'est techniquement et économiquement possible de le faire. Donc, on ne voit pas comment le gouvernement pourrait se justifier autrement
, soutient-il.
Avec des informations de Djavan Habel-Thurton