Les Québécois se souviennent de la « tempête du siècle », il y a 50 ans

Une voiture ensevelie à Montréal le 4 mars 1971
Photo : Archives de la Ville de Montréal
Il y a 50 ans, le Québec est paralysé par l'une des pires tempêtes de son histoire, ce qui réveille de nombreux souvenirs chez ceux qui ont vécu les événements du 3 au 5 mars 1971.
La tempête du siècle
fait une trentaine de morts, la plupart sont victimes d'un malaise cardiaque vu l'énorme quantité de neige à pelleter. C'est qu'il tombe environ un demi-mètre de neige à Québec et à Montréal. Dans les secteurs montagneux, on s'approche même du mètre.

La « tempête du siècle » a 50 ans
Photo : Radio-Canada / Archives
Voitures enterrées, rues impraticables; le métro de Montréal est en fonction 24 heures sur 24 pour la première fois de son histoire afin de favoriser les déplacements. Écoles, commerces, usines, journaux et même le Canadien de Montréal de Jean Béliveau interrompent leurs activités.
Le Québec est mis sur pause. Un demi-siècle plus tard, les anecdotes de ceux qui l'ont vécu abondent. Comme ce récit de Jean Allaire, alors motivé par son stage à l'Assemblée nationale.
L'abominable homme des neiges
Ce jour du 4 mars 1971, j’occupais un logement sur l’avenue Sainte-Geneviève, à deux pas de l'Assemblée nationale, où j’étais stagiaire. J’ai donc pu m’y rendre à pied, comme à l’habitude. J’ai été reçu par le seul occupant de la place, ce matin-là, qui m’a regardé comme si j’étais l’abominable homme des neiges!
commente le résident de Saint-Augustin-de-Desmaures.
J’aurais pu faire ma journée de travail assis sur le siège du président de l’Assemblée ou dans la salle du Conseil des ministres, tellement je me sentais le maître et seul occupant des lieux.
Le déneigement des rues n'est alors pas aussi efficace qu'aujourd'hui. Des centaines d'autobus ne peuvent circuler dans les plus grandes villes de la province.
J'étais étudiant à l'Université de Montréal et je devais me rendre à l'Hôtel-Dieu de Montréal en faisant du pouce, car le transport en commun était arrêté. Seuls les 4 X 4 circulaient durant la tempête. J'accompagnais ma mère dans ses derniers moments de vie
, se remémore Luc Paquette.
Je marchais sur [la rue] Sherbrooke, secteur Place Versailles. Certaines voitures, on voyait à peine leur toit. Le soir, au retour du travail, les gens demeuraient dans les halls d’entrée des blocs appartements et attendaient les secours.
De puissantes rafales
Des rafales dépassant parfois les 100 km/h causent aussi d'immenses bancs de neige et rendent les déplacements difficiles, même pour les piétons.
Le vent était tellement fort à la sortie de l'Hôtel-Dieu [de Québec] que mes deux collègues et moi avons dû rester accrochées à un poteau de téléphone pendant un bon moment avant de s'accrocher l'une à l'autre pour pouvoir traverser la rue
, témoigne Carole Roussel.
La poudrerie a généré des conditions encore plus difficiles dans l'est du Québec, en bordure du Saint-Laurent.
À Montmagny, j’ai vu sur la route 132 une pelle mécanique qui devait ouvrir le chemin à la souffleuse, car la neige était plus haute que les appareils. J’ai une photo où je suis assise sur le toit de l’aréna municipal avec la motoneige près de moi
, souligne Brigitte Couillard qui réside aujourd'hui à Québec.
Quand le train s'arrête
Les Québécois s'entraident. Les motoneigistes sont notamment mis à contribution, entre autres pour distribuer les vivres et effectuer des déplacements essentiels.
Dans Bellechasse, le train qui dessert l'est du Québec ne peut plus poursuivre son chemin. Les rails sont trop enneigés, ce qui provoque un élan de solidarité.
La tempête avait arrêté le train à Saint-Charles, se rappelle François Mercier, qui habite toujours ce secteur. Les passagers ont été hébergés chez les citoyens près du chemin de fer. Nous en avons accueilli. Il fallait attendre que les rails soient dégagés de la neige. Pour arrêter le train, cela prend une méga tempête.
500 000 voyages de neige à Montréal
Le Québec mettra ensuite plusieurs jours à se remettre de la tempête du siècle. Certaines maisons seront plongées dans le noir une dizaine de jours, forçant leurs résidents à aller vivre chez de bons samaritains.
À Montréal, environ 500 000 voyages de neige seront nécessaires pour déneiger entièrement les rues de la métropole, selon les données d'Environnement et Changement climatique Canada.
Avec la collaboration d'André-Pier Bérubé