Les Autochtones devront respecter les saisons de pêche commerciales, tranche Ottawa

Le gouvernement fédéral a rendu des casiers à homard aux pécheurs de Sipekne’katik mercredi matin.
Photo : Paul Withers/CBC
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le gouvernement fédéral a annoncé mercredi comment il compte encadrer le droit des Premières Nations à une pêche de subsistance. Selon la « voie à suivre » proposée par Ottawa, les Autochtones devront pêcher durant les saisons déterminées et réglementées par Pêches et Océans Canada.
En prenant cette décision, le gouvernement fédéral penche du côté des pêcheurs non autochtones, qui demandaient que les pêcheurs autochtones soient soumis aux mêmes règles qu'eux dans le cadre de la pêche commerciale.
En septembre 2020, la communauté autochtone de Sipekne'katik avait lancé une pêche de subsistance dans la baie Sainte-Marie, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Elle s’effectuait alors hors de la saison de pêche au homard déterminée par le ministère fédéral dans cette région.
Les pêcheurs commerciaux, en majorité non autochtones, dénonçaient la pêche hors saison, la qualifiant d’illégale. Ils estimaient qu’elle mettait notamment en péril la conservation des stocks de homard.

Des bateaux de pêche de la Première Nation de Sipekne'katik le 20 septembre 2020 à Saulnierville, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.
Photo : La Presse canadienne / Mark O'Neill
Des gestes de violence et d’intimidation étaient survenus, menant à des arrestations. Au moins deux bâtiments utilisés par les Autochtones pour entreposer leurs captures avaient été attaqués, et l’un d’eux détruit par un incendie criminel.
Les communautés autochtones s’appuient sur la décision Marshall de la Cour suprême du Canada qui, en 1999, statuait que les traités conféraient aux Premières Nations le droit de pêcher, chasser et cueillir, pour s’assurer d’une subsistance convenable
.
Dans sa proposition, Ottawa dit vouloir mettre en œuvre ces droits issus de traités, mais aussi protéger les stocks de produits de la mer.

Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, le 5 avril 2019.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Les saisons garantissent que les stocks sont exploités de façon durable, et elles sont nécessaires pour assurer une pêche ordonnée, prévisible, et bien gérée
, a déclaré dans un communiqué mercredi Bernadette Jordan, la ministre fédérale des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne (MPO).
[L]es saisons font partie de la structure de gestion globale qui préserve la ressource, veille à ce qu’il n’y ait pas de surpêche et distribue les avantages économiques dans l’ensemble du Canada atlantique
, précise la ministre.
Décision contestée par un chef micmac

Le chef de Sipekne'katik, Mike Sack, a affirmé mercredi qu'il n'hésitera pas à défendre son plan de pêche de subsistance jusqu'en Cour suprême.
Photo : Radio-Canada
Mike Sack, chef de la communauté de Sipekne'katik, exhorte les Autochtones du Canada atlantique à rejeter le plan d’Ottawa. Sa communauté, dit-il, a l’intention de continuer à pratiquer la pêche de subsistance, même hors des saisons du MPO, en 2021.
Il accuse Ottawa de vouloir diviser
les Autochtones et n’a pas l’intention de changer son plan.
Ma position reste la même. Nous allons établir notre propre pêche. Et notre saison n’est pas en même temps que la leur pour des raisons de sécurité, de taille de bateaux. Nos quantités de prises n’ont rien à voir, nous n’essayons pas de reproduire ce qu’ils font. Nous voulons juste avoir notre propre saison
, a-t-il expliqué mercredi, lors d'une conférence de presse.
Si ça se rend en Cour suprême, nous serons prêts pour cette éventualité également.
Le respect des saisons est une exigence justifiée, selon Ottawa
Mercredi, la ministre Bernadette Jordan affirme que la Cour suprême avait clairement
déclaré en 1999 que les droits conférés aux Autochtones par les traités étaient assujettis
aux règles gouvernementales, tant que le fédéral peut démontrer que ses règles sont justifiées pour des raisons de conservation ou d’autres motifs d’importance publique
.
C’est ce que nous mettons en œuvre
, a affirmé la ministre fédérale, lorsque le gouvernement demande aux Premières Nations de pêcher pendant les saisons du MPO.
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Vendre le produit de la pêche de subsistance
Par ailleurs, le plan proposé par Ottawa offrirait aux communautés autochtones de la Nouvelle-Écosse un permis de pêche les autorisant à vendre leurs prises en 2021.
À l’heure actuelle, la vente de ces prises n'est pas approuvée. Les règles de la Nouvelle-Écosse stipulent que les transformateurs ne peuvent acheter que les prises capturées en vertu des permis de pêche accordés par le gouvernement fédéral.

Le chef de Sipekne'katik, Michael Sack (à droite), a rompu les discussions avec le ministère des Pêches et des Océans en décembre à cause d'une impasse.
Photo : CBC/Paul Withers
Les communautés autochtones de Sipekne'katik et de Potlotek ont lancé le mois dernier des démarches visant à poursuivre le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Elles jugent que ces règles contreviennent à leur droit de faire une pêche de subsistance convenable en vertu des traités.
Les pêcheurs commerciaux réagissent
Le directeur général de l'Union des pêcheurs des Maritimes (UPM), Martin Mallet, s'est réjoui d'apprendre cette décision du gouvernement fédéral, même s'il reste prudent en attendant de connaître tous les détails.
C'est ce qu'on demande depuis plus d'un an, que toute pêche de nature commerciale se fasse à l'intérieur des saisons de pêche commerciales et à l'intérieur des règlements de conservation
, dit-il. C'est une nouvelle qu'on attendait et qu'on apprécie.

Martin Mallet est le directeur général de l'Union des pêcheurs des Maritimes.
Photo : Radio-Canada
Martin Mallet espère que des mesures seront mises en place afin d'assurer le respect des lois et des règles en vigueur.
La ministre Bernadette Jordan avertit tous les pêcheurs qu’ils constateront une présence fédérale accrue et coordonnée sur l’eau et sur terre ce printemps
des agents du ministère des Pêches et de la Garde côtière.