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Avoir l’endométriose quand on n’est pas une femme

Montage de photos de Terri et Sally.

L'endométriose, une maladie liée aux menstruations, touche aussi des personnes issues de la diversité de genre, qui se sentent oubliées.

Photo : Radio-Canada / Fournie par Terri / Ben Nelms (CBC)

Pendant que de nombreuses voix s’élèvent pour faire connaître davantage l’endométriose, cette maladie liée aux menstruations qui touche une personne ayant un utérus sur dix, les personnes issues de la diversité de genre qui en souffrent également se sentent oubliées et demandent une plus grande inclusivité au sein de cette communauté.

SALLY

Le jour où Sally s’est présentée pour son hystérectomie, le parcours jusqu’à la table d'opération a été ponctué de questions par rapport à son nom, à sa carte d’identité, au genre mentionné sur ses papiers et à son apparence, jusqu’à la dernière infirmière. Ce n’est pas tous les jours qu’on retire l'utérus d’une personne barbue!

Elle me tend une blouse d’hôpital rose et m'emmène devant le vestiaire pour femmes, pour que je me change. Je la regarde et lui dis : "Ne croyez-vous pas que ce serait une meilleure idée de m’emmener au vestiaire des hommes?"

Une citation de Sally

Sally a une barbe et n’a plus de seins. Quand on regarde Sally, il n’y a pas de doutes, c'est un homme, même s’il s’identifie plutôt comme une personne transgenre.

Sally, sur un bloc de béton.

Sally n'a plus de symptômes d'endométriose depuis son hystérectomie.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

L'acronyme LGBTQ+

Consulter le dossier complet

Pourtant, le musicien d’origine irakienne a bel et bien souffert d’endométriose, cette maladie dite de femmes qui reste méconnue et pour laquelle la recherche est sous-financée, selon des spécialistes médicaux de ce domaine.

Elle touche donc les femmes cisgenres, c’est-à-dire celles qui sont nées femmes et qui s’identifient comme telles, mais aussi des hommes transgenres, des personnes intersexes ou des personnes issues de la diversité des genres, comme des personnes non binaires ou des personnes fluides dans le genre.

ELI

Eli, dont nous n’utiliserons que le prénom parce que cette personne non binaire craint d'être reconnue dans son milieu professionnel, a appris, en se réveillant d’une opération chirurgicale d’urgence, que l’endométriose était la cause de sa douleur de toute une vie.

C’était une surprise totale, raconte Eli, qui s’identifie comme non binaire, donc ni homme ni femme. Ses douleurs chroniques, notamment dans le bas du dos et au cou, continuent de se répercuter sur sa qualité de vie et la quantité de travail accompli tous les jours.

Des pilules contraceptives dans un emballage métallique, à côté de la boîte de carton qui les contient.

De nombreux détails, jusqu’à la couleur des hormones, rappellent aux patients que l’endométriose est perçue comme une maladie de femmes.

Photo : Fournie par Eli

Eli déplore que le système de santé réduise souvent l’endométriose à son seul effet sur les différentes parties du système reproducteur, alors que tout le corps peut en ressentir les conséquences.

Eli croit également que les médecins ont pu ignorer une possible endométriose à cause de sa non-binarité.

J’avais mal et il n’y a eu aucune recherche liée à quelque chose qui touche 10 % des personnes assignées femmes à la naissance ou intersexes, note Eli.

Pourtant, les douleurs au bas du dos sont communes en cas d’endométriose. Je me demande souvent si ce lien aurait été fait si je m’étais présenté davantage comme une femme cisgenre stéréotypique. Je ne sais pas.

Un diagnostic souvent tardif

De nombreuses femmes atteintes d’endométriose qui témoignent sur divers sites, comme Endoact.ca, ont également dit qu'elles n’avaient entendu parler de cette maladie que très tard dans leur parcours médical.

Eli souffre aussi de dysphorie du genre, c’est-à-dire d'anxiété par rapport au sexe attribué à sa naissance. La puberté était très stressante parce qu’on a commencé à me voir davantage comme une femme et les règles tous les mois, ma poitrine, c’était incroyablement gênant.

TERRI

Terri a la chance d'être soulagé des douleurs de l'endométriose grâce au dernier ensemble médicament-stérilet qui lui a été proposé et qui fonctionne. Ce répit était inattendu pour cette personne qui s’identifie comme non binaire.

[Avec] le niveau de douleur, j’étais à un point où j’avais des pensées suicidaires, ça me causait beaucoup, beaucoup de stress, se rappelle Terri, qui donne que son prénom, parce que sa famille n’est toujours pas au courant de sa non-binarité.

Terri regarde la nature par la fenêtre.

Terri voudrait pouvoir bénéficier d'un système de santé plus inclusif.

Photo : Terri

L'endométriose est loin de l'avoir aidé à faire la paix avec un corps qui ne correspondait pas tout à fait avec son identité.

Je dirais même que c’est peut-être à cause de l'endométriose que j'ai réalisé que j'étais non binaire. Peut-être que si j'avais eu des règles normales, ça aurait eu un résultat complètement différent. Mais ça m'a comme écœuré.

Une citation de Terri

Terri voudrait pouvoir naviguer dans un système de santé et dans des groupes de soutien plus inclusifs. Surtout que l'endométriose, ce n'est pas quelque chose qui touche exclusivement les femmes cisgenres. (...) Il faut que la langue change un peu pour inclure les autres personnes.

Terri croit que des séances d’information et de sensibilisation auprès du personnel médical seraient bénéfiques.

Des fois, c'est épuisant d'avoir à expliquer à tout le monde et d'avoir à éduquer tout le monde. Ce n’est pas juste au niveau du genre, c'est aussi [en ce qui concerne] l’endométriose, surtout que c'est une maladie qui est super genrée. C'est comme une double bataille, déplore Terri.

ALEX

Cette bataille, Alex (ce n’est pas son vrai prénom parce que sa famille n’accepte pas son identité de genre) l’a connue à l’intérieur même des groupes de soutien.

Toute sa vie, la communauté médicale a associé les problèmes de douleurs d’Alex à des problèmes psychologiques.

Finalement, des médecins ont cru Alex, qui est en attente imminente d’une laparoscopie pour officialiser le diagnostic d’endométriose. Son espoir est que les tissus fibreux soient retirés et que la douleur soit réduite.

Alex est fluide dans le genre, se sentant parfois très femme, d’autres fois, très homme. Alex admet que c’est difficile à expliquer et à comprendre et constate que le milieu médical et les groupes de soutien n’offrent pas tous un sentiment d’inclusion.

Alex a vite compris que sa situation serait prise plus au sérieux si c’était son côté féminin qui était exprimé. Si je me présente à l’hôpital habillé de façon masculine, on me demande si je suis déprimé, explique Alex.

Une des expériences les plus douloureuses d'Alex a été de se faire exclure d’un groupe de soutien albertain pour femmes atteintes d’endométriose à un moment où ce soutien aurait été très bénéfique.

De plus en plus de personnes publiaient des articles sur des hommes ayant de l’endométriose et je me suis dit : enfin! Je peux finalement être moi dans ce groupe où je me cache depuis trois ans.

Une citation de Alex

Après avoir remercié une personne ayant appelé les participants à utiliser une langue plus inclusive, Alex s’est fait insulter et expulser.

Il existe d’autres groupes de soutien sur Facebook très inclusifs, comme Endo knows no Gendo (L'endométriose ne connaît pas les genres), mais ils offrent moins de ressources locales.

Alex pourrait faire une demande pour réintégrer le groupe de soutien local, mais ne s’y sent pas en sécurité.

Désapprendre pour apprendre

L’organisation Endometriosis Network Canada, qui sensibilise la population au sujet de cette maladie et qui rassemble de l’information pour les personnes qui en sont atteintes, se targue d’essayer d’être plus inclusive.

Son site web fait comprendre qu’il ne s’agit pas exclusivement d’une maladie touchant les femmes et la coordonnatrice du blogue de ce site, Maia Leggott, a écrit un article en anglais dont la traduction serait Il est temps pour la communauté en lien avec l'endométriose de laisser tomber le langage genré, qui a été largement diffusé.

Logo des différentes identités de genre.

Sur le site d'Endometriosis Network Canada, on précise que l'endométriose n'est pas une maladie qui touche exclusivement les femmes.

Photo : Endometriosis Network Canada

L’article propose, entre autres, de remplacer les formules Salut les femmes! par Salut tout le monde! ou salut les amis! ou de remplacer Endo Sisters (Sœurs de l’endométriose) par Endo Warriors, (Guerriers de l’endométriose), par exemple. Ce genre de vocabulaire neutre est plus difficile à respecter en français, une langue très genrée.

Le saviez-vous?

Le mois de mars est le Mois de la sensibilisation à l’endométriose à l’échelle mondiale.

Maia Leggott, une femme cisgenre, c’est-à-dire qui s’identifie au sexe qui lui a été attribué à la naissance, admet qu’elle a dû apprendre à désapprendre sa façon de dire les choses au profit d'une langue plus inclusive.

J’ai dû apprendre à arrêter de voir l’endométriose comme une maladie de femmes et plutôt la voir comme un problème de santé lié au système reproducteur, explique-t-elle. Elle suit les groupes de soutien et voit des interactions corsées entre des femmes cisgenres et des personnes trans et non binaires.

Ce n’est pas toujours facile et ça prend énormément de travail émotif, pour les personnes trans et non binaires, pour défendre constamment leur identité.

Une citation de Maia Leggott
Maia Leffott, parmi des arbustes à fleurs jaunes.

L’inclusion n’enlève rien à la lutte pour un meilleur accès aux soins de santé menée par les femmes, selon Maia Leggott.

Photo : Maia Leggott

Maia Leggott croit que les femmes ont souvent été ignorées par un système médical qui a été longtemps presque exclusivement masculin, notamment dans le domaine de la recherche. Selon elle, l'utilisation d'une langue inclusive ne nie pas toutes les luttes que les femmes ont dû faire pour obtenir des droits.

Cela ne fait qu’offrir une ouverture pour que les autres personnes, comme les transgenres, les personnes non binaires ou issues de toutes les diversités du genre, n’aient pas à subir plus de barrières dans le système de santé.

Ces barrières, Henry-June Pilote les connaît. Il est le directeur d'AlterHéros, un organisme communautaire LGBTQ+ québécois qui favorise l’épanouissement des individus par rapport à leur orientation sexuelle, à leur identité de genre, à leur expression de genre et à leur sexualité.

C'est vers lui qu'Endométriose Québec nous a renvoyé lorsque nous leur avons demandé un porte-parole francophone. Cela a surpris Henry-June Pilote. Il connaît peu l’endométriose, mais reconnaît que son organisme reçoit beaucoup de messages au sujet de la peur de subir de la discrimination dans le système de santé.

Henry-June Pilote, à la maison.

Henry-June Pilote, le directeur général d’AlterHéros, un organisme communautaire LGBTQ+.

Photo : Henry-June PIlote

C'est certain que c'est difficile juste de se faire prendre au sérieux. (...) Ça peut être vraiment difficile de naviguer dans le système de santé, puis de constamment devoir [s']expliquer.

Une citation de Henry-June Pilote

L’équipe d’Endométriose Québec est en train de terminer d'apporter des modifications au contenu de son site web pour le rendre plus inclusif. Sa fondatrice, Marie-Josée Thibert, affirme être sensible à diverses réalités et être en apprentissage constant.

Endométriose Québec souhaite offrir des webinaires d’information à son équipe de bénévoles et à toute sa communauté pour informer, sensibiliser, changer les perceptions et ouvrir la discussion.

Juste des êtres humains

Sally rêve d’un monde où tous sont considérés comme des êtres humains. Il a été ravi de participer à un nouveau film sur l’endométriose, Endomic, qui laisse une place toute naturelle à des personnes aux identités de genre variées et qui sont aux prises avec cette maladie.

La beauté d’Endomic est qu’il normalise les personnes trans comme étant des humains qui existent dans le monde et vivent des choses humaines.

Sally, souriant, assis dans un parc.

Le rêve de Sally est que chaque personne soit traitée comme être humain, tout simplement.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

Sally souhaite avoir un système de santé où il n'est plus nécessaire de se définir seulement comme homme ou femme et où les formulaires sont adaptés à cette réalité.

Sally souhaite également une communauté de soutien aux personnes aux prises avec l’endométriose ouverte, ce qui inclut les plus marginalisés, parce que, selon lui, cette lutte existe depuis aussi longtemps que celle des femmes, mais se faisait dans le silence.

Sally ne voudrait pas que des femmes fassent subir aux personnes trans, non binaires ou issues de la diversité du genre ce qu'elles ont subi pendant des siècles. Il est maintenant temps d’inclure toutes les personnes marginalisées.

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