L’Europe a-t-elle déjà perdu la course aux vaccins?

Des Allemands attendent de s'enregistrer pour recevoir le vaccin contre la COVID-19 à l'hôpital Robert Bosch, à Stuttgart, le 27 décembre 2020.
Photo : Getty Images / THOMAS KIENZLE
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les campagnes vaccinales prennent de la vitesse dans plusieurs pays. Ce qui permet aux Israéliens, aux Américains et aux Britanniques d’entrevoir des jours meilleurs. Mais en Europe, la lenteur est sévèrement critiquée, l'impatience se transforme en dissidence. Et la COVID-19 met à mal la solidarité européenne.
C’est par Israël qu’est venue la confirmation que la stratégie européenne de vaccination ne suffisait plus. Une déclaration du premier ministre Benyamin Nétanyahou, suivie d’une confirmation par les principaux intéressés.
Les dirigeants du Danemark et de l'Autriche seront ainsi en Israël cette semaine, à la recherche de façons d’accroître l’accès de leurs populations aux vaccins contre la COVID-19. Un voyage qui confirme les difficultés de la stratégie européenne d’approvisionnement.
Le chancelier autrichien juge correcte
l’idée européenne d’acheter les vaccins en bloc et de les répartir en fonction des populations. Mais Sebastian Kurz n’aime pas que l’approbation et la distribution des vaccins soient si lentes.
Nous devons donc nous préparer à de nouvelles mutations [du virus] et ne plus être dépendants uniquement de l'UE pour la production de vaccins de deuxième génération
, a-t-il justifié dans un communiqué.
Ce n’est pas que l’Autriche ne veut plus recevoir les vaccins achetés en groupe par l’Union européenne (UE). C’est plutôt qu’elle croit que cela ne suffira pas à bien protéger les Autrichiens et leur économie.
Le programme européen ne peut être le seul
, a renchéri la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Il faut augmenter la capacité [de production des vaccins]. C’est pour cela que nous sommes chanceux de démarrer un partenariat avec Israël.
Les vaccins chinois et russes déjà utilisés en Europe
Je suis vacciné.
Seuls trois mots accompagnaient une photo du premier ministre hongrois Viktor Orban, mais ils étaient lourds de sens. Ces trois mots confirment un autre geste unilatéral minant la crédibilité du bloc européen dans cette crise.
Le dirigeant venait de recevoir une injection du vaccin chinois Sinopharm, dont l’usage n’a pas encore été approuvé par l’Union européenne. Viktor Orban n’a pas attendu l’avis de Bruxelles. Son pays a autorisé d’urgence son utilisation.
Chaque jour que nous passerions à attendre Bruxelles, nous perdrions 100 vies hongroises
, avait déclaré Viktor Orban à la fin février.
Le dirigeant hongrois n’est pas le seul à faire preuve d’impatience. La Slovaquie a aussi acheté des vaccins russes. La République tchèque pourrait bien passer des commandes.
Même l’Allemagne s’interroge, sans pour autant foncer vers les vaccins russes ou chinois. Mais l’impatience devient parfois colère. Notre tour vient toujours trop tard
, a déploré Markus Soeder, le responsable de la Bavière.
Une frustration que tentent d’exploiter des fraudeurs. Des millions de doses ont été offertes à divers responsables en Europe. Des vaccins qui n’existent pas ou dont la qualité n’est pas certifiée; des arnaques qui peuvent miner la confiance des Européens dans les vaccins.
L’Europe, malgré son immense pouvoir d’achat, traîne derrière de nombreux pays. Elle fait légèrement mieux que le Canada, mais n’a réussi à injecter une première dose qu’à 7 % de sa population, selon Our World In Data. C’est quatre fois moins que le Royaume-Uni, par exemple.
À Londres, justement, certains cachent difficilement leur satisfaction à voir leur pays mieux faire que cette Union européenne qu’ils ont quittée après un très tortueux Brexit… On ne vous envie pas!
titrait en une le tabloïd The Sun, récemment, à l’endroit des envieux allemands.
Devant tant d’impatience et de dissensions, l’Union européenne montre des signes de flexibilité. Elle pourrait accorder une autorisation d'urgence pour les prochains vaccins, une procédure plus rapide (et légalement plus risquée), déjà utilisée par la Hongrie, notamment.
La décision ne devrait cependant pas être prise rapidement. Un porte-parole de la Commission européenne évoque le besoin de réfléchir
à 27 sur les façons d’accélérer la vaccination…