L'histoire de Francine Mercier-Chevrier en quelques chapitres
La propriétaire de la Librairie du Soleil se confie comme un livre ouvert.

La propriétaire de la Libraire du Soleil, Francine Mercier-Chevrier, était en entrevue avec l'animatrice Jhade Montpetit.
Photo : Emilee Flansberry-Lanoix avec la gracieuseté de Francine Mercier-Chevrier
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, les livres ont toujours fait partie de la vie de Francine Mercier-Chevrier, la propriétaire de la Librairie du Soleil. Chez elle, la lecture a toujours été une passion. Les livres jonchent les tables de chevet, occupent le comptoir de la cuisine, débordent des bibliothèques… Quand on aime lire à ce point, est-ce juste de parler de maladie?
À écouter : l'animatrice de l'émission Les malins Jhade Montpetit s'entretient avec Francine Mercier-Chevrier
C’est une douce maladie, concède Mme Mercier-Chevrier qui, soit dit en passant, n’a aucune intention de se faire soigner. C’est omniprésent dans ma vie. J’ai toujours un ou deux livres dans l’auto, au cas où je devrais être en attente quelque part. Ça m'accompagne tout le temps!
La fondatrice de la Librairie du Soleil a tellement de livres en sa possession qu’elle en a donné 23 caisses, l’an passé
. Heureusement, les membres de sa famille partagent avec elle cette passion pour la lecture et font très peu de cas de tous ses bouquins éparpillés dans chacune des pièces
.
CHAPITRE 1 — La lecture, une maladie héréditaire
Francine Mercier-Chevrier a grandi à Notre-Dame-de-la-Salette, en Outaouais, dans une famille de 10 enfants, tous dévorés par la passion du livre. Il faut dire que les parents — la mère, en particulier — ont nourri cette passion sans ménagement.
Il y a toujours eu des livres dans la maison
, se remémore Mme Mercier-Chevrier. Ma mère était abonnée à la correspondance du père Marcel-Marie Desmarais, un genre de courrier du coeur. Nous étions abonnés au bulletin des agriculteurs. Il y a toujours eu des journaux autour et, à la fin de l’année, le ministère de l’Éducation nous donnait des livres.
Chez nous, tout le monde lit.
Très jeune, donc, la petite Francine est exposée aux livres, mais la piqûre, le goût pour la lecture lui vient réellement de sa professeure de première année du primaire.
Mme Morin nous faisait se coucher la tête sur notre bureau et nous lisait des livres. Les Fables de la Fontaine. C’était marquant!
se souvient-elle. « La fable Le loup et le chien, je m’en souviens encore, je suis encore capable de la réciter. »
CHAPITRE 2 — « J'aime les livres. Point final. »
Sans surprise, à 20 ans, Francine Mercier-Chevrier décroche son premier emploi dans le milieu du livre, à la Librairie classique de Hull. Les lecteurs les plus âgés de Radio-Canada se souviendront sans doute de cet endroit. Cette librairie maintenant close a longtemps eu pignon sur rue au centre-ville, au coin de la promenade du Portage et de la rue de l'Hôtel-de-Ville.
La Librairie classique était un endroit emblématique de Hull. Voyez-vous le genre? Des tablettes bien rangées sur lesquelles reposent des livres étiquetés, classés en ordre alphabétique, des bureaux inondés par des bouquins, peu de place pour se déplacer… Le boulot rêvé pour la boulimique de lecture qui sommeillait en Francine Mercier-Chevrier, à cette époque.
Être libraire, je pense que ça devait être dans mes gênes.
J’étais la seule employée. Fernand Piché, le propriétaire de la Librairie classique, m’a comme adoptée
, se rappelle Mme Mercier-Chevrier. Il m’aimait beaucoup. Il m’a pris sous son aile. Il était mal organisé, mais il m’a confié sa librairie.
À cette époque, poursuit la libraire, le tiroir de commandes n’était pas informatisé. On commandait chez Hachette à Paris. Il n’y avait presque pas de distributeurs au Canada
, raconte-t-elle. J’aimais beaucoup ça. J’aimais jouer au magasin.
CHAPITRE 3 — La Librairie du Soleil, le début d'une belle aventure
Francine Mercier-Chevrier a travaillé huit ans à la Librairie classique de Hull avant de se joindre à l’équipe de l’Université d’Ottawa. La vie de bureau toutefois ne lui convient pas. Assez rapidement, elle réalise ce qu’elle veut réellement faire de sa vie.
Mon mari, qui était comptable agréé, m’a dit : si t’es pas heureuse à l’Université, derrière un bureau, retourne en librairie
, raconte-t-elle. Et c’est ce qu’elle a fait. Je ne me voyais pas rester à la maison.
Je ne voulais rien faire d’autre qu’être libraire.
En 1988, Francine Mercier-Chevrier prend une importante décision : elle ouvre sa propre librairie. C’est ainsi que la Librairie du Soleil voit le jour dans le sous-sol de sa maison, à Aylmer. Pourquoi avoir choisi ce nom? Je trouvais que c’était positif, le soleil
, affirme-t-elle. J’ai toujours aimé ce mot-là.
Les débuts, se souvient Mme Mercier-Chevrier, n’ont pas été difficiles, mais il y a tout de même eu quelques défis. Gérer une librairie, « c’est un challenge constant. Il faut que t’aime ça à mort », dit-elle. Dans son cas, la passion était suffisamment au rendez-vous pour ouvrir une seconde succursale, à Gatineau, puis une troisième, à Ottawa, en 1996.
CHAPITRE 4 — Des petits défis et de grandes réussites
Si le bonheur rendait riche, Francine Mercier-Chevrier serait multimillionnaire. Même si le succès est au rendez-vous, la libraire doit se résigner, en juillet 2002, à fermer la succursale de Gatineau.
Gatineau, c’était une grosse aventure
, se rappelle-t-elle. À ce moment-là, j’étais seule actionnaire, avec deux enfants, trois librairies, un mari, une carrière, une vie sociale, etc. C’était juste trop pour moi!
On aime ça les livres et c’est charmant, mais à la base ça reste que c’est un commerce.
L’arrivée des grandes surfaces et des librairies réseau a aussi causé son lot de soucis. Je me souviens lorsque Chapter’s a ouvert à Ottawa, je venais d’acheter la Librairie Trillium. Et ça, ça m’a vraiment fait peur. On était presque voisins
, raconte la libraire.
La librairie d’Ottawa, qui était à ce moment-là située sur la rue Dalhousie, a dû faire preuve d’ingéniosité pour ne pas se faire avaler par la concurrence. Francine Mercier-Chevrier pense qu’un bon service à la clientèle ainsi qu’une offre cohérente et personnalisée ont su jouer en sa faveur.
L’éditorialiste Pierre Bergeron disait que [pour ouvrir une librairie] ça prend du courage, un peu d'innocence, de la passion et un peu d’aventure
, cite Mme Mercier-Chevrier. « Il faut aussi être un entrepreneur, parce qu’honnêtement, c’est une business. Il faut que ça roule. »
CHAPITRE 5 —L'avenir des librairies indépendantes et la retraite
Mine de rien, cela fait maintenant 33 ans que la Librairie du Soleil se fond dans le paysage environnant. Francine Mercier-Chevrier travaille dans le domaine du livre depuis presque 50 ans. L’heure de la retraite a-t-elle sonné?
J’y pense
, admet-elle. J’aimerais travailler, mais pas sept jours par semaine comme ça l’est toujours en ce moment.
L’industrie du livre se porte bien, dit-elle. On a valorisé la lecture au cours de la pandémie et cela paraît dans les chiffres d’affaires.
On le voit avec la COVID-19, il y a un engouement...
C’est vraiment fou. Les commandes en ligne, on n’avait pas tellement ça avant. C’est comme si on avait une troisième succursale!
affirme Mme Mercier-Chevrier. J’ai trois associés, maintenant. La relève est assurée. C’est ce que je voulais. Si j’en n’avais pas, j’aurais déjà fermé.
La vérité, c’est que Francine Mercier-Chevrier a encore beaucoup de plaisir à faire ce qu’elle fait. Et puis, présentement, on ne peut pas aller en vacances, au restaurant… aussi bien travailler!
Je ne suis jamais tannée d’être en librairie, il y a toujours des nouveautés — 3000 par mois! —, il y a toujours quelque chose qui se passe, c’est juste formidable!
conclut-elle en riant.
Avec la collaboration de Stéphanie Rhéaume