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Aborder la pauvreté autrement

Le collectif « Pauvreté » donne la parole à 12 écrivains et écrivaines qui évoquent leur propre expérience de la pauvreté.

Le dessin à l'aquarelle, mauve sur fond beige, d'une personne nue, assise, les yeux fermés, la tête levée.

Douze écrivains et écrivaines racontent leur expérience dans le collectif « Pauvreté ».

Photo : Éditions Triptyque, Kim Renaud-Venne

Mylene Gagnon
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Écrire sur la pauvreté sans reproduire ses clichés, c’est le défi que la poète Stéphanie Roussel a lancé à 12 auteurs et autrices. Ainsi est né le collectif Pauvreté, qui marie récit, poésie et correspondance, où chaque plume nous plonge dans un tableau différent.

Fille d’une mère qui élevait seule ses deux enfants en vivant de l’aide sociale, Stéphanie Roussel, qui a signé le texte Précarité dans le recueil, souhaitait aborder la pauvreté depuis qu’elle a quitté celle-ci. Elle explique que c’est la peur qui l'a d’abord motivée, soit la peur de se transformer en ces personnes qu’elle détestait lorsqu’elle était pauvre, qui maintiennent les disparités de classes. J’ai encore peur, mais j’espère garder cette peur, parce qu’elle nous oblige à nous remettre en question constamment.

Pas question, toutefois, d’écrire seule. C’est une nécessité, que ce soit un projet collectif, parce que mon objectif premier était de montrer à quel point la pauvreté, ce n’est pas une expérience unique. J’ai souvent l’impression que lorsqu’on représente cette situation, toutes les personnes pauvres vivent la même chose.

C’est la raison pour laquelle l’écrivain Nicholas Dawson, arrivé au Canada à l’âge de 4 ans comme réfugié chilien, a répondu à l’appel de Stéphanie Roussel, qu’il connaissait déjà. La pauvreté a ses propres codes, ça crée des clichés. La posture de Stéphanie est intéressante, puisqu’on aborde la pauvreté de façon plurielle.

Êtes-vous pauvre?

Mais comment trouver des écrivains et écrivaines pour collaborer, comment s’avoir si quelqu'un a vécu la pauvreté? Si Stéphanie Roussel connaissait déjà certains de ces collaborateurs et collaboratrices, elle a également dû aller à la pêche. C’était vraiment quelque chose de compliqué à faire. Ma question était intrusive, mais moi aussi, j’ai connu la pauvreté, donc je ne juge pas. Ce qui me fascine le plus, c’est que personne ne nous a dit non.

Personne, à l’exception de ceux et celles qui ne pouvaient participer par… manque d’argent. Être trop pauvre pour parler de pauvreté, voilà un paradoxe que ces artistes qui n’ont pu participer à ce livre ont tenu à lui souligner. Écrire nécessite du temps, il faut un certain privilège [pécuniaire], admet Stéphanie Roussel.

Emmanuelle Riendeau a pour sa part accepté l’invitation de celle qu’elle avait auparavant côtoyée dans des soirées de poésie. Elle savait que j’avais vécu la pauvreté, puisque j’étais sortie dans les bars avec elle, et je disais souvent : "Ah fuck il me reste juste 40 $", en retirant de l’argent d’un ATM.

Celle qui se considère comme faisant partie de la relève y a vu une occasion de lever le voile et de parler concrètement de la pauvreté. La littérature doit être un reflet de la réalité en faisant tomber les masques et le maquillage qu’on essaie de maintenir au quotidien face aux autres. On ne va pas leur dire : "Ouin, je vis de l’anxiété parce qu’il me reste juste 20 piasses." Je veux que le lecteur sente qu’il n’est pas seul à vivre ça.

La honte

Parmi les thèmes abordés dans ce collectif, celui de la honte est récurrent. La honte de manger chez des gens et de ne pas connaître certains aliments, la honte d’avoir des lunchs différents à l’école parce qu’on vient d’un autre pays, ou encore la honte de se sentir inculte par rapport aux autres étudiants et étudiantes qui viennent d’un milieu plus aisé.

Je pense que la honte est imposée de l’extérieur, elle vient du regard des autres. J’espère qu’on pourra la quitter, et pas seulement en quittant la pauvreté. On pourrait être pauvre sans cette honte, croit Stéphanie Roussel.

La honte, Nicholas Dawson s’en est débarrassé lorsqu’il s’est mis à écrire sur les questions d’immigration. J’ai commencé à me réapproprier mon héritage latino-américain il y a une dizaine d’années. J’ai décidé de la transformer en quelque chose dont je suis fier. La honte de la classe est aussi passée.

La pauvreté chez les écrivains et écrivaines

Selon un sondage mené par l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) en 2017 auprès de ses membres, le revenu médian annuel s’élevait à 3000 $, et le revenu moyen, à 9000 $.

Emmanuelle Riendeau a choisi cette voie en toute connaissance de cause. Je sais que c’est un risque, une mise en danger. Si j’étais trop confortable, je ne sais pas si j’aurais la même stimulation à écrire. Je n’ai rien à perdre, je veux tout casser avec ce que j’écris.

Quant à Nicholas Dawson, il se sait privilégié, lui qui est directeur littéraire et souvent invité à participer à des collectifs. Il s’agit toutefois d’une autorité symbolique. Ces postes ne me permettent pas de payer mon loyer. Aucun écrivain ne paie son loyer avec l’écriture.

Auteurs et autrices ayant participé au collectif :

Marie-Célie Agnant, Jennifer Bélanger, Pascale Bérubé, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Jean-Guy Forget, Jonathan Lemire, Mariève Maréchale, Alex Noël, Emmanuelle Riendeau, Karine Rosso et Stéphanie Roussel.

Vous écrivez des récits? Envoyez-nous vos textes inédits d’ici le 28 février 2021!

Prix du récit : Inscrivez-vous du 1er janvier au 28 février.

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