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Condamnation historique d'un ex-agent syrien en Allemagne

Un homme portant un survêtement rouge se protège le visage avec un dossier alors qu'il est escorté par un constable.

Eyad Al-Gharib s'est constamment caché le visage avec un dossier pour dissimuler son identité lors du procès.

Photo : Getty Images / AFP/THOMAS LOHNES

Agence France-Presse
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La justice allemande a condamné mercredi un ancien membre des services de renseignements syriens à quatre ans et demi de prison pour « complicité de crimes contre l'humanité » dans le cadre du premier procès au monde lié aux exactions imputées au régime de Bachar Al-Assad.

La Haute Cour régionale de Coblence a reconnu coupable le Syrien Eyad Al-Gharib, 44 ans, d'avoir participé à l'arrestation en septembre ou octobre 2011 d'au moins 30 manifestants à Douma, près de Damas, et à leur transfert vers un centre de détention secret des services de renseignements.

L'accusé s'est caché le visage face aux caméras avec un dossier et a écouté son verdict les bras croisés, le regard fixe, avec un masque médical sur le visage.

Le tribunal est resté en dessous des réquisitions du parquet, qui avait demandé cinq ans et demi.

À l'approche du dixième anniversaire du début du soulèvement populaire en Syrie le 15 mars 2011, c'est la première fois dans le monde qu'un tribunal se prononce sur un dossier lié à la répression brutale et sanglante par Damas des manifestations pour la liberté organisées dans le cadre des printemps arabes.

Eyad Al-Gharib a été le premier des deux accusés qui comparaissent depuis le 23 avril dernier devant la Haute Cour régionale de Coblence (ouest) à recevoir sa sentence, les juges ayant choisi de scinder la procédure en deux.

Le second accusé, Anwar Raslan, 58 ans, considéré comme bien plus central dans le vaste appareil sécuritaire syrien, est poursuivi pour crimes contre l'humanité pour la mort de 58 personnes et la torture de 4000 détenus notamment.

Le procès de cet ancien colonel devrait durer au moins jusqu'à la fin octobre.

Ce verdict ouvre une porte vers l'espoir. (...) L'existence même d'un verdict est encore plus importante que la durée de la peine, car c'est le premier pas sur un long chemin pour obtenir justice, a réagi le Syrien Wassim Mukdad, partie civile de ce procès et victime de la torture dans le centre Al-Khatib.

Le procureur, Jasper Klinge, y a vu un signal aux auteurs de crimes de masse en Syrie.

Et le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a lui salué un verdict historique, car pour la première fois la justice demande des comptes aux responsables de la torture en Syrie.

Le réalisateur Firas Fayyad, auteur de deux documentaires nominés aux Oscars (Les derniers hommes d'Alep et The Cave) et violé par un geôlier dans cette prison, s'est aussi réjoui du procès. J'espère que les victimes pourront mieux dormir ce soir, j'espère que je pourrai dormir, a-t-il commenté.

Une question de compétence universelle

Pour les juger, l'Allemagne applique le principe de la compétence universelle qui permet de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l'endroit où les crimes ont été commis.

Les recours devant des juridictions nationales en Allemagne, en Suède ou en France se multiplient à l'initiative de l'importante diaspora syrienne réfugiée en Europe.

Ils sont à l'heure actuelle la seule possibilité de juger les exactions perpétrées en Syrie en raison de la paralysie de la justice internationale.

Une femme tient une pancarte au-dessus de sa tête devant un édifice.

Après le verdict, cette femme a tenu une pancarte devant le tribunal. On peut y lire « Un premier pas, mais mon père et 130 000 autres sont toujours en prison ».

Photo : Getty Images / AFP/THOMAS LOHNES

Eyad Al-Gharib a officié dans les plus bas échelons du renseignement avant de déserter en 2012, puis finalement de fuir la Syrie en février 2013.

Arrivé le 25 avril 2018 en Allemagne après une longue odyssée en Turquie puis en Grèce, il n'a jamais dissimulé son passé.

C'est même lorsqu'il a raconté son parcours sinueux aux autorités chargées de statuer sur sa demande d'asile que la justice allemande a commencé à s'intéresser à lui, ce qui a conduit à son interpellation en février 2019.

L'accusation assure qu'il a été un rouage dans un système où la torture se pratiquait avec une ampleur presque industrielle.

Le condamné refuse de trahir des complices

Resté dans l'ombre d'Anwar Raslan durant les 10 mois d'audience, Eyad Al-Gharib a gardé le silence et caché son visage aux caméras. Il a néanmoins écrit une lettre dans laquelle il a exprimé sa peine pour les victimes.

Un avocat des parties civiles, Patrick Kroker, a déploré son mutisme. Les gens de son grade peuvent s'avérer très importants pour nous informer sur les (responsables syriens) que nous visons vraiment, mais c'est quelque chose qu'il a choisi de ne pas faire, a-t-il dit.

Plus d'une dizaine de Syriens et de Syriennes ont défilé à la barre pour témoigner des effroyables sévices qu'ils ont endurés dans la prison d'Al-Khatib.

Certains témoins ont été entendus anonymement, le visage dissimulé ou coiffés d'une perruque par crainte de représailles sur leurs proches toujours en Syrie.

Pour la première fois, des photos du dossier César ont en outre été présentées dans un tribunal. Cet ex-photographe de la police militaire a exfiltré au péril de sa vie 50 000 clichés montrant 6786 détenus syriens figés par une mort brutale, affamés et suppliciés.

Des photos qui ont été analysées devant la Cour par un médecin légiste, le professeur Markus Rotschild, et qui constituent des preuves matérielles accablantes.

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