Du beurre plus dur dans nos assiettes à cause de l’huile de palme?

Du beurre
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Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Vous l’aurez peut-être remarqué le matin en déjeunant. Le beurre que nous mangeons serait plus dur que d’habitude et des consommateurs se demandent si c'est parce qu'il est plus riche en acide gras saturé et en acides palmitiques, en raison d'un changement dans l’alimentation des vaches.
Il y a des milliers de personnes qui se rendent compte que le beurre est très dur à la température ambiante, que le lait n'est plus mousseux et que le fromage est plus dur. Mais c'est le beurre qui attire surtout l'attention
, explique Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l'Université Dalhousie, à Halifax.
Si le beurre est plus dur, c'est que sa composition aurait changé, dit cet expert. Le beurre contiendrait plus d'acide gras saturé et plus d'acides dits palmitiques. Cependant, dit-il, à l'heure actuelle, rien ne peut être prouvé quant à la cause de ce phénomène.
L'acide palmitique est très courant, on le trouve chez les animaux et les plantes. Mais il est aussi très présent, comme son nom l'indique, dans l'huile de palme.
L'hypothèse la plus probante, selon M. Charlebois, c'est que les producteurs de lait ajouteraient de l'huile de palme dans l'alimentation de leur bétail.
La raison pour laquelle l'acide palmitique est une hypothèse probante, c'est que la demande pour le beurre est en hausse de 13 % au pays, c'est énorme. Avec le système de quota en place au Canada, les producteurs de lait font leur argent en faisant du gras
, assure Sylvain Charlebois.
Selon Claudia Lemay, diététiste à Surrey, en Colombie-Britannique, l’utilisation de l’huile de palme servirait à augmenter la productivité : Ça va servir à alimenter plus rapidement les vaches, car les vaches vont naturellement manger du foin, mais ça prend beaucoup de temps. Alors, c'est très commun qu'on ajoute de l'huile pour augmenter la production de lait.
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« Aucune augmentation inhabituelle »
L’industrie laitière du Canada se défend devant ces critiques en soulignant qu'il n'y a ni étude ni données qui montrent que la composition du beurre a récemment changé.
Il est normal que la proportion d’acide palmitique fluctue à l’intérieur d’une certaine marge en raison des variations saisonnières et régionales de l’alimentation des vaches. Cette fluctuation peut influer sur les propriétés de la matière grasse du lait, modifiant ainsi le point de fusion
, explique Daniel Lefebvre, chef des opérations à Lactanet et expert en nutrition.
« Nos analyses de routine des acides gras contenus dans le lait n’indiquent aucune augmentation inhabituelle de la proportion d’acide palmitique au cours de la dernière année. »
Sur l'huile de palme, les Producteurs laitiers du Canada assurent que c’est une pratique utilisée, mais qu’elle n’est pas nouvelle et qu’aucun effet indésirable n’a été identifié.
Les produits à base de palme, y compris ceux dérivés de l’huile de palme, sont parfois ajoutés aux rations des vaches laitières en quantité limitée pour augmenter la densité énergétique de l’alimentation. Lorsque des suppléments de graisses de palme sont donnés aux vaches au Canada, la quantité généralement fournie dans leurs aliments est faible et a un impact très limité sur le profil d’acide gras palmitique de leur lait.
Un impact sur notre santé et l’environnement?
Selon l’industrie, l’utilisation de l’huile de palme serait sans danger pour le consommateur.
La diététiste Claudia Lemay rappelle que l’huile de palme est effectivement présente dans un grand nombre de produits, mais qu’il peut exister des effets néfastes à long terme.
« Les agriculteurs disent qu'il n'y a pas de danger, car c'est un produit naturel, pas toxique, mais ils ne peuvent pas dire qu'à long terme ça n'aura pas un effet sur les maladies cardiovasculaires. »
Et pour cette experte, il faut aussi nuancer. L'utilisation de l'huile de palme n'est pas généralisée chez les producteurs de lait.
Il y a beaucoup de petits producteurs qui travaillent très fort, dit-elle. Il ne faut pas leur lancer la pierre, mais il faut quand même se poser la question de savoir si c'est sécuritaire.
Une pratique qui n’est pas généralisée donc, mais qui peut être dommageable à l'image de l'industrie, selon Sylvain Charlebois.
Cet ingrédient se marie mal avec la stratégie du secteur de consommer local. L'huile de palme ne vient pas du Canada, et au niveau de l'environnement il y a un bagage au niveau de l'huile de palme. Donc, ça crée un malaise chez les consommateurs et dans l'industrie
, déclare-t-il.
Face à ces critiques, les producteurs laitiers ont annoncé la création d'un comité d'experts pour évaluer ce supplément en matières grasses dans la nourriture pour vaches.