Langue de travail : Ottawa agira au Québec... et dans des régions francophones

La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le gouvernement fédéral s’apprête à garantir le droit de travailler en français au sein de grandes entreprises de compétence fédérale au Québec, mais aussi dans les régions à forte densité francophone ailleurs au Canada.
Selon les informations obtenues par Radio-Canada, les nouvelles mesures viseront à protéger le droit de travailler en français au sein d’entreprises sous autorité fédérale de plus de 50 employés.
De plus, Ottawa veut obliger ces entreprises à communiquer avec leurs employés en français et interdire la discrimination professionnelle basée sur l’unilinguisme d’employés francophones.
Ces mesures s’appliqueront aux entreprises qui agissent dans des domaines de compétence fédérale, comme les compagnies de télécommunications, de transport interprovincial et du secteur bancaire.
Non seulement ces mesures s’appliqueront au Québec, où il y a une forte pression afin d’agir en ce sens, mais elles viseront aussi à protéger les droits des travailleurs dans les régions où se trouvent les plus grosses communautés francophones du pays.

En décembre dernier, le premier ministre Justin Trudeau disait favoriser l’utilisation de la Loi sur les langues officielles pour agir en matière de langue de travail au Québec.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Les propositions fédérales seront rendues publiques au cours des prochains jours par Mélanie Joly, ministre responsable des langues officielles au sein du gouvernement Trudeau. Cette dernière a mené plusieurs discussions au cours des derniers mois avec le caucus libéral, à Ottawa, pour développer de nouvelles mesures de protection du français, sans pour autant nuire aux droits des communautés linguistiques en situation minoritaire.
Un vide juridique à remplir
C’est largement à la demande du gouvernement du Québec qu’Ottawa s’apprête à légiférer en matière de langue de travail dans le secteur privé. Hormis d’anciennes sociétés d’État comme Air Canada qui font face à des obligations légales, il existe un vide juridique en matière de langue de travail au sein d’entreprises de compétence fédérale.
Selon des sources qui ont requis l’anonymat pour discuter des propositions avant qu’elles ne soient rendues publiques, le gouvernement fédéral s’est largement inspiré de la loi québécoise en matière de langue de travail.
Mais au lieu d'assujettir toutes les entreprises de compétence fédérale à la loi québécoise, comme le demandent les partis d’opposition à Ottawa et le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral préfère utiliser ses propres lois. Cela permettra entre autres d’appliquer ces mesures à l’extérieur du Québec.
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Le gouvernement fédéral veut quand même que ses mesures soient semblables à celles du Québec pour éviter de créer une confusion entre les obligations fédérales et provinciales en matière de langue. Il faut noter qu’environ 40 % des entreprises de compétence fédérale au Québec se soumettent déjà aux exigences de la Charte de la langue française (loi 101).
Le but, c’est que toutes les entreprises continuent de respecter le droit de travailler et d’être servi en français. Notre objectif est de s’en inspirer [de la loi 101], d’en faire une loi fédérale à la grandeur du Canada pour protéger les francophones au Québec, mais aussi les francophones hors Québec
, a affirmé une source gouvernementale.
Comité d’experts
Le gouvernement fédéral estime qu’il offrira de nouvelles protections à environ 75 000 travailleurs au Québec dont les employeurs ne se soumettent pas volontairement à la Charte de la langue française. On parle donc d’environ 1,7 % de la main-d'œuvre de la province.
De plus, ces mesures s’appliqueront dans certaines régions du pays où il y a une forte présence francophone, comme le nord de l’Ontario et le nord du Nouveau-Brunswick. Les régions exactes où s’appliqueront les mesures seront déterminées par un comité d’experts, qui aura deux mois pour faire ses recommandations au gouvernement.
Ce même comité établira aussi les mécanismes pour offrir des recours aux employés dont les nouveaux droits linguistiques ne sont pas respectés. Par exemple, le gouvernement fédéral veut empêcher qu’un employé soit victime de discrimination à cause de son unilinguisme, mais ce sera au comité d’experts de formuler les recours pour mettre ce droit en vigueur.
Comment réagira Québec?
Le dossier de la langue a fait l’objet de nombreux échanges au cours des derniers mois entre Mme Joly et ses homologues à Québec, soit les ministres Sonia LeBel et Simon Jolin-Barrette. Il reste à voir si le gouvernement Legault trouvera que la proposition fédérale en matière de langue de travail répond à ses attentes.

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, est responsable de la réforme de la loi 101 au Québec.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Dans un document rendu public au début du mois, le gouvernement québécois affirmait que la situation de la langue de travail au sein des entreprises de compétence fédérale était préoccupante
.
Pour le gouvernement du Québec, il s’avère nécessaire et prioritaire que toutes les entreprises, y compris celles de compétence fédérale, respectent toutes les exigences de la [Charte de la langue française], lorsqu’elles exercent leurs activités sur le territoire du Québec
, affirmait-il.
À Ottawa, les libéraux affirment attendre impatiemment la réaction de Québec afin de voir si la question suscitera de nouvelles tensions entre les deux gouvernements.
S’ils veulent protéger la langue française, ils vont être d’accord
, a lancé une source fédérale.
Dans une version précédente de ce texte, il était cité S’ils veulent protéger la langue française, on va être d’accord
, a lancé une source fédérale. On aurait plutôt dû lire « ils vont être d'accord ».