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Doit-on changer nos mesures sanitaires en fonction des nouveaux variants?

Certaines autorités de santé publique commencent à modifier leur approche pour faire face aux nouveaux variants.

Affiche orange sur laquelle on peut lire : « Respectez la distanciation physique. Le port du couvre-visage est requis ».

Selon les experts, le port du masque et la distanciation physique sont encore plus importants avec l'arrivée des nouveaux variants.

Photo : Radio-Canada / Jonathan Dupaul

Malgré l’émergence de nouveaux variants du SRAS-CoV-2, le gouvernement du Canada et les provinces n’ont pas encore changé leurs recommandations quant aux mesures sanitaires. Mais selon certains experts, ces variants changent la donne, et ils estiment qu’il faut agir avant qu’il ne soit trop tard.

Selon la Dr Marina Klein, professeure de médecine à l’Université McGill, le Canada doit faire mieux que le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud pour éviter d’être pris d’assaut par les variants B.1.1.7  (Royaume-Uni), B.1.351 (Afrique du Sud) et P.1 (Brésil) et subir une troisième vague potentiellement pire que la deuxième.

Ces pays n’ont pas bien réagi. Et malheureusement, nous faisons les mêmes erreurs, notamment avec les mesures de confinement partielles, ce qui permet une transmission communautaire élevée. On parle déjà de rouvrir, mais avec environ environ 1000 cas par jour au Québec et en Ontario, c’est encore beaucoup trop, surtout avec l’apparition des variants, estime-t-elle.

Nous devons prendre cette situation au sérieux, ajoute la Dre Klein. On l’a vu au Portugal, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud : ces variants ont rapidement pris le dessus et se sont rapidement propagés.

Nous ne sommes pas l’exception au Canada. Le variant va se propager ici comme ç’a été le cas ailleurs.

Une citation de Dre Marine Klein, Université McGill

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Une représentation du coronavirus.

Selon elle, ce n'est qu'une question de temps avant que le nombre de cas liés à un variant n'explose. Elle rappelle qu'avec la croissance exponentielle, le problème peut sembler minime au début, mais le nombre de cas explose soudainement.

Déjà, des centaines de cas associés aux variants originaires du Royaume-Uni, de l’Afrique du Sud ou du Brésil ont été détectés à travers le pays. Si ce nombre peut sembler peu élevé, pour chaque cas détecté, il peut facilement y en avoir 50 à 80 de plus qui sont passés inaperçus, affirme Caroline Colijn, mathématicienne à l'Université Simon Fraser, qui a modélisé la présence des variants au pays.

Ainsi, potentiellement, des centaines, voire des milliers de Canadiens propagent déjà ces variants sans le savoir.

Elle ajoute que, dans un contexte de transmission communautaire déjà élevée, les variants sont encore plus susceptibles de prendre le dessus. Rappelons que le variant britannique est au moins 40 % plus transmissible. Avec quelque 2000 nouveaux cas par jour au Canada, le variant pourrait faire remonter très rapidement la courbe de façon exponentielle.

Imaginez : les variants sont plus transmissibles et plus difficiles à contrôler et on a déjà de la difficulté à contrôler la souche qu’on a en ce moment.

Une citation de Caroline Colijn, Université Simon Fraser

Troy Day, membre de la table de modélisation de l'Ontario et mathématicien à l'Université Queen's de Kingston, en Ontario, a indiqué à CBC que la souche originaire du Royaume-Uni serait dominante en Ontario d'ici quatre à six semaines.

Si le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud n’ont pas réagi assez tôt pour éviter une deuxième vague catastrophique, Caroline Colijn dit que la baisse du nombre de cas dans ces pays après le resserrement des mesures montre que les variants ne sont pas impossibles à contenir. Mais si on les laisse aller, ça va rapidement devenir très difficile à gérer.

Doit-on renforcer les mesures sanitaires?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que les nouveaux variants du coronavirus sont transmis de la même manière – soit par transmission aérienne – et qu’il n’est pas nécessaire pour l’instant de modifier les mesures sanitaires. Toutefois, on suggère de redoubler d’efforts dans l’application des mesures sanitaires déjà existantes.

La Dre Klein croit qu’il vaut mieux être plus prudents et adopter des mesures plus sévères en attendant d’avoir toute l’information.

Depuis le début de cette pandémie, on est réactifs plutôt que proactifs, même quand nous avons l’information devant nos yeux. Je sais que les autorités veulent avoir toutes les données scientifiques avant d’agir. Mais souvent, il est trop tard.

Une citation de Dre Marina Klein, Université McGill

Les autorités doivent reconnaître que la situation a évolué depuis le printemps et qu’il faudra possiblement ajuster certaines recommandations, estime pour sa part le Dr Isaac Bogoch, infectiologue à l'Hôpital général de Toronto. Il croit qu’il faut d’abord et avant tout renforcer l’application des mesures comme la réduction des contacts, la distanciation physique et le port du masque.

Détecter et retracer la présence de variants

Un technicien de laboratoire avec un masque.

Un technicien de laboratoire travaille à séquencer le génome du virus SRAS-CoV-2 afin de déterminer la présence d'un variant au laboratoire du Centre de contrôle des maladies infectieuses à Vancouver.

Photo : Ben Nelms / CBC

Les trois experts affirment que le Canada doit absolument augmenter le niveau de dépistage et que davantage de spécimens doivent être analysés pour découvrir la présence de ces variants.

Il y a deux façons de détecter ces variants :

  • Criblage : certains tests PCR peuvent détecter certaines mutations présentes dans les trois variants d’intérêt, sans pouvoir déterminer précisément lequel. Le résultat est connu normalement en 24 heures. Au Royaume-Uni, on fait du criblage pour presque tous les nouveaux cas.

  • Séquençage génomique : peut détecter tous les variants, y compris de nouveaux variants. Le résultat peut prendre plus d’une semaine. Environ 5 % des cas détectés au Canada sont actuellement séquencés, comparé à 10 % au Royaume-Uni et plus de 50 % au Danemark.

Caroline Colijn croit qu’il faut combiner autant le criblage que le séquençage pour avoir une stratégie plus réactive et complète. Les tests PCR permettent d’intervenir rapidement lorsqu’un variant est détecté; le séquençage aide à comprendre comment et où le variant se propage.

Par exemple, le variant sud-africain a été confirmé en Abitibi-Témiscamingue au Québec seulement trois semaines après que ces personnes eurent été infectées.

Avec le séquençage, le temps qu’on les détecte, il est presque déjà trop tard.

Une citation de Dre Marina Klein, Université McGill

Ainsi, le nombre réel de variants au Canada est certainement beaucoup plus élevé, dit Mme Colijn. Le Québec a annoncé que bientôt 10 % des cas positifs seraient soumis à un séquençage génétique. Quant aux tests PCR qui peuvent détecter les mutations, il y a seulement cinq laboratoires dans la province qui peuvent analyser jusqu’à 3000 tests par jour.

L’Ontario a annoncé récemment que tous les cas positifs feraient l’objet de criblage, une très bonne nouvelle, selon Mme Colijn. Je pense que ça nous donnera un bon portrait de la situation. C’est une excellente stratégie de la part de l’Ontario.

La Dre Klein ajoute qu’il est très important de faire un suivi beaucoup plus rigoureux des personnes qui ont contracté l’un des variants.

Par ailleurs, les provinces doivent absolument repenser leur stratégie de dépistage et adopter davantage de types de tests, dit Dre Klein. Le Canada a été très frileux à adopter les tests rapides, à tester les personnes asymptomatiques et à offrir des tests à la maison.

« Personne ne dit d’utiliser seulement les tests rapides et d’abandonner les tests PCR. Mais même si on manque 50 % des cas avec un test rapide, c’est quand même 50 % de cas qui ont été détectés.

Un homme et une femme masqués parlent à un homme âgé devant sa porte.

Au Royaume-Uni, des bénévoles font du porte-à-porte pour distribuer des tests de dépistage de COVID-19.

Photo : Reuters / HENRY NICHOLLS

Elle ajoute qu’il faudrait tester davantage de personnes asymptomatiques pour connaître à quel point les variants sont présents dans une région, une ville, une école ou une entreprise. Par exemple, dans la région de Kent, au Royaume-Uni, les autorités y ont récemment mandaté des militaires pour faire du porte-à-porte pour dépister tous les résidents de cette région où le variant sud-africain avait été découvert.

Des masques chirurgicaux pour tous? Deux masques?

Une femme enlève deux masques.

Selon les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), le masque chirurgical non noué et le masque en tissu bloquent chacun moins de 45 % des aérosols dispersés par une toux. Lorsqu'on combine deux masques, 92,5 % des aérosols sont bloqués.

Photo : Associated Press / Rogelio V. Solis

Le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut américain des maladies infectieuses, a récemment évoqué qu’il serait peut-être utile de porter deux masques pour réduire les risques de transmission.

Selon une nouvelle étude des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) publiée mercredi, porter un masque (chirurgical ou en tissu) bloque environ 40 % des particules. Lorsqu’on combine un masque chirurgical avec un masque en tissu, environ 80 % des particules sont bloquées. Lorsque deux personnes dans une même pièce portent deux masques chacune, plus de 95 % des particules sont bloquées.

Dr Bogoch affirme qu’il faudra possiblement considérer l’option des deux masques, mais qu’il faut surtout porter un masque de qualité et s’assurer qu’il soit bien ajusté. Porter deux masques non ajustés ne serait pas utile. Juste en faisant ça, nous serions dans une meilleure position, en ajoutant que de nombreuses personnes ont baissé la garde depuis les derniers mois.

Qu'est-ce qu'un masque de qualité?

  • Il doit avoir au moins 3 couches, dont 2 couches de tissu serré, comme du coton ou du lin, et une troisième couche (centrale) en tissu filtrant, comme un tissu de polypropylène non tissé;
  • Il doit couvrir complètement et confortablement le nez, la bouche et le menton sans laisser de régions à découvert;
  • Il doit être solidement fixé à la tête par des attaches ou des cordons formant des boucles que l'on passe derrière les oreilles;
  • Il doit être changé dès que possible s'il devient humide ou sale;
  • Il doit conserver sa forme après avoir été lavé et séché.

Source : Agence de Santé publique du Canada

Compte tenu de l’apparition de variants plus contagieux, plusieurs endroits ont commencé à modifier leurs recommandations.

En Allemagne et en Autriche, les masques de qualité médicale sont désormais obligatoires dans les transports publics et dans les magasins.

À San Francisco et au Nouveau-Brunswick, le port du masque est désormais obligatoire à l’extérieur. Toronto a récemment annoncé que les personnes qui font des activités extérieures, comme le patin, doivent porter un couvre-visage.

La Dre Klein ajoute que les travailleurs de la santé devraient avoir accès à des masques de meilleure qualité.

Au Québec, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a annoncé qu'elle exigerait, à partir du 11 février, le port du masque N95 ou de protection supérieure pour tous les travailleurs de la santé qui œuvrent en zone chaude.

Au Royaume-Uni, certains hôpitaux ont choisi de faire fi des recommandations du gouvernement et ont commencé à offrir davantage d’équipement de protection personnel aux médecins et aux infirmières dans les hôpitaux, même en zone froide.

Quant aux 2 mètres de distanciation physique, le Dr Bogoch croit qu'il s'agit encore d'une bonne règle d'or.

Toutefois, Dre Klein estime qu'une distanciation de 2 mètres à l'intérieur n'est peut-être pas suffisante si plusieurs personnes se trouvent à l'intérieur sans masque.

D'ailleurs, les autorités de la région sanitaire de Simcoe Muskoka en Ontario estiment désormais qu'une personne est à risque élevé de contracter la COVID-19 si elle a été en contact étroit (moins de deux mètres) pendant seulement quelques secondes avec une personne infectée.

La plupart des autorités sanitaires parlent généralement d'un temps d'exposition de 10 minutes. Ils ont pris cette décision après avoir constaté la vitesse fulgurante à laquelle le variant B.1.1.7 s'est propagé dans une résidence pour aînés. Cette région à elle seule a détecté plus de 100 cas associés à ce variant provenant du Royaume-Uni.

Publicité du gouvernement du Québec qui explique comment bien porter un couvre-visage

Ne pas déconfiner trop rapidement

Enfin, les trois experts disent que les autorités de santé publique doivent rouvrir l’économie de façon très prudente et ne pas hésiter à resserrer les mesures en cas d’augmentation du nombre de cas ou de variants.

Les autorités doivent se demander si on teste suffisamment, si on est capables de retracer les contacts, si le système de santé a un peu de jeu en cas d’une augmentation des cas. Si ce n’est pas le cas, il est trop tôt pour rouvrir, dit Isaac Bogoch, en ajoutant que les autorités doivent être flexibles et réagir rapidement à toute évolution du virus.

Pour sa part, la Dre Klein craint que les ouvertures trop précoces en cours dans plusieurs provinces, combinées à la propagation des variants, feront en sorte que le Canada vivra une, voire plusieurs autres vagues jusqu’à ce que la majorité des Canadiens soient vaccinés cet automne.

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