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Agressions sexuelles : le projet de tribunal spécialisé québécois à l'étape du comité

Le ministre Jolin-Barrette devant le drapeau du Québec.

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice et procureur général du Québec

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Radio-Canada

Le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a annoncé lundi qu'il confiera à un groupe de travail le mandat de jeter les bases d'un tribunal spécialisé en matière d'agressions sexuelles et de violence conjugale.

Ce comité devra voir quelle est la faisabilité du projet et indiquer comment il peut se traduire, concrètement, au quotidien, dans les palais de justice.

Le gouvernement Legault donne ainsi suite au rapport d'un groupe de 21 experts, déposé en décembre dernier, qui recommandait la création d'une telle instance.

En théorie, un tribunal spécialisé permettrait de mieux accompagner les victimes d'agressions sexuelles ou de violence conjugale, qui se sentent souvent lésées par le processus judiciaire ou qui renoncent d'emblée à porter plainte, car elles ne font pas confiance au système de justice.

Un comité opérationnel

Le groupe de travail, dont la création a été annoncée lundi, sera composé de représentants des ministères de la Justice et de la Sécurité publique, du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), de la Commission des services juridiques et de la Cour du Québec.

Le plus important, pour moi, c'est que les victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale aient confiance dans le système de justice et qu'elles n'hésitent pas à dénoncer, a assuré le ministre Jolin-Barette à l'émission Isabelle Richer lundi. Alors, on doit adapter le système de justice aux besoins des victimes d'agression sexuelle.

Déjà, dans le système de justice, des centaines de personnes travaillent avec les personnes victimes d'agression sexuelle, mais je veux améliorer le tout. Le système de justice peut faire mieux.

Une citation de Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice du Québec

S'il voit le jour comme prévu, le tribunal spécialisé fournira une aide accrue aux victimes à toutes les étapes du processus, soit avant, pendant et après les procédures judiciaires.

L'idée consiste à s'assurer que le système judiciaire s'adapte mieux aux besoins particuliers des victimes de crimes sexuels et de violence conjugale – des femmes dans la grande majorité des cas, souvent désemparées devant le dédale administratif et la froideur du système.

Un groupe de travail trop restreint?

Certains groupes de femmes qui accompagnent ces victimes estiment cependant que la composition du futur groupe de travail est trop restreinte.

En entrevue avec La Presse canadienne, la porte-parole du Regroupement des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, Louise Riendeau, s'est montrée déçue que les intervenants en relation directe avec les victimes aient été exclus de ce comité.

Le groupe d'experts formé par Québec en 2019 recommandait pourtant la création d'un comité multidisciplinaire pour dessiner les contours de la nouvelle instance, a-t-elle souligné.

Si on veut être sûr que ça réponde aux besoins des victimes, qu'on rebâtisse la confiance des victimes, on pense que des groupes comme le nôtre devraient être là.

Une citation de Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale

Le gouvernement Legault ne ferme pas la porte à cette idée. En entrevue avec La Presse canadienne, le ministre Jolin-Barrette a expliqué avoir voulu dans un premier temps réunir les acteurs qui opèrent au quotidien dans le système de justice. Mais on pourra élargir par la suite, a-t-il ajouté.

Hivon aurait préféré un engagement formel

L'annonce de lundi s'inscrit par ailleurs dans la foulée des travaux menés par un comité d'élues transpartisan qui propose depuis un an la création d’un nouveau tribunal spécialisé dans le traitement des crimes sexuels.

Les quatre membres de ce comité – Isabelle Charest (CAQ), Isabelle Melançon (PLQ), Christine Labrie (QS) et Véronique Hivon (PQ) – devaient d'ailleurs rencontrer le ministre Jolin-Barette en fin de journée pour faire valoir leurs attentes.

Mais déjà, Mme Hivon se montre sceptique et reproche au ministre de ne pas s'être encore engagé formellement à créer le tribunal spécialisé demandé. La première étape, c'est que le ministre adhère vraiment, clairement, à l'idée, sans faux-fuyant, a-t-elle déclaré en entrevue avec La Presse canadienne.

Le temps des études est passé, il faut maintenant passer à l'engagement et à l'action, estime Mme Hivon.

Une idée qui chemine

Pour l'avocate Sophie Gagnon, directrice générale de l'organisme Juripop, c'est au moins le signe que le rapport du comité d'expert de décembre ne sera pas tabletté.

Le défi, selon elle, sera de mettre sur pied une solution nationale et d'offrir une expertise uniformisée tout en misant sur les forces locales et sur le travail des organismes communautaires qui travaillent déjà depuis de nombreuses années à accompagner les victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.

Ce n'est pas comme si on partait de rien, au contraire. Donc, d'uniformiser, alors qu'il existe déjà des forces et des expertises historiques, ça va être un défi, à mon avis, de conjuguer ces deux intentions-là.

Une citation de Me Sophie Gagnon, DG de Juripop

Cela dit, la création d'un tel tribunal ne repoussera pas la limite des règles de droit, soutient Me Gagnon. L'inverse, dit-elle, ne serait pas souhaitable.

Les accusés de crimes sexuels doivent bénéficier des mêmes protections, des mêmes garanties que les accusés des autres types de crime, rappelle-t-elle. Elle souligne au passage que ces droits relèvent de toute façon de la compétence du fédéral.

D'ailleurs, il ne faudra pas juger du succès d'un éventuel tribunal spécialisé en matière d'agressions sexuelles et de violence conjugale en fonction du nombre de condamnations, affirme à son tour Rachel Chagnon, professeure au Département des sciences juridiques à l'UQAM et membre de l'Institut de recherche et d'études féministes.

Il ne s'agit pas ici de condamner davantage, spécifie-t-elle. Le critère d'efficacité, c'est vraiment de voir si la victime a au moins eu le sentiment qu'à quelque part, elle a obtenu justice.

C'est ce qui s'est produit en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande, lorsque ces deux pays ont créé leur propre tribunal spécialisé, explique la professeure Chagnon. Il y a une constante dans ces deux expériences-là, c'est le niveau de satisfaction des victimes, qui est nettement plus élevé, observe-t-elle.

Les agressions sexuelles constituent l'un des crimes contre la personne les moins dénoncés à la police, soit de l'ordre d'environ 5 %.

Un tribunal spécialisé présenterait l'avantage d'être composé de membres (policiers, avocats, procureurs, intervenants) spécialement formés en matière de violence sexuelle et conjugale.

En principe, un tel tribunal offrirait également divers accommodements aux victimes pour les aider à témoigner, à mieux se préparer, et viserait à raccourcir le délai de traitement des dossiers.

Avec les informations de La Presse canadienne

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