Représenter le Mois de l’histoire des Noirs, le défi d’une jeune graphiste
Tout juste diplômée, Thirtsa Sémajuste fait son entrée sur le marché du travail alors que la crise sanitaire paralyse le secteur des arts visuels

Thirsta Sémajuste a choisi de représenter des femmes noires aux parcours inspirants dont les destins ont croisé celui du Canada.
Photo : Thirtsa Sémajuste
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
À l’aube de sa carrière, Thirtsa Sémajuste a été sélectionnée pour concevoir la signature visuelle du dossier de Radio-Canada consacré au Mois de l’histoire des Noirs.
Non, la crise n’aura pas dissipé ses perspectives d’avenir. Elle lui a même donné des ailes et de nouvelles plumes pour allier talents graphiques et convictions politiques.
Thirtsa Sémajuste a obtenu son baccalauréat en arts visuels de l’Université d’Ottawa en avril 2020. Une gageure, pour la jeune femme de 22 ans née à Ottawa, Canadienne de première génération et que sa famille haïtienne voyait plutôt médecin, enseignante ou avocate
.
Entre les sciences et l’art, elle opte pour la seconde voie avec les encouragements paternels, même si ça prend plus de temps et qu’il faut travailler plus dur
, raconte-t-elle.

Thirsta Sémajuste est née et a grandi à Ottawa. Elle est détentrice d'un baccalauréat en arts visuels de l’Université d’Ottawa.
Photo : Sara Allegrini
Puis la pandémie survient, coupant toute possibilité d’expositions, de rencontres et d’échanges si vitaux dans le milieu artistique. Tout a fermé, ça devenait compliqué de trouver des manières pour rejoindre le public
, se souvient l’illustratrice.
Sa créativité recherche de nouvelles avenues d’expression, forcément numériques. Thirsta Sémajuste ressuscite un compte Instagram jusqu’alors peu utilisé, puis décroche son premier contrat avec Radio-Canada sur un sujet qui lui tient à cœur : l’histoire des Noirs. Haïti reste l’un des premiers peuples délivré de l’esclavage
, rappelle-t-elle.
À l’école élémentaire, et même au début du secondaire, je pensais que le Mois de l'histoire des Noirs était uniquement célébré aux États-Unis, parce que les personnalités noires reconnues comme Martin Luther King ou Malcolm X étaient tous des Américains.
Ce n’est que plus tard, par des recherches personnelles, qu’elle redécouvre l’histoire des grands militants– et militantes – des droits civiques dont plusieurs ont vécu au Canada.
Femmes noires inspirantes
L'artiste-illustratrice choisit le portrait de quatre femmes aux destins inspirants pour représenter le Mois de l'histoire des Noirs : Rosemary Brown, première femme noire du Canada à être élue députée d'une assemblée législative provinciale, mais aussi Mary Ann Shadd Cary, la première éditrice noire au pays, ainsi que Viola Desmond, l'une des pionnières dans la lutte pour les droits des Noirs au Canada qui a récemment été immortalisée sur les billets de 10 $.
L'artiste est également touchée par le parcours de Marie Angélique, une esclave noire originaire du Portugal, vendue à l’âge de 4 ans et qui finira sa vie à Montréal en étant exécutée.
Si son art est engagé, c'est par les questionnements qu'il espère susciter et non par des opinions placardées, explique Thirtsa Sémajuste. Parmi ses influences, Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat et leurs œuvres aussi éclatantes que provocantes à la fin des années 1970.
Je ne cherche pas forcément la beauté dans mes dessins, mais plutôt l’harmonie, précise l'Ottavienne, j’aime l’art minimaliste clair et propre.
Elle explique d’abord faire courir son imagination en dessinant à la main, avant de scanner ses illustrations et de les retravailler numériquement.
Son œuvre explore la culture pop, la notion de race, la religion, le traumatisme ou encore l'existentialisme, selon la description de sa note d’intention.
Thirtsa Sémajuste a également collaboré avec le Ottawa Design Club à la publication d'un magazine intitulé Quarant-Zine
inspiré de la période pandémique.