Les baleines noires vues de l’espace

Un outil qui sera développé servira à modéliser et à prévoir le déplacement des baleines à partir de la détection de la nourriture (archives).
Photo : Clearwater Marine Aquarium / Twitter
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Étudier les baleines à partir de l’espace, mais tout en étant basé à Rimouski : c’est le défi que relèvera une équipe de recherche qui vient de décrocher un contrat de près d’un million de dollars avec l’Agence spatiale canadienne.
Au total, cinq projets de recherche sur l’utilisation de données satellitaires dans la détection et la surveillance des baleines noires de l’Atlantique Nord se partageront 5,3 millions de dollars.
Le chef intérimaire en applications et utilisations en observation de la Terre et gestionnaire responsable de l’initiative utiliTerre de l’Agence spatiale canadienne, Steve Iris, se montre particulièrement fier du résultat de l’appel d’offres lancé au printemps dernier.
Plus d’une douzaine d’entreprises y ont répondu. Nos collègues sont vraiment très contents de l’effort et de voir les projets proposés et soutenus
, commente M. Iris.
Le projet a des résonances dans l’Est-du-Québec, notamment auprès des centres de recherche comme Merinov, à Grande-Rivière, ou de l’Institut des sciences de la mer (ISMER), à Rimouski, qui font partie des consortiums retenus.
Mais plus encore, Arctus, une entreprise de recherche et développement basée à Rimouski et spécialisée dans la télédétection et dans l’observation de la Terre, fait partie des cinq consortiums de recherche retenus par l’Agence spatiale canadienne.
L’appel d’offres était divisé en deux catégories : une première axée sur la détection et le suivi des baleines et une seconde sur la prévision et la modélisation des aires de distribution de la baleine noire.

Du phytoplancton visible depuis l'espace dans l'océan Atlantique, au large de l'île de Terre-Neuve. Une image de la NASA prise le 9 août 2010 (archives).
Photo : Jeff Schmaltz, MODIS Rapid Response Team, NASA
Le projet d’Arctus se classe dans la seconde catégorie, comme celui auquel participera l’ISMER.
L’Institut collaborera à la création d’un système de renseignements en temps quasi réel sur la présence prévue de baleines noires et les risques qu’elles croisent un navire. Ce projet est mené par la firme d’ingénierie WSP Canada.
Les propositions ont été évaluées par les trois ministères et agences qui agissent en partenariat dans le projet, soit l’Agence spatiale, Transports Canada et Pêches et Océans Canada.
Les chercheurs auront aussi accès à des données compilées par ces deux ministères. L’idée, c’est de donner accès aux données satellitaires. Pas aux données seules, mais en combinaison avec d’autres types d’informations existantes ou à venir
, explique Steve Iris.
Projets novateurs
Selon le gestionnaire de l’Agence spatiale, peu de recherches du genre ont déjà eu lieu dans le monde. Dans plusieurs cas, il y a de l’intégration de nouvelles technologies, comme l’utilisation de l’intelligence artificielle pour analyser de grandes quantités de données, l'intégration d’images satellitaires à très haute résolution. C’est la première fois que nous allons pousser aussi loin la recherche et le développement pour cet enjeu-là.
La recherche s'étalera sur trois ans. Pendant trois ans, on va amener les compagnies à pousser cette recherche au maximum pour voir si, d’un, c’est applicable. Peut-être que ce ne l'est pas. Si ça l’est, dans quelle mesure ça peut être amélioré? Il y a des technologies qui sont peut-être inexistantes présentement ou qui ne sont peut-être pas assez matures pour le permettre, mais au moins nous aurons toute cette information qui nous permettra de progresser par la suite.
L’objectif, à la fin du programme, est tout de même de développer un produit qui pourrait être utilisé par Transports Canada et le MPO. Ce sera toutefois à l'un de ces deux ministères de reprendre le mandat par la suite. La partie opérationnalisation ou commercialisation, ça sort de notre mandat. Nous, à l’Agence, le mandat, c’est vraiment de pousser la recherche au maximum
, précise Steve Iris.

Le projet pourrait aider au transport maritime sur le Saint-Laurent (archives).
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Équipe multidisciplinaire
Spécialisée en télédétection en milieux aquatiques, Arctus ne pouvait pas passer à côté de cet appel d’offres, commente la chargée de projet Christiane Dufresne. On a eu beaucoup de plaisir à développer des idées et à s’entourer de collaborateurs pour développer ce projet. On pourrait penser que c’était un appel d’offres qui nous était prédestiné.
Arctus coordonnera les recherches de 14 scientifiques principaux basés notamment à Rimouski, au centre de recherche Merinov, mais aussi ailleurs au Canada, aux États-Unis et en France.
C’est très multidisciplinaire. On a des biologistes, on a un physicien, des océanographes. On a des forces spécifiques, mais complémentaires
, observe Christiane Dufresne.

Les outils développés pourraient devenir des aides à la navigation (archives).
Photo : Crédit photo Capt. Pascal Rhéaume, Corporations des pilotes du Bas Saint-Laurent
L’objectif est de développer un outil de modélisation et de prévision du déplacement des baleines à partir de la détection de la nourriture.
Cet outil de modélisation va s’appuyer d’une part sur des modèles : un modèle océanographique de circulation des courants marins, un modèle de simulation des proies des baleines, calanus, copépodes et phytoplanctons, et également sur la télédétection qui renseigne sur les propriétés de la surface de l’océan
, explique la chargée de projet.
L’outil envisagé par Arctus rassemblera, traitera et diffusera ces données sous forme de cartes sur une plateforme web qui sera destinée à l’industrie des pêches, mais aussi au transport maritime afin qu’ils puissent éviter les secteurs où les baleines pourraient se retrouver.
L’outil transmettra à son utilisateur les probabilités de rencontre avec une ou des baleines sur son parcours.
Ça permettra de soutenir la prise de décisions et les mesures de protection qui pourraient être prises
, précise Mme Dufresne.
Christiane Dufresne explique que le rôle de Merinov, en Gaspésie, sera notamment de faire le pont entre l’équipe de chercheurs et l’industrie des pêches afin que l’outil soit adapté aux besoins des usagers.
Interactions et mise en commun
Durant les trois années du programme, les chercheurs des cinq entreprises retenues se rencontreront annuellement afin d’échanger sur leurs objectifs communs.
Au-delà de chacun des contrats individuels, on veut avoir cette discussion interministérielle, interconsortium
, indique Steve Iris.
Ces discussions permettront, selon l’Agence, de coordonner, par exemple, des achats ou de maximiser l’utilisation de ressources.
Il s’agit du premier investissement de l’Agence spatiale du service intégrateur qui vise à mettre en commun les ressources de l’industrie et celles de la recherche afin de répondre à une priorité nationale, dans ce cas-ci, la protection des baleines noires de l’Atlantique Nord.
Cette recherche complétera ce qui existe déjà pour protéger la baleine noire, comme la surveillance aérienne et maritime, les échosondeurs. Les résultats pourraient un jour être applicables à la protection d’autres mammifères marins.