Les conséquences de la pandémie inquiètent l’écrivaine Caroline Dawson
Discussion avec l'écrivaine et sociologue Caroline Dawson, dont le premier roman, Là où je me terre, remporte un grand succès.

Née au Chili, Caroline Dawson est arrivée au Canada comme réfugiée à l’âge de 7 ans et enseigne la sociologie au Cégep Édouard-Montpetit à Montréal.
Photo : Catherine Aboumrad
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La pandémie aurait eu un effet sur le rôle des femmes dans la société et l’accroissement des inégalités. C’est ce que pense la professeure de sociologie au Cégep Édouard-Montpetit et écrivaine Caroline Dawson, qui raconte son déracinement et son intégration au Québec dans son premier roman, Là où je me terre.
Je n’ai pas de statistiques en ce moment, mais on dirait que toutes les forces sociales relèguent les femmes à la maison et dans la sphère domestique. Chaque cas est individuel, mais le même modèle se répète : l’homme fait un meilleur salaire, alors ce n’est pas lui qui prend les congés, et donc la femme va rester à la maison
, explique Caroline Dawson.
Elle a constaté que ce sont les femmes qui avaient réduit leur temps de travail et qui s’occupaient plus des tâches ménagères et des enfants.
Avant le confinement, c’était un peu plus égalitaire. Les mères à qui je parle à l’école me disent qu’on dirait que les années 40 sont de retour. Elles se demandent ce qui s’est passé.
L’écrivaine pense aussi que les conséquences du confinement sont assez catastrophiques pour les parents qui travaillent à temps plein.
Pourquoi le récit de son immigration?
La sociologue est devenue écrivaine, et son premier roman est le récit de son histoire d’immigration. Pourquoi avoir senti le besoin de la raconter? Parce qu'elle ne la voyait racontée nulle part; pas à travers yeux d’une enfant.
Il y a quelques récits d’immigration, comme Dany Laferrière ou Kim Thúy, mais ce sont des épopées. L’enfant que j’étais ne l’a pas vécu de cette manière. Ce dont je me souviens le plus, ce n’est pas tant le Chili, c’est tout effacé, mais c’est surtout les premiers moments de l’intégration.

La page couverture du roman de Caroline Dawson « Là où je me terre »
Photo : Les éditions Remue-Ménage
Son frère, l’écrivain Nicholas Dawson, a raconté son histoire d’immigration dans son livre Animitas paru en 2017. Toutefois, Caroline Dawson trouvait que le livre ne racontait pas l’histoire de la famille. Quand je le lui ai fait remarquer, il m’a dit que c’était moi qui allais raconter l’histoire de la famille.
Elle trouvait aussi que les histoires d’immigration sont souvent racontées par des hommes et que les pères sont souvent ceux qui s’occupent de l’immigration. Je me disais que ça prendrait aussi la petite fille qui raconte la vie de sa mère.
Si la carrière d’écrivaine de Caroline Dawson a pris son envol avec un roman, son prochain livre sera de la poésie. D’ailleurs, elle pense que le style d’écriture vient avec l’histoire à raconter.
Le récit s’imposait pour raconter mon histoire [dans Là où je me terre]. Mais ce livre est un roman, car la mémoire est tortueuse, elle prend des raccourcis, elle remplace des choses. La sociologue en moi tenait à ce que ce soit un roman. Si j’écrivais que c’était un récit, il fallait que tout soit exact et vrai.
D’ailleurs, après avoir été finaliste du Prix du récit en 2018, Caroline Dawson en est membre du jury en 2021. La grande lectrice qu’elle est est très heureuse de ce nouveau défi.
Le défi de lire 52 livres par année
En effet, depuis plusieurs années, Caroline Dawson se donne le défi de lire un livre par semaine. Toutefois, elle y a ajouté un défi supplémentaire, celui de lire des livres de femmes, de personnes racisées et queers.
Je me suis aperçue que ma liste était remplie de messieurs blancs et hétéros. Je voulais élargir mes horizons, et parfois, la meilleure façon de le faire est de les rétrécir. Pendant une année, je n’ai lu que des femmes, et j’ai vraiment aimé ça. Mais ce n’était que des femmes blanches, donc, au fur et à mesure, j’ai rétréci les filons et de nouveaux mondes se sont ouverts à moi. Je me suis aperçue à quel point mon regard était petit.
Elle avoue faire parfois des exceptions. Par exemple, en lisant le livre de Baron Marc-André Lévesque, J’ai appris ça au cirque.
Les récentes lectures de Caroline Dawson
- La course de Rose, de Dawn Dumont (Nouvelle fenêtre)
Un livre extrêmement drôle et en temps de confinement et de pandémie, j’avais besoin d’humour. Je l’ai dévoré. Il m’a fait un bien fou.
- Ciel de nuit blessée par balles (Nouvelle fenêtre), d’Ocean Vuong (traduit par Marc Charron et préfacé par Kim Thúy)
Magnifique.
- Je suis l’ennemie (Nouvelle fenêtre), de Karianne Trudeau Beaunoyer
J’ai adoré.
- Pendant que Perceval tombait (Nouvelle fenêtre), de Tania Langlais
Ce livre m’a jetée à terre.
- Promenade sur Marx (Nouvelle fenêtre), de Valérie Lefebvre-Faucher
Un livre délicieux et brillant. Elle va fouiller dans la famille de Marx et Engels, du côté des femmes, pour se rendre compte que les pensées ne sont pas celles d’une seule personne, mais aussi des femmes.
- Menthol (Nouvelle fenêtre), de Jennifer Bélanger
L’histoire de sa mère qui est totalement présente dans la maison, mais absente mentalement. On sent qu’un beau-père arrive. C’est lourd, petit et magnifique.
Le livre de Caroline Dawson, Là où je me terre, est en lice pour le Prix 2021 de l'Association des libraires du Québec (ALQ) dans la catégorie roman-nouvelles-récit du Québec et fait partie de plusieurs palmarès de 2020, dont celui de l'émission Plus on est de fous plus on lit.
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Véritable tremplin pour les écrivaines et écrivains canadiens, les Prix de la création Radio-Canada sont ouverts à toute personne qui écrit, de façon amateur ou professionnelle. Ils récompensent chaque année les meilleurs récits (histoires vécues), nouvelles et poèmes inédits soumis au concours.
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