•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Défense de la langue française : qu'en pensent les trentenaires?

Les francophones plus jeunes sont souvent critiqués pour leur indifférence face à la question linguistique ou pour leur utilisation de plus en plus fréquente de mots anglais. Réflexion de trois trentenaires.

Marion Tétreault-De Bellefeuille et Nicolas Monette

Marion Tétreault-De Bellefeuille et Nicolas Monette ne s'inquiètent pas de la pérennité de la langue française.

Photo : Gracieuseté

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Marion Tétreault-De Bellefeuille est étudiante en archivistique et bachelière en histoire de l'art. Nicolas Monette est enseignant au primaire. Le couple habite dans la Petite-Patrie, à Montréal. Elle a 30 ans et lui, 32. Sentent-ils que la langue française est menacée?

« Non! Je n'ai pas l'impression que ça va mal pour la langue. On a aussi une vision vraiment montréalocentriste, parce qu'on vit à Montréal, mais si on regarde à la grandeur du Québec, non! »

— Une citation de  Marion Tétreault-De Bellefeuille

Moi, elle ne m'inquiète pas non plus, mais on est aussi entouré de personnes qui parlent français , ajoute Nicolas.

Utiliser des mots anglais

Comme d'autres de leur génération, ils utilisent des mots anglais dans leurs conversations. C'est vrai! On utilise beaucoup plus de mots anglais et même des formulations. À cause de l'univers de l'Internet, ce sont même des phrases très précises pour exprimer des sentiments, avoue-t-il.

« Oui! Je le fais! Je ne sais pas si c'est grave. Ce sont aussi des modes linguistiques. Moi, je pense que c'est une question de contexte. Entre amis, ça vient naturellement, mais dans des contextes plus formels, je n'en utilise pas, de mots anglais. »

— Une citation de  Marion et Nicolas

Faire évoluer la langue

Les deux estiment cependant qu'on doit rendre la langue plus souple et plus attirante.

« Utiliser nos québécismes et ne pas avoir peur de notre accent, de nos pis, de nos tsé, de nos tu veux-tu? »

— Une citation de  Marion Tétreault-De Bellefeuille

Je pense qu'il y a aussi un niveau d'appropriation et de se faire dire qu'on parle un mauvais français, ça peut rebuter certaines personnes. Il y a plein de communautés, comme la communauté haïtienne qui intègre le créole dans le français et les Arabes, qui utilisent des mots arabes. Je pense que le français doit se diversifier. C'est d'ailleurs la force de l'anglais, parce que les gens se l'approprient, ajoute Nicolas.

Peur des géants du web?

Les jeunes adultes d'aujourd'hui évoluent dans un univers numérique majoritairement anglophone. Craignent-ils son influence sur la langue?

« Non! Mais il faut financer la culture francophone. Il faut que cette culture-là, qu'elle soit télévisuelle, cinématographique, littéraire ou musicale, soit promue. »

— Une citation de  Marion Tétreault-De Bellefeuille

Si les gens consomment de la culture du Québec, de la culture en français, je pense que la pérennité de la langue est là, affirme Marion.

Quelques faits saillants

  • La proportion d’anglophones et d’allophones déclarant avoir une connaissance suffisante du français pour soutenir une conversation a augmenté au cours des vingt dernières années;
  • En 2016, 94 % des Québécois déclarent être en mesure de soutenir une conversation en français;
  • En 2015, 90 % des élèves fréquentaient une école de langue française;
  • En 2017, le taux de service en français atteignait 96 % dans les commerces de l’île de Montréal;
  • L’usage du français comme langue d’accueil unique dans les commerces de l’île de Montréal a diminué depuis 2010, passant de 84 % à 75 %;
  • La proportion de personnes éprouvant de l’indifférence face à un service dans une autre langue que le français a fortement augmenté depuis 2012, tout particulièrement chez les jeunes francophones.

Source : Rapport sur l’évolution de la situation linguistique au Québec, Office québécois de la langue française, 2019. (Nouvelle fenêtre)

Protéger la langue

Une jeune femme.

Sabrina Mercier-Ullhorn

Photo : Gracieuseté

Originaire de Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, Sabrina Mercier-Ullhorn, âgée de 30 ans, habite à Montréal depuis plusieurs années et étudie en traductologie à l'Université Concordia. Elle pense, au contraire, que la langue est menacée.

« Il faut également souligner que les jeunes n'ont pas connu les grands combats pour la langue. On oublie que le français est une langue minoritaire en Amérique du Nord. »

— Une citation de  Sabrina Mercier-Ullhorn

Avec deux autres jeunes femmes, elle a lancé une pétition demandant à la Ville de Montréal de créer un Conseil montréalais de la langue française qui pourrait étudier la question de l'exode des francophones ou de l'importance du français comme attrait touristique et économique, et formuler des recommandations en conséquence, peut-on lire. Plus de 18 000 personnes l'ont signée pour le moment.

« La plupart des solutions vont venir de l'espace politique, que ça soit à l’échelon municipal, provincial ou fédéral.  »

— Une citation de  Sabrina Mercier-Ullhorn
Une pétition en ligne.

Mme Mercier-Ullhorn a lancé une pétition pour demander à Montréal d'agir dans le dossier de la protection de la langue française.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

Et l'anglais dans les conversations?

Selon Sabrina, il faut s'inquiéter de l'utilisation de plus en plus courante de mots anglais dans les discussions.

« Peu à peu, ces anglicismes vont être adoptés et vont remplacer des termes français. À terme, c'est l'intégrité du français qui est menacée. »

— Une citation de  Sabrina Mercier-Ullhorn

Pour elle, la langue doit évoluer, mais de façon encadrée : C'est important que l'on ait une norme linguistique proprement québécoise, comme celle qui est promulguée par l'OQLF [l'Office québécois de la langue française]. On accepte certains changements, par contre, on essaie que le français conserve son génie propre.

Les institutions d'enseignement ont aussi un rôle à jouer sur le sentiment d'appartenance à la langue française, dit-elle.

« Je crois que la loi 101 devrait être étendue au cégep. Je sais que c'est controversé, mais, pour moi, c'est vraiment au cégep que j'ai développé mon sentiment d'attachement au Québec et à la culture québécoise. »

— Une citation de  Sabrina Mercier-Ullhorn

Elle affirme aussi que la littérature et le cinéma québécois devraient être mis de l'avant dès le secondaire.

Des informations en anglais collées sur la porte d'un établissement.

L’anglais prédomine encore dans de nombreuses boutiques de Montréal.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

L'anglais dans les commerces du centre-ville de Montréal

Nicolas déplore le fait de ne pas se faire servir en français dans certains commerces de la métropole.

« Ça m'est arrivé dans le centre-ville...Mais, je pense qu'au final, ça reste à nous de ne pas encourager ces commerces-là. Reste que la question c'est : est-ce que t'achètes ou tu n'achètes pas? »

— Une citation de  Nicolas Monette

Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose qu'ils [les commerces] gardent leur nom en anglais. On sait alors qu'ils viennent des États-Unis et qu'ils ne sont pas Québécois, ajoute Marion, qui souhaite encourager l'achat local.

Les immigrants sont souvent pointés du doigt lorsque l'on parle du recul du français dans les commerces montréalais. Pour certains, ils doivent davantage être francisés, mais ce n'est pas si simple, explique Sabrina : On constate qu'il y a beaucoup de ratés dans les cours de francisation et on a vu des reportages sur le fait que la plupart des gens qui sortent des cours n'avaient pas un français fonctionnel.

« Je crois que le gouvernement devrait investir beaucoup plus pour la francisation. »

— Une citation de  Sabrina Mercier-Ullhorn

Moi, j'entends souvent dire, étant dans le milieu scolaire, que la loi 101 a beaucoup aidé. Parce que même si les parents de première génération d'immigration ne parlent pas français, leurs enfants vont être amenés à le parler éventuellement ou à être en contact avec la langue. Après, ça reste un choix personnel d'en faire leur langue d'usage. Je pense que ça serait de l'ingérence politique de dire : tu dois parler français même dans ton quotidien, soutient Nicolas.

La défense de la langue française est-elle liée à la souveraineté du Québec? Moi, je dis, si vous êtes prêts à défendre le français, je suis totalement en faveur, peu importe votre axe politique fédéraliste ou souverainiste, mais ce serait plus efficace dans un Québec libre, déclare Sabrina.

« Si on était une république, il n'y aurait plus de doute sur la langue qui est parlée ici. »

— Une citation de  Sabrina Mercier-Ullhorn

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...