•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Deux semaines en quarantaine confinées à l'hôtel

Contrairement à certains pays, le Canada n'oblige pas les voyageurs à s'isoler dans un hôtel pour effectuer leur quarantaine.

Une chambre d'hôtel.

La chambre d'hôtel dans laquelle Kristina et son mari ont habité pendant leur quarantaine de 14 jours.

Photo :  Offert par Kristina Jenei

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Cette semaine, le premier ministre québécois François Legault a demandé à Ottawa d’imposer une quarantaine obligatoire à l’hôtel à tous les voyageurs. Deux Canadiennes, qui ont choisi d’aller en Nouvelle-Zélande et en Australie, racontent comment elles vivent ou ont vécu leurs 14 jours d'isolement dans une chambre d’hôtel avant d’avoir le droit d’entrer au pays.

La Québécoise Mariève Tanguay Lessard a atterri en Australie cette semaine, et la Britanno-Colombienne Kristina Jenei est arrivée début janvier en Nouvelle-Zélande. Or, avant de pouvoir fouler le sol australien ou néo-zélandais, une quarantaine de 14 jours dans une chambre d’hôtel est obligatoire.

Depuis le début de la pandémie, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont imposé des mesures très strictes aux voyageurs. Pas question d’avoir des dizaines de milliers de voyageurs qui entrent au pays et en sortent pour le plaisir. En fait, seuls ceux qui détiennent un passeport de ces pays ainsi que leur famille peuvent y retourner. De plus, ces gouvernements ont imposé des limites quant au nombre de personnes pouvant entrer au pays et de vols qui s'y rendent.

Leur stratégie a fonctionné. La Nouvelle-Zélande n’a pas recensé plus de 30 cas par jour depuis le mois d’avril dernier. Pour endiguer une vague de cas (entre 200 et 400 par jour) en juillet et en août, l’Australie a imposé un couvre-feu strict – dont l’interdiction de circuler à plus de 5 km de son domicile – et resserré ses mesures pour les voyageurs. Depuis octobre, le pays recense moins de 25 cas quotidiens.

Mariève, qui a voyagé avec son mari australien, son fils de trois ans et son bébé de sept mois, vient tout juste de commencer sa quarantaine. Cette femme dit qu’elle a longuement réfléchi avant de faire ce voyage. Mais n’ayant pas vu la famille de son conjoint depuis plus de trois ans, elle a décidé avec lui de planifier un voyage de trois mois. Pour trois mois, on s’est dit que ça valait la peine, dit-elle.

Pour sa part, Kristina Jenei et son conjoint néo-zélandais ont choisi d’aller à Melbourne pour aider des membres de leur famille aux prises avec des soucis de santé.

Escortés directement à un hôtel

Kristina Jenei et Nicholas Browne portant un masque dans un avion.

Kristina Jenei et son mari Nicholas Browne en route vers Melbourne

Photo :  Offert par Kristina Jenei

Le processus pour entrer dans ces pays est de plus en plus compliqué. D’abord, les billets d'avion sont difficiles à trouver, parce que le gouvernement limite le nombre de vols à destination de ces contrées. Ainsi, plusieurs compagnies aériennes ont annulé des vols à la dernière minute. Mariève raconte qu’il n'y avait qu'une trentaine de passagers dans leur avion entre Doha et Melbourne, qui aurait pu en contenir 300.

Puis les personnes qui souhaitent y entrer doivent également s'inscrire auprès du gouvernement pour effectuer leur quarantaine et passer un test avant leur départ.

« Il y a beaucoup d’étapes et de papiers à remplir avant de rentrer au pays. Je suis certaine que ça dissuade certaines personnes de voyager. »

— Une citation de  Kristina Jenei

Par ailleurs, pas question de choisir son hôtel ou d’aller chez un ami pour s’isoler pendant la quarantaine, précisent les informations gouvernementales. Les voyageurs sont accueillis directement dans l’avion par des employés de la santé publique, puis escortés jusqu’à un autobus et, finalement, à l’hôtel qui leur a été assigné. Parfois, c’est un hôtel situé juste à côté de l’aéroport; parfois, les voyageurs sont carrément emmenés dans une autre ville.

À l’aéroport, ils ont gardé les gens de notre vol dans une bulle. Une personne de notre groupe devait aller aux toilettes et un agent d’immigration a dû l’escorter, raconte Kristina, qui ajoute que l'aéroport d'Auckland était quasiment désert.

Le père et ses enfants devant un autobus.

Le mari de Mariève Tanguay Lessard Jarryd Smith et leurs deux enfants à leur arrivée à Melbourne.

Photo : Offert par Marie-Ève Tanguay Lessard

Mariève dit avoir été très surprise de voir la différence entre l’activité à l'aéroport Montréal-Trudeau et celle à l'aéroport de Melbourne. Quand on arrive en Australie, c’est un autre niveau [de précaution]. On n'a pas vu d'autres vols arriver. Il y avait une centaine d’employés pour surveiller la trentaine de personnes qui arrivaient. Les employés étaient habillés de la tête aux pieds comme dans un hôpital.

Kristina dit avoir compris à quel point la Nouvelle-Zélande prend cette quarantaine au sérieux lorsqu’elle est arrivée à l’hôtel.

« Il y avait des militaires qui surveillaient l’entrée. C’est à ce moment-là que j’ai ressenti la sévérité de la situation. »

— Une citation de  Kristina Jenei
Deux soldats surveillent des touristes.

Des militaires surveillent l'entrée de l'hôtel à Auckland où de nombreux voyageurs sont placés en quarantaine obligatoire.

Photo :  Offert par Kristina Jenei

Pour sa part, Mariève explique que les voyageurs ont été immédiatement avertis que s’ils essayaient de quitter l’hôtel, on leur remettrait une contravention de 19 000 $. « C'était intense pour commencer son séjour! » lance-t-elle.

Assignés à une chambre

La famille de Mariève s'est retrouvée dans une chambre sans fenêtres qui ouvrent et sans balcon. La famille a dû insister pour obtenir une chambre suffisamment grande pour toute la famille.

Elle raconte qu’elle et son mari devront trouver des façons créatives pour bouger et occuper leur jeune fils : Mon fils me demande déjà pourquoi on ne peut pas aller dehors.

Du côté de la Nouvelle-Zélande, Kristina indique qu’il a été possible de réserver, pendant une période, une salle de conférence pour marcher et bouger un peu. Mais on nous a avertis qu’il ne fallait pas suer dans ces salles; pas question de faire un gros entraînement, dit-elle. Ils craignent la propagation dans les airs.

De plus, il n’est pas possible d’emprunter les escaliers, et il ne doit pas y avoir plus d’une famille ou d'un couple à la fois dans un ascenseur. On pouvait marcher dans les corridors, mais en portant le masque et en gardant une certaine distance.

Kristina et son mari, Nicholas, ont aussi pu s’inscrire pour avoir droit à une marche organisée dans un champ situé à proximité. C'est seulement tous les deux jours. On t’emmène en autobus et tu as 45 minutes pour marcher, avec des militaires qui surveillent. Ce n’est pas beaucoup, mais ça fait du bien de pouvoir sortir de l’hôtel, souligne-t-elle.

Un champ surveillé par un militaire.

Les voyageurs pouvaient faire une promenade dans un endroit désigné et surveillé par l'armée.

Photo :  Offert par Kristina Jenei

Le mari de Kristina a également apporté son vélo d’entraînement, ce qui lui a permis de faire de l’exercice dans la chambre d’hôtel. Par ailleurs, certains établissements offrent aux gens en quarantaine l’option de louer un vélo stationnaire. Le coût pour cette location est de plus de 100 $ par semaine.

La plupart des hôtels interdisent aux gens de fumer dans les chambres. À Auckland, Kristina raconte que les fumeurs ont un endroit désigné à l’extérieur, surveillé par des militaires.

Des repas livrés à la porte

Une table remplie de nourriture

Les repas sont livrés trois fois par jour à la porte de la chambre.

Photo : Offert par Mariève Tanguay Lessard

Trois fois par jour, des repas sont livrés à la porte de leur chambre. Quelqu'un frappe et laisse la nourriture à l’extérieur; ainsi, il n’y a aucun contact avec les employés de l’hôtel. De plus, les chambres d’hôtel ne sont pas nettoyées; on offre plutôt quelques articles – par exemple du savon à vaisselle, ainsi que de la literie et des serviettes – pour garder l'espace propre.

Il est aussi possible de se faire livrer des repas ou de commander des produits d’épicerie.

C’est un peu excitant d’entendre cogner à la porte pour pouvoir voir ce qu’il y a dans le sac, dit Mariève, qui ajoute qu’elle a été surprise autant par la qualité de la nourriture que par sa quantité. Elle avait d’ailleurs apporté une valise pleine de collations, au cas où les repas ne seraient pas suffisants.

Visites santé

Une infirmière prélève un échantillon nasal.

Tous les voyageurs doivent passer deux tests de dépistage avant de pouvoir sortir de la quarantaine.

Photo :  Offert par Kristina Jenei

Les voyageurs reçoivent un appel ou une visite tous les jours d’une infirmière, qui vérifie leur état de santé et prend leur température. Ont-ils des symptômes? Comment vivent-ils ce confinement?

J’ai été très surprise de voir à quel point on offre beaucoup de services de santé mentale. Et il y avait même des ressources spécifiques pour les Autochtones, dit Kristina.

Les autorités indiquent que tous ces voyageurs doivent passer un test de dépistage au troisième et au onzième jour de leur quarantaine. S’ils sont déclarés positifs, ils sont transférés dans un autre centre, réservé aux voyageurs infectés, et leur quarantaine est alors prolongée.

Au moment de l’entrevue, Mariève et les membres sa famille n'avaient pas encore passé leur premier test et étaient inquiets : On a tellement fait attention pour ne pas l’attraper. Mais on est stressés.

L’isolement est-il difficile à vivre?

Kristina compare la quarantaine à un long vol d’avion qui n'en finit plus. On marche très peu, donc c’est comme quand on sort de l’avion; on se sent fatigués, on se sent tout croches. Elle dit que la quarantaine a commencé à être plus difficile le sixième jour : J’ai réalisé qu’on n’avait même pas fait la moitié.

Une mère avec ses deux enfants à l'aéroport.

Avant de pouvoir entrer en Australie, Mariève Tanguay Lessard doit faire une quarantaine de 14 jours à l'hôtel avec son mari et ses deux jeunes enfants.

Photo : Offert par Mariève Tanguay Lessard

Mariève n’en est qu’au début de sa quarantaine et se demande comment elle se sentira à la fin. Pour l’instant, elle pense à la récompense : celle qui consiste à voir famille et amis après de longues années d’absence.

Un voyage qui coûte cher

Mariève et son conjoint ont dû débourser 4500 $ pour leur quarantaine. Quant à Kristina et son conjoint, le gouvernement paiera leur quarantaine, puisqu'ils ont choisi de rester en Nouvelle-Zélande au moins six mois. Sinon, ils auraient eu à débourser 4000 $. C’est sûr que ces montants sont un incitatif pour ne pas voyager, dit-elle.

Kristina estime tout de même que cette facture salée est une bonne façon de dissuader les personnes de voyager pour des raisons non essentielles.

Kristina estime que de telles mesures, même si elles ont compliqué ses plans, est le prix à payer pour pouvoir voyager en temps de pandémie.

« C'est un privilège [de pouvoir voyager]. C'était très étrange de sortir de l'isolement et de retourner à notre vie d'il y a un an... »

— Une citation de  Kristina Jenei

Les deux Canadiennes estiment aussi que le Canada devrait resserrer la vis aux voyageurs, parce que trop de personnes ne respectent pas leur quarantaine à la maison.

Bien sûr, elles s’inquiètent de devoir refaire une quarantaine à l’hôtel à leur retour au Canada, si le gouvernement fédéral impose cette nouvelle mesure. Mariève préfèrerait faire sa quarantaine chez elle, tout en respectant les règles.

Je referais la quarantaine si ça permet de garder ma communauté en sécurité, si ça évite que je propage le virus, ajoute Kristina. C’est un compromis que j’accepte pour le droit de pouvoir prendre un vol international, et c’est mon devoir de citoyenne de payer pour cette quarantaine.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...