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La gouverneure générale Julie Payette démissionne

L'opposition montre du doigt le « manque de jugement » de Justin Trudeau. Il avait confié ce poste protocolaire à l'ancienne astronaute, qui fait maintenant l'objet d'un rapport accablant.

Julie Payette fait un salut de la main en passant devant une agente de la GRC.

La gouverneure générale du Canada, Julie Payette, démissionne en raison d'allégations graves sur le climat de travail à son bureau (archives).

Photo : Getty Images / AFP

Radio-Canada

La gouverneure générale Julie Payette et sa secrétaire Assunta Di Lorenzo annoncent leur démission après la production d'un rapport cinglant sur le climat de travail toxique à Rideau Hall, remis la semaine dernière au gouvernement Trudeau.

Pour le bien de notre pays, pour l'intégrité de ma fonction vice-royale et de nos institutions démocratiques, je suis arrivée à la conclusion qu’un nouveau gouverneur général devrait être nommé, a fait savoir Mme Payette dans un communiqué transmis à la presse jeudi après-midi.

Sans évoquer explicitement les raisons de son départ, la chef de l'État canadien a expliqué que des tensions sont apparues à Rideau Hall au cours des derniers mois et s'en est dite désolée.

Bien qu’aucune plainte officielle ou [qu'aucun] grief officiel n'ait été formulé au cours de ce mandat, ce qui aurait immédiatement déclenché une enquête détaillée comme le prescrivent la loi et les conventions collectives en vigueur, je prends toujours ces allégations très au sérieux, a-t-elle assuré.

C'est un gros soupir de soulagement, a indiqué à Radio-Canada une ancienne employée de Rideau Hall qui a participé à l'enquête commandée par le gouvernement.

Plan très rapproché de Julie Payette, avec Justin Trudeau derrière elle.

Justin Trudeau et Julie Payette lors de l'annonce de la nomination de celle-ci comme gouverneure générale du Canada, le 13 juillet 2017, au Sénat.

Photo : Reuters / Chris Wattie

La démission de Mme Payette fait suite à une rencontre organisée mercredi soir avec le premier ministre Trudeau.

Tous les employés du gouvernement du Canada ont le droit de travailler dans un milieu sain et sécuritaire, et nous prendrons toujours cette question très au sérieux, a estimé M. Trudeau, jeudi, dans une déclaration faite après l'annonce du départ de Mme Payette.

L’annonce d’aujourd’hui représente une occasion de renouveler l'équipe de direction à Rideau Hall dans le but de répondre aux préoccupations concernant le milieu de travail que des employés ont soulevées pendant l’examen.

Une citation de Justin Trudeau, premier ministre du Canada

C'est le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, qui assurera l’intérim en attendant la nomination d’un nouveau gouverneur général.

Le reportage de Laurence Martin

Un rapport aux conclusions sérieuses et inquiétantes

En entrevue à l'émission Power & Politics, jeudi, à CBC News Network, le président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, Dominic LeBlanc, a insisté pour dire que c'est Julie Payette elle-même qui, après avoir pris connaissance des conclusions du rapport, a offert sa démission à Justin Trudeau.

La gouverneure générale a décidé, sur la base du rapport qu'elle a vu, qu'il serait dans l'intérêt de l'institution d'offrir sa démission, et c'est ce que nous avons reçu aujourd'hui, a-t-il indiqué à l'animatrice Vassy Kapelos.

Le rapport en question n'a pas encore été rendu public. Il le sera dès que nous le pourrons, a promis M. LeBlanc, qui a rappelé que le document devrait être caviardé en raison de la Loi sur les renseignements personnels.

Ses conclusions sont sérieuses et inquiétantes, et elles confirment que Rideau Hall est une source de préoccupation, a-t-il admis pudiquement.

Or, le rapport serait carrément cinglant, selon les sources de CBC.

De graves allégations

En juillet dernier, le Bureau du Conseil privé avait mandaté une firme spécialisée en relations de travail pour examiner les pratiques en la matière sous la gouverne de Julie Payette après la diffusion d'une enquête menée par le réseau anglais de Radio-Canada.

Sous le couvert de l’anonymat, une douzaine de fonctionnaires et d’anciens employés soutenaient dans ce reportage que la gouverneure générale avait rabaissé, réprimandé et humilié publiquement des membres du personnel de Rideau Hall.

La secrétaire et amie de longue date de Mme Payette, Assunta Di Lorenzo, était elle aussi accusée d’intimidation.

La principale intéressée avait déclaré, deux jours après les révélations de CBC, qu'elle était profondément préoccupée par les reportages des médias; qu'elle prenait très au sérieux le harcèlement et les questions liées au milieu de travail; et qu'elle se réjouissait de l'examen indépendant prescrit par le gouvernement.

Julie Payette inspecte la garde d'honneur.

Julie Payette inspectant la garde d'honneur, à Rideau Hall, à Ottawa, en octobre 2017.

Photo : Getty Images / AFP/Lars Hagberg

Outre les allégations de climat de travail toxique et de harcèlement en milieu de travail, Mme Payette s’est retrouvée dans la tourmente pour avoir effectué d’importantes dépenses pour réaménager sa résidence officielle.

Les contribuables ont ainsi dépensé des centaines de milliers de dollars pour satisfaire le désir de la gouverneure générale de protéger sa vie privée.

Deux projets en particulier ont coûté au total quelque 257 500 $, un montant qui dépasse de loin les coûts habituels de transition liés à la résidence d'un nouveau chef d'État, qui concernent normalement un peu de peinture et de nouveaux meubles, selon de multiples sources bien au fait du dossier.

L'opposition critique le jugement de Justin Trudeau

Sitôt la gouverneure générale partie, les groupes d'opposition à la Chambre des communes ont remis sur le tapis ce qu'il considère comme un manque de jugement de Justin Trudeau. C'est lui qui a nommé Julie Payette gouverneure générale en 2017, deux ans après l'arrivée au pouvoir des libéraux.

Est-ce que le bureau du premier ministre Trudeau avait fait toutes les vérifications sur des antécédents de gestion d’employés ou de création d’un milieu de travail sain pour tout le monde?, a demandé le député du NPD de Rosemont–La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice. Peut-être que ça n'a pas été fait adéquatement.

Le leader parlementaire du Parti conservateur, Gérard Deltell, a pour sa part reproché à Justin Trudeau d'avoir renié le processus de nomination élaboré par le gouvernement de Stephen Harper en 2012.

Quand nous étions au gouvernement […], le premier ministre avait créé un comité consultatif pour la nomination vice-royale, a rappelé M. Deltell à l'antenne d'ICI RDI. C'est ce qui avait mené à la nomination du très honorable David Johnston qui a effectué son travail de façon tout à fait correcte.

Malheureusement, M. Trudeau a mis ce processus aux poubelles et il a décidé de choisir la personne qui faisait son affaire à lui, personnellement, a-t-il déploré.

De son côté, le Bloc québécois a profité du départ de la gouverneure générale pour remettre en question l'existence même de cette fonction protocolaire issue de la monarchie britannique.

Le poste vacant de gouverneur général est une belle occasion de remettre en question l’utilité d’une fonction dépassée qui n’a pas sa place en démocratie, a soutenu Rhéal Fortin, porte-parole bloquiste en matière de Justice et du Conseil privé.

Un rôle juridique et protocolaire

Nommé pour un mandat de cinq ans, qui peut s’étendre à sept ans, le gouverneur général est le représentant de la reine Élisabeth II au Canada. À ce titre, il possède de nombreux pouvoirs inscrits dans la Constitution, dont celui de nommer ou de destituer un gouvernement. Mais dans les faits, il a très rarement l’occasion de les exercer.

Le gouverneur général a beau être le chef de l'État canadien, sur le plan politique, c’est une affaire de peu d’importance, a soutenu pour sa part Patrick Taillon, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval, jeudi à ICI RDI.

Le poste de gouverneur général est essentiel au bon fonctionnement juridique du Canada, a-t-il néanmoins reconnu, notamment lorsque le gouvernement est minoritaire et que plusieurs décisions, qui se prennent par décret, ne peuvent être mises en œuvre sans la sanction royale du chef de l'État.

Mais dans les faits, le gouverneur général et Sa Majesté Élisabeth II sont obligés de faire ce que le gouvernement recommande, explique le professeur Taillon.

Selon lui, Julie Payette ne pouvait pas s’accrocher à son poste, du moment où une pression politique ou une décision du Conseil privé de Justin Trudeau et de son entourage était imminente.

Soit elle a démissionné parce qu’elle a anticipé les prochaines heures ou elle a été "démissionnée", conclut Patrick Taillon. De façon élégante, on l’a invitée à le faire par elle-même pour éviter d’ajouter à l’embarras en procédant par des voies plus officielles qui n’auraient été que plus embarrassantes.

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