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Se rétablir sans vraiment guérir : le mystère de la « longue COVID »

Environ 10 % des personnes infectées par la COVID-19 en ressentent des symptômes à long terme, selon des études.

Une file de personnes portant un masque qui attendent dehors.

De nombreux Canadiens continuent de manifester des symptômes plusieurs semaines après avoir été infectés par la COVID-19.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Plus de 80 % des Canadiens ayant contracté la COVID-19 depuis le début de la pandémie sont rétablis, selon les données provinciales disponibles. Et pourtant, des milliers d’entre eux disent en ressentir encore les effets des semaines, voire des mois après leur infection. Des médecins canadiens essaient tant bien que mal de traiter ce phénomène encore très mystérieux.

La définition d’une personne rétablie diffère d’une province à l’autre, mais de manière générale, une personne est considérée comme rétablie 10 ou 14 jours après l’apparition des premiers symptômes. Selon ces critères, quelque 620 000 Canadiens sont ainsi jugés rétablis, un bilan qui ne tient cependant pas compte de ceux, nombreux, qui en subissent encore les séquelles.

Certaines études estiment qu’au moins 10 % des personnes infectées par la COVID-19 en ressentiraient des effets pendant au moins plusieurs semaines suivant leur présumée guérison.

C’est pourquoi il existe désormais quatre cliniques post-COVID au pays, l'une à Edmonton et trois à Vancouver (Vancouver General Hospital, Hôpital St. Paul's et le centre Jim Pattison Outpatient Care and Surgery). Au moins trois cliniques du genre ouvriront bientôt leurs portes au Québec, dont une à Sherbrooke et une autre à Montréal.

Au début, les médecins entendaient y traiter les patients qui avaient été hospitalisés et avaient besoin d’aide lors de leur convalescence, pour l'essentiel des aînés et des personnes ayant des comorbidités.

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Une représentation du coronavirus.

Mais ils ont rapidement remarqué que les personnes qui se présentaient à leur clinique ne correspondaient pas toutes à ce profil et que plusieurs d'entre elles n’avaient même pas été hospitalisées. Néanmoins, leur vie n’était plus la même.

Pour moi, ç’a été un peu troublant de rencontrer un patient dans la trentaine qui faisait régulièrement de l’exercice, mais qui avait désormais du mal à marcher sur une distance de quelques mètres, raconte le Dr Ron Damant de la clinique d’Edmonton.

Ce phénomène, communément appelé longue COVID, est peu compris, et ces médecins font un travail de détective pour tenter d'appréhender les effets à long terme associés à la COVID-19 chez de gens de tous âges.

Qui est prédisposé à ces complications à long terme? Nous ne le savons pas encore. [...] Mais c'est vraiment dévastateur pour ces personnes qui sont plus jeunes et qui avaient des vies actives. C’est un message percutant aux jeunes qui disent que ce n’est pas grave, qu’ils ne vont pas en mourir.

Une citation de Dre Maeve Smith, clinique post-COVID, Edmonton

Que sait-on de la longue COVID?

Étant donné que ce virus est présent depuis moins d’un an dans la population, il n’existe pas encore de définition scientifique de la longue COVID. Mais certains constats commencent à émerger.

Selon une étude chinoise, récemment publiée dans The Lancet (Nouvelle fenêtre), 76 % des patients qui ont été hospitalisés en raison de la COVID-19 ont signalé la persistance d'au moins un symptôme, six mois après l'apparition des premiers symptômes, et la proportion était plus élevée chez les femmes. 

Les symptômes les plus courants :

  • fatigue et douleurs musculaires (63 %);
  • trouble du sommeil (26 %);
  • perte de cheveux (22 %);
  • perte d’odorat (11 %);
  • douleurs articulaires (9 %).

Par ailleurs, entre 22 % et 56 % des patients qui ont été hospitalisés en raison de la gravité de leurs premiers symptômes présentaient une anomalie pulmonaire six mois après l'apparition de ces derniers.

Une autre étude, celle-ci provenant du Royaume-Uni (Nouvelle fenêtre), estime que 10 % des patients atteints de la COVID-19 signalent des symptômes qui ont persisté pendant au moins 3 à 4 semaines après avoir été infectés.

Le nombre de personnes manifestant des symptômes qui persistent semble heureusement diminuer avec le temps. Ainsi, 4,5 % des participants à cette étude ont fait état de symptômes qui ont duré plus de 8 semaines et 2,3 %, plus de 12 semaines après leurs premiers symptômes.

Si les données spécifiques au Canada n’existent pas encore, selon cette étude, on pourrait estimer que jusqu’à 70 000 Canadiens auraient des symptômes persistants.

Cette étude britannique révèle aussi que les femmes souffrent plus longtemps de symptômes persistants que les hommes. Les personnes ayant plusieurs symptômes au début de leur infection semblent aussi présenter un risque accru de séquelles à long terme.

Enfin, d’autres chercheurs (Nouvelle fenêtre) affirment que 25 % des personnes infectées qui ont pris part à leur étude - dont de nombreux jeunes et des patients ayant des symptômes légers - présentent des lésions aux organes.

Un constat vérifié sur le terrain

Les médecins des cliniques post-COVID d’Edmonton et de Vancouver disent qu’ils observent au quotidien exactement ce que soutiennent ces chercheurs.

Selon eux, les symptômes les plus couramment signalés par leurs patients sont la fatigue, l’essoufflement, les maux de tête, la perte d’odorat, les douleurs musculaires et articulaires et le brouillard mental.

De nombreuses personnes ont de la difficulté à retourner au travail ou à faire des tâches au quotidien.

La seule tendance que nous observons pour le moment est qu’il y a une très grande variabilité entre le type de symptômes et leur gravité.

Une citation de Dr Ron Damant, clinique post-COVID, Edmonton

On remarque par ailleurs que chez des patients qui ont eu des symptômes relativement légers au début de la maladie, certains ressurgissent de façon cyclique.

Les symptômes comme la fatigue, la douleur, les difficultés respiratoires réapparaissent parfois quelques jours après avoir fait de l’exercice. Certains symptômes semblent apparaître à tout moment, explique le Dr Jesse Greiner, de la clinique post-COVID de Vancouver.

Si certains symptômes, comme la perte d’odorat ou les lésions cutanées associées aux orteils COVID, peuvent sembler plus bénins, la vie de ces patients est tout de même touchée, rappelle la Dre Grace Lam, de la clinique post-COVID d'Edmonton. Imaginez un chef qui ne sent plus. Imaginez avoir des lésions pendant de longues périodes sur vos orteils, fait-elle valoir.

Les médecins des deux cliniques post-COVID disent qu’ils sont surpris par la complexité de cette maladie et à quel point il est difficile de prédire qui pourrait subir cette longue COVID.

Nous avons réalisé à quel point si peu est connu à propos de la COVID-19. C’est une maladie très distincte de tout ce que nous n'avons jamais connu.

Une citation de Dre Maeve Smith, clinique post-COVID, Edmonton

Est-ce vraiment lié à la COVID-19?

L’une des premières choses que font les médecins dans les cliniques post-COVID est d’essayer de déterminer si les symptômes sont vraiment liés à la COVID-19 ou si une autre maladie est en cause.

Dans certains cas, la COVID-19 n’était pas la cause, mais les symptômes s’apparentant à la COVID-19 ont poussé le patient à consulter. Par exemple, nous avons découvert qu’une personne qui croyait avoir des symptômes post-COVID avait un cancer de l’intestin, raconte le Dr Damant.

Le Dr Greiner ajoute qu’il faut garder l'esprit très ouvert. Je pose beaucoup de questions, parce que je ne sais jamais ce que je peux trouver.

Ces médecins croient qu’ils doivent offrir d’abord et avant tout une oreille attentive à leurs patients. Il faut leur montrer qu’il y a des gens qui les écoutent, qui les croient et qui essaient de trouver des réponses à leurs questions, dit le Dr Greiner.

Ce soutien est extrêmement important, ajoute le Dr Damant, puisque de nombreux patients souffrent énormément d'anxiété, de peur, de dépression, de stigmatisation depuis leur infection.

Mais les quatre médecins sont tous d’accord : les diverses expériences des patients seront la clé pour comprendre les effets à long terme de cette maladie.

C’est d’ailleurs pourquoi certains internautes ont choisi d’aider les chercheurs à collecter des données sur le phénomène de longue COVID.

Une femme portant un foulard.

Hannah Wei a été infectée en mars et ses symptômes ont pris six mois à disparaître complètement.

Photo : Francis Ferland/CBC News

Hannah Wei a été infectée en mars. Ses symptômes - notamment une toux persistante et de la fatigue - ne sont pas disparus avant le mois d’août.

Les gens ne comprennent pas que, même si tu survis à la COVID-19, ta vie ne sera peut-être plus la même.

Une citation de Hannah Wei, Groupe de recherche mené par les patients

Selon cette Torontoise, l’expérience a été traumatisante et très douloureuse et l’a poussée à rejoindre des groupes de soutien en ligne. Il y a de plus en plus de cas et il y a plus de gens qui ne guérissent pas, et ces personnes ne reçoivent pas de soins. Les médias sociaux sont un excellent moyen d’exprimer leurs inquiétudes, dit Hannah Wei.

En voyant la multiplication des témoignages, plusieurs membres d’un groupe Slack qui ont une expertise en science et en recherche ont cru bon de colliger cette quantité phénoménale de données dans le but d’aider les chercheurs à mieux comprendre le phénomène.

Ce groupe de recherche mené par les patients a d’ailleurs publié un premier article scientifique au printemps et un autre est en processus de révision.

Que font les médecins pour traiter la longue COVID?

Puisque les symptômes sont tellement différents d’un patient à l’autre, les cliniques post-COVID regroupent un éventail très large d’experts : médecins, cardiologues, hématologues, pneumologues, diététiciens, physiothérapeutes, etc.

Par contre, les médecins ont encore peu d’options pour traiter la panoplie de symptômes de la longue COVID. Très souvent, on dit aux patients de patienter et de réduire la quantité de stress et de fatigue.

Nous essayons surtout de gérer les symptômes. Il n’y a pas de médicaments qui vont les faire disparaître. C’est pourquoi on fait énormément d’éducation pour aider les gens à détecter et à éviter les situations qui font ressurgir leurs symptômes.

Une citation de Dr Jesse Greiner, clinique post-COVID, Vancouver

Selon la Dre Lam, certaines recommandations de traitements commencent à être publiées, mais les médecins doivent encore y aller au cas par cas. Nous avons certaines grandes lignes, mais il y a beaucoup de détails que l'on ne connaît pas. Comment aider à la réhabilitation? Pendant combien de temps? Quel type d’exercice aide le plus? On apprend au fur et à mesure.

Tous les médecins à qui nous avons parlé affirment que le phénomène de la longue COVID montre à quel point il est important de continuer à porter un masque, à se laver fréquemment les mains et à respecter la distanciation physique.

Il faut le faire, parce qu’on ne sait pas qui va développer des symptômes à long terme, dit le Dr Damant.

Avec la hausse du nombre de cas, ces médecins craignent que de plus en plus de Canadiens présentent des symptômes à long terme, une situation qui exercera encore plus de pression sur le système de santé qui a été mis à rude épreuve depuis le début de la pandémie.

Selon la Dre Smith, le seul vrai traitement qui existe est de ne pas attraper la COVID-19.

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