Keystone XL : Jason Kenney croit avoir un « recours juridique solide »

L'oléoduc Keystone XL de l'entreprise TC Énergie est en projet depuis 13 ans.
Photo : Getty Images / Andrew Burton
Lundi, le premier ministre albertain, Jason Kenney, dit qu'il croit avoir « un recours juridique solide » si Joe Biden abandonne le projet d'oléoduc Keystone XL. Il précise que la province a d’ailleurs déjà fait appel à une équipe d’avocats-conseils.
Se disant très préoccupé, Jason Kenney, a demandé au président désigné des États-Unis, Joe Biden, de consulter les gouvernements fédéral et provincial avant de prendre toute décision « précipitée » sur le projet de pipeline Keystone XL.
Le futur président pourrait annuler le permis de l’entreprise TC Énergie dès le jour de son investiture le 20 janvier.
Tout ce que nous demandons, c’est que le prochain président respecte le Canada comme étant le partenaire le plus important stratégiquement et d’avoir au moins une discussion, des pourparlers
, a expliqué M. Kenney.
Un précédent dangereux, selon Jason Kenney
Selon lui, le représentant de l’Alberta à Washington, James Rajotte, tente de se faire entendre auprès de la nouvelle administration, mais il croit que Justin Trudeau devrait aussi tenter de contacter l’équipe de transition avant mercredi pour lui faire entendre raison.
L’annulation du permis alors que les travaux de construction de l’oléoduc ont déjà commencé constituerait un dangereux précédent pour tous les pipelines traversant la frontière canado-américaine, a affirmé Jason Kenney.
Si le gouvernement américain peut mettre fin unilatéralement à tout pipeline traversant la frontière, alors il peut le faire pour n’importe quel autre pipeline qui fournit les consommateurs américains en énergie canadienne
, a-t-il déploré, citant notamment le projet de la ligne 3.
C’est pourquoi le premier ministre pense avoir un recours juridique solide
si Joe Biden va de l’avant avec l'abandon du projet d’oléoduc.
Trans Canada, l’ancien nom de TC Énergie, avait ainsi poursuivi l’administration Obama pour 15 milliards de dollars de dommages et intérêts lorsque l’ancien président américain avait rejeté la construction de l’oléoduc.
Une perte de 1,5 milliard de dollars
L’échec du projet de pipeline Keystone XL coûterait cependant cher aux Albertains. Le gouvernement provincial avait annoncé au printemps 2020 un investissement de 1,5 milliard de dollars dans le projet ainsi que des garanties de prêt à hauteur de 6 milliards de dollars.
Selon les calculs du premier ministre, la facture totale s’élèverait à 1,5 milliard de dollars en perte. Le reste de l’argent déjà prêté pourrait être récupéré grâce à la vente des matériaux.
L’opposition officielle demande que les termes de l’arrangement entre TC Énergie et le gouvernement albertain soient rendus publics.
Malgré les critiques de l’opposition officielle, Jason Kenney a continué à défendre son investissement : Si le projet est annulé, ça représentera un coût d’environ 30 milliards de dollars à l’économie albertaine d’ici 2030.
D’autres obstacles à franchir pour l’industrie
L’annulation du permis de TC Énergie pourrait en effet avoir un impact sur la production pétrolière canadienne, confirme le professeur spécialisé en politiques énergétiques à HEC Montréal Pierre-Olivier Pineau.
En excluant les effets de la pandémie, la consommation de pétrole se maintient au niveau mondial, selon lui. Sans le pétrole canadien, les raffineries du golfe du Mexique augmenteront leurs exportations de pétrole lourd d’Amérique du Sud.
Trans Mountain n’est toujours pas construit. Si Keystone XL est véritablement annulé, ça fait peser des incertitudes sur les débouchés du pétrole albertain, dont l’Alberta se serait bien passée
, explique M. Pineau.
Il cite également les déboires de la canalisation 5 d’Enbridge, dont la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, a demandé l’arrêt. Ce pipeline transporte le pétrole de l’Ouest canadien vers l’Ontario et les États du nord-est des États-Unis.
Selon le président de la Fondation Canada West et ancien envoyé de l’Alberta à Washington, Gary Mar, ces multiples obstacles à l’exportation du pétrole albertain demandent de la diplomatie. Le gouvernement fédéral, la province et l’industrie pétrolière ont tout intérêt à prévoir plusieurs plans d’attaque pour aider leur cause, affirme-t-il.
Sans jeter complètement l’éponge dans le dossier Keystone, il incite plutôt Ottawa à trouver des terrains d’entente avec l’administration Biden. Si le gouvernement canadien peut s’entendre avec les États-Unis sur les émissions de méthane, les normes sur les combustibles fossiles ou une stratégie sur l’hydrogène, par exemple, peut-être que nous pourrons continuer à négocier des infrastructures apportant du pétrole
croit-il.
Il conseille également d’approcher le prochain secrétaire américain à la défense pour présenter le Canada comme le choix le plus sécuritaire pour approvisionner les États-Unis en pétrole.