Appui massif des médecins aux psychologues du secteur public
En 48 h, une lettre a accumulé plus de 900 signatures de professionnels de la santé.

Selon la lettre de la la Coalition des psychologues du réseau public québécois, d'ici deux ans, il manquera près du tiers des psychologues dans le réseau public.
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Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Près de 700 médecins ont signé une lettre de la Coalition des psychologues du réseau public québécois demandant plus d'investissements de la part du gouvernement pour contrer la pénurie de psychologues dans le secteur public et l’exode de ces professionnels vers le privé.
La coalition n’a pas eu trop de difficulté à trouver des appuis chez ses collègues médecins. La Dre Valérie Labbé, une pédiatre de la région de Québec, a d'elle-même offert son aide en partageant la lettre dans ses réseaux.
En 24 heures, 600 médecins ont signé et puis on s'est rendus à 700 en 48 heures. Avec les 200 de plus du côté des psychologues, on a un beau total de plus de 900 signataires
, se réjouit la pédiatre.
La médecin se dit très sensible aux enjeux de ressources publiques soulevés par la Coalition. Depuis le début de la pandémie, elle constate que beaucoup de jeunes la consultent pour des troubles de santé mentale.
Quand on est en milieu hospitalier, on a plus de problèmes de santé physique. Mais au bureau, on voit presque majoritairement des troubles de santé mentale. Là-dedans, on inclut évidemmentTDAH , anxiété, dépression, troubles de comportement et tout ça
, relate Valérie Labbé.
« C'est plus de 50 % de nos consultations en ce moment. »
Complémentaires
Bien que les médecins aient leur rôle à jouer sur les questions de santé mentale, les psychologues demeurent indispensables et les rôles ne sont pas interchangeables, selon la Dre Labbé.
Les médecins, on peut prescrire de la médication, mais dans la plupart des situations on veut que ça soit associé à de la psychothérapie. C'est très important pour qu’il y ait plus de chances de réussite à long terme
, indique la pédiatre.
Mais dans un contexte où les listes d'attente sont longues pour obtenir les services d'un psychologue, ce sont les médecins qui se retrouvent en première ligne.
C’est lourd dans les équipes [de santé] de ne pas avoir ce soutien-là, de rencontrer des gens qui ont besoin de psychothérapie. Ils les réfèrent à des ressources, mais avec des attentes très longues et des fois il n’y en a pas du tout de service
, souligne Karine Gauthier, psychologue et porte-parole de la Coalition des psychologues du réseau public québécois.
Cri du cœur
Le cri du cœur arrive en pleine pandémie, au moment où les troubles de santé mentale sont à la hausse et que de l’autre côté, il y a de moins en moins de psychologues dans le réseau public.
Plusieurs d’entre eux quittent le réseau pour aller pratiquer dans le secteur privé, comme ils y ont de meilleures conditions salariales et plus d’autonomie professionnelle.
Les postes vacants peinent ainsi à trouver preneur, entre autres parce que 75 % des finissants en psychologie choisissent aussi le secteur privé.
« C’est excessivement problématique, à un moment donné si on ne fait rien, il va y avoir une extinction des psychologues dans le réseau public. »
Cette pénurie n'est pourtant pas nouvelle, déplore-t-elle. On a écrit cette lettre parce qu’il y a vraiment un manque de volonté politique. Le gouvernement a toute l’information, mais il n’y a rien qui se passe
, plaide la porte-parole.
En guise de solution, la coalition suggère dans sa missive de mieux valoriser la profession de psychologue au public en offrant de meilleures conditions de travail et plus d’autonomie professionnelle.
Mauvaise direction
Sur ce dernier enjeu, la coalition croit que le gouvernement fait fausse route avec le Programme québécois pour les troubles mentaux (PQPTM). Son objectif est de diminuer la liste d’attente pour obtenir de l’aide psychologique. Or, selon la lettre, cette diminution ne pourrait être qu’en partie artificielle.
Elle souligne que dans d'autres pays où des programmes similaires existent, basés sur une approche par étapes et sur des guides d'autosoins, les patients finissent par abandonner leur suivi.
On demande par exemple de faire des questionnaires avant chaque rencontre pour voir si la personne s’améliore. Ce n’est pas du tout dans nos pratiques et ça peut être vraiment néfaste pour les personnes qui viennent et sont vraiment en détresse. Ça peut vraiment faire en sorte qu’elles ne viennent plus
, explique Karine Gauthier.
Dans les régions où le Programme a été implanté jusqu'ici, la coalition soutient qu’il est lié à des démissions. Ils partent travailler dans le privé où ils pourront avoir l’autonomie d’offrir à la personne ce dont elle a réellement besoin
, relate la psychologue.
Réactions politiques
Dimanche soir, la lettre sera remise au premier ministre, François Legault, au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, et au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant. Ce dernier est responsable des dossiers de la santé mentale.
Déjà le cabinet de Lionel Carmant a répondu par écrit, plaidant que le PQPTM vise à améliorer l’offre publique en s’assurant que chaque personne recevra un service adapté à ses besoins, au moment opportun et offert par le bon professionnel.
On rappelle aussi que des consultations publiques et non partisanes sur la santé mentale se tiendront cette semaine, soit les 19 et le 20 janvier.
L’initiative de la Coalition des psychologues du réseau public québécois est aussi appuyée par l’Association des pédiatres du Québec, des Médecins québécois pour le régime public, de l’Association des psychologues du Québec et de la Fédération interuniversitaire des doctorant.e.s en psychologie.
Avec les informations de David Rémillard, Félix Morrissette-Beaulieu et Marie-Pier Bouchard