Joe Biden assermenté dans une ville fortifiée, « un symbole de l'état du pays »
Déjà adaptée à la pandémie, la cérémonie d'assermentation du 46e président des États-Unis se tiendra dans un contexte tendu en raison de craintes liées à la sécurité.

Le Capitole est entouré par des membres armés de la Garde nationale.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Dans un quartier résidentiel à plus d’un kilomètre et demi du Capitole, la file de voitures s’allonge. À quelques jours de l’assermentation de Joe Biden, des membres de la Garde nationale, arme à la main, interrogent chaque automobiliste.
D’est en ouest, du nord au sud, le centre-ville de Washington est bouclé. À différentes intersections, des points de contrôle ont été installés sous des tentes blanches.
Puis, plus on s’approche du Capitole, plus la sécurité est impressionnante. Derrière une immense clôture, qui a été installée après l’assaut du 6 janvier, des dizaines de soldats armés surveillent le siège du Congrès.
Je n'aurais jamais pensé que cela se produirait aux États-Unis
, raconte Ike Gaya, originaire du Japon, qui vit dans la capitale américaine pour son travail.
Peu de public, beaucoup de soldats
En temps normal, la frénésie de l’assermentation aurait déjà envahi les rues de Washington.
Bals, réceptions, concerts : tant d'événements propres à cette période de transition n’auront pas lieu cette année ou se tiendront de manière virtuelle.
L’équipe de transition de Joe Biden avait déjà revu à la baisse la taille des cérémonies, question de respecter la distanciation physique et d’éviter la propagation du coronavirus.
L’assaut du 6 janvier contre le Capitole a forcé les organisateurs à diminuer de nouveau ces plans qui étaient déjà modestes.
Je demande aux Américains de profiter de cette inauguration présidentielle à la maison. Regardez virtuellement le 20 janvier.
Le Mall, immense parc où se rassemblent habituellement partisans et curieux pour assister à la cérémonie, a été fermé au public pour plusieurs jours. L’accès à 13 stations de métro du centre-ville a été suspendu.
Avec la COVID, j’aurais respecté la distanciation sociale. Mais maintenant, il n’en est pas question
, lance Chimaka, qui a toujours vécu dans la région métropolitaine de Washington.
Je suis Noire, et il y a des suprémacistes blancs qui étaient ici le 6 janvier. J’aurais peur pour ma vie s’ils tentaient de s’en prendre à moi
, raconte-t-elle.
Kimberley, rencontrée un peu plus loin, hésite encore. C’est inquiétant, même s’il y a des militaires. Ça nous fait nous sentir un peu en sécurité
, dit-elle.
Dans ce décor surréaliste, elle se demande si quelque chose se trame
.
Joe Biden deviendra donc président le 20 janvier à midi devant un public minime, mais une force militaire jamais vue pour un tel événement. Au besoin, jusqu'à 25 000 membres de la Garde nationale pourront être mobilisés.
Signe de la tension dans la capitale, on aperçoit dans les rues vides du centre-ville les avis de recherche lancés par le FBI pour retrouver les gens qui ont participé aux événements du 6 janvier.
Une cérémonie sans Donald Trump
C'est un symptôme, un symbole de l'état du pays. [...] C'est vous dire l'état de tension, de fébrilité
, explique Robert Malley, président de l'International Crisis Group.
Son organisme, qui s’intéresse généralement à des crises internationales, a commencé depuis la campagne électorale à produire des analyses sur le contexte politique aux États-Unis.
Robert Malley, qui a été conseiller sous les administrations Clinton et Obama, rappelle que la cérémonie d’investiture du 46e président américain sera différente cette année non seulement en raison de la menace sécuritaire et de la pandémie, mais aussi parce que Donald Trump refuse d’y assister.
Il ne veut pas reconnaître, bien qu’il l’ait dit du bout des lèvres, la légitimité du président Biden
, explique-t-il.
Le boycottage de la cérémonie d’assermentation de son successeur par un président sortant ne s’était pas produit depuis l’absence d’Andrew Johnson à l’assermentation d'Ulysses Grant en 1869.
Chimaka, qui habite dans la région de Washington, a d’abord été enthousiasmée par la victoire de Joe Biden aux élections de novembre. Mais à présent, elle craint que ce contexte hors du commun ne laisse présager un début de mandat difficile pour le démocrate.
Je ne pense pas qu’il y ait de bonnes choses à l’horizon. Juste à voir la manière dont cela va commencer, je crains que cela ne s’améliore pas
, lance-t-elle.