La communauté s’oppose vivement à la libération du meurtrier Allan Legere
Allan Legere a terrorisé le Nouveau-Brunswick durant une bonne partie de l'année 1989.
Photo : Radio-Canada
La Commission des libérations conditionnelles du Canada se penche sur la demande de libération conditionnelle d’Allan Legere mercredi. Même si les observateurs doutent fort qu’il puisse être réhabilité, la seule évocation de cette possibilité ravive un vif sentiment de frayeur au Nouveau-Brunswick.
Celui que l’on surnomme « le Monstre de la Miramichi » s’était évadé de prison en mai 1989, alors qu’il était déjà incarcéré pour meurtre. Pendant sa cavale de six mois, il a commis quatre meurtres supplémentaires dans la région de Miramichi, plusieurs incendies et une agression sexuelle.
Demande de libération
Allan Legere purge une peine à perpétuité à l’Institution à sécurité maximale d’Edmonton en Alberta, mais il est admissible à une libération conditionnelle depuis novembre 2015.
Il participe ce mercredi à 11 h 30, heure de l'Atlantique, à une première audience de libération à partir d'Edmonton, après y avoir renoncé il y a cinq ans.
Les commissaires prendront en compte le témoignage de l’agent de libération conditionnelle de Service correctionnel Canada, mais aussi le traumatisme vécu par la population.
Qu'est-ce que la libération conditionnelle?
La liberté conditionnelle signifie qu'Allan Legere pourrait purger une partie de sa peine dans la communauté, plutôt qu'en prison, sous certaines conditions.
Des souvenirs encore vifs
Il y a une communauté, une région, une province, qui se sentiraient menacées s’il était libéré
, prévient d’emblée Ronald Godin, qui résidait dans le nord du Nouveau-Brunswick pendant la chasse à l’homme de 1989.
Il régnait à l’époque une sorte de torpeur collective
face à une menace omniprésente
, se souvient M. Godin. Le mécanicien de formation réussissait, grâce à d’importants changements d’apparence, à se déplacer d’une ville à l’autre malgré un important déploiement policier. Il aura échappé aux policiers pendant plus de 200 jours.
C’était une frayeur collective qui n’avait jamais été vue. Ça ne visait pas un groupe de personnes ou une communauté en particulier, ça visait toute la province, même le pays entier.
Allan Legere monopolisait toutes les conversations. Constamment sur le qui-vive, plusieurs résidents avaient placardé leurs portes et leurs fenêtres et certains s’étaient même munis de couteaux et d’armes à feu.
On avait peur de sortir, peur que nos enfants soient kidnappés, on avait peur d’arriver le soir et qu’il soit à la table à dîner en train de manger la pizza qu’on avait faite la veille
, raconte Lorio Roy, qui travaillait dans la région en 1989.
Quand Allan Legere a perdu sa liberté en novembre 1989, c’est la collectivité qui a pu retrouver la sienne.
C’était une espèce de libération, tout d'un coup je pouvais permettre aux enfants de sortir dehors, tout d'un coup je pouvais me promener et ne pas avoir à regarder la plaque d'immatriculation qui était en avant de moi. C’était un sentiment de liberté qu’on reprenait, parce qu’on l’avait perdu
, se rappelle Lorio Roy.
Je n’ai pas envie de revivre ça. Je pense qu’on a plus à perdre qu’à gagner.
Réhabiliter un tueur en série
Une criminologue et professeure à l’Université de Moncton, Marie-Andrée Pelland, souligne que le système de justice canadien se base sur la prémisse selon laquelle chaque détenu a le potentiel de se réhabiliter. Selon des statistiques, 0,08 % des criminels qui ont commis un meurtre commettent d’autres crimes lorsqu’ils sont relâchés.
Or, la capacité de réhabilitation d’un tueur en série n’est pour le moment pas appuyée par des données, d’après Mme Pelland.
La professeure doute qu’Allan Legere obtienne une libération, mais dit qu’on ne sait jamais
, puisque très peu de détails ont filtré sur les résultats du processus d’incarcération.
Advenant qu’il soit libéré, ce qui représenterait un événement exceptionnel et quasi sans précédent, un important plan pour sécuriser la communauté devrait être mis en œuvre, indique Marie-Andrée Pelland.
Avec les informations de François Vigneault et de Karine Godin