Le Congrès certifie la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine

Le Congrès a certifié la victoire du démocrate Joe Biden dans la nuit du 6 au 7 janvier 2021.
Photo : Reuters / KEVIN LAMARQUE
- Sophie-Hélène Lebeuf
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
C'est au petit matin jeudi que le Congrès a finalement certifié la victoire du démocrate Joe Biden lors de l'élection présidentielle américaine du 3 novembre dernier. Les élus, qui ont approuvé État par État les résultats électoraux, ont certifié ceux du Vermont, permettant au démocrate d'atteindre les 270 grands électeurs lui assurant la victoire.
Peu après la confirmation de la victoire de son adversaire, Donald Trump a admis dans un communiqué que sa présidence arrivait à sa fin et qu'il promettait une « transition ordonnée ».
Même si je suis en complet désaccord avec le résultat de l'élection, et les faits me soutiennent, il y aura une transition ordonnée le 20 janvier
, a-t-il écrit dans un communiqué. Cela représente la fin de l'un des meilleurs premiers mandats présidentiels et ce n'est que le début de notre combat pour rendre sa grandeur à l'Amérique
, a ajouté le républicain.
Dans un contexte sociopolitique traditionnel, la comptabilisation des voix du Collège électoral par le Congrès aurait été une simple formalité. C'était sans compter sur la contestation attendue de dizaines de républicains, mais, surtout, l'irruption de manifestants pro-Trump dans le Capitole, qui a forcé la suspension de la séance pendant plusieurs heures.
En milieu de soirée mercredi, six heures après le coup d'éclat des émeutiers, les élus ont pu poursuivre leurs travaux visant à confirmer la victoire de Joe Biden.
Les élus des deux Chambres ont repris là où ils avaient laissé, renouant avec les débats sur la certification des résultats de l'Arizona.
Sans surprise, la tentative du sénateur républicain Ted Cruz de les contester a finalement échoué devant le Sénat à l'issue des discussions, ne récoltant que six voix, dont la sienne.
Avant le vote, plusieurs élus ont profité de leur temps de parole pour dénoncer les actes des dernières heures et se porter à la défense de la démocratie.
À ceux qui ont semé le chaos dans notre Capitole aujourd’hui : vous n’avez pas gagné. La violence ne gagne jamais. La liberté l’emporte. Et ceci est encore la Chambre du peuple
, a déclaré d'emblée le vice-président Mike Pence, qui, en sa qualité de président du Sénat, mène cette séance cérémoniale.
Remettons-nous au travail
, a-t-il conclu, sous les applaudissements.
Son ton et la teneur de ses propos tranchaient avec ceux du président Donald Trump, qui, un peu plus tôt, dans une déclaration vidéo publiée sur les réseaux sociaux, a appelé mollement ses partisans à « rentrer chez eux », disant comprendre leur douleur
. Nous vous aimons, vous êtes très spéciaux
, a-t-il dit.
Les États-Unis d'Amérique ne seront pas intimidés
, a déclaré le leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell. Nous n'allons pas plier devant l'anarchie. Nous allons certifier le gagnant de l'élection de 2020.
Ils ont essayé de perturber notre démocratie. Ils ont échoué.
Les démocrates qui ont ensuite pris la parole ont lié l'assaut du Capitole à la rhétorique du président, qui refuse de concéder la victoire en dépit de l'élection légitime de Joe Biden.
Le leader de la minorité démocrate au Sénat Chuck Schumer a déploré le fait que le temple de la démocratie [ait] été profané
. Ceux qui ont commis ces actes répréhensibles ne peuvent pas être appelés des manifestants. Non, il s'agissait d'émeutiers et d'insurgés, de voyous et de malfrats, de terroristes nationaux
, a-t-il lancé.
Ce sera une tache sur notre pays qui ne sera pas si facilement effacée. [C'est] l'héritage final, terrible et indélébile du 45e président des États-Unis. Sans aucun doute notre pire.
Dans la foulée d'un communiqué dans lequel il a critiqué le rôle du président Trump dans les événements de la journée, Mitt Romney, seul sénateur républicain à avoir voté en faveur de sa destitution, n'a pas mâché ses mots, dénonçant une insurrection
provoquée par un homme égoïste à l'orgueil blessé
.
Après avoir critiqué dans son communiqué ses collègues qui contestent les résultats, il leur a adressé un message, soulignant que l'audit qu'ils réclament ne convaincra pas les partisans pro-Trump persuadés à tort de sa victoire.
La meilleure façon de respecter les électeurs qui sont en colère est de leur dire la vérité. La vérité, c'est que Biden a gagné et Trump a perdu.
« Assez, c'est assez »
Fidèle allié du président Trump au cours des quatre années de son mandat, le sénateur Lindsey Graham qui, aux dires du secrétaire d'État de la Georgie, est même intervenu pour faire rejeter des voix exprimées en faveur du candidat démocrate, a tracé une ligne, évoquant les multiples recours judiciaires perdus par le camp Trump et ses alliés.
Ne comptez plus sur moi. Assez, c'est assez. [Joe Biden] est le président légitime des États-Unis. Joe Biden et Kamala Harris ont été élus de façon légale.
L'un des initiateurs de la fronde républicaine, le sénateur John Hawley, a condamné les violences de la journée, mais a persisté dans sa démarche. Nous avons besoin d'enquêter sur les irrégularités, sur la fraude,
a-t-il dit. Ceci est la place où ces objections doivent être entendues, débattues et réglées.
D'autres représentants et sénateurs républicains qui avaient annoncé leur intention de s'opposer à la validation de certains résultats, dont Kelly Loeffler et James Lankford, ont cependant indiqué un changement de cap à la lumière de l'irruption des émeutiers.
Le débat à la Chambre des représentants s'est terminé à 23 h 15, environ 45 minutes après celui du Sénat, avec le même dénouement : un total de 303 représentants se sont opposés à la contestation des résultats de l'Arizona, et 121 républicains l'ont approuvée.
Contrôlée par les démocrates, la Chambre a adopté dans la foulée de la pandémie des mesures plus strictes qui allongent le processus des votes, et ses élus sont de surcroît plus nombreux.
L'Arizona est seulement le troisième État sur lequel les élus des deux Chambres devaient se prononcer, mais le tout premier à faire l'objet d'une contestation de la part d'élus républicains.
On savait que la contestation des résultats électoraux par plusieurs dizaines de républicains, dont au moins 13 sénateurs, retarderait la procédure amorcée à 13 h (HNE) et rendrait son déroulement mouvementé. Mais l'irruption de partisans de Donald Trump dans le Capitole a carrément semé le chaos dans ce processus, ce qui a mené à la suspension de la séance et à l'évacuation des élus.
Après le débat sur les résultats en Arizona, la Chambre des représentants et le Sénat ont rejeté dans la nuit de mercredi à jeudi une contestation des résultats de l'élection présidentielle en Pennsylvanie.
De plus, le vice-président Mike Pence a rejeté une contestation des résultats électoraux du Nevada, présenté par le représentant Mo Brooks, car elle n'a pas reçu l'appui d'un seul sénateur.
Les tentatives républicaines de contester les résultats de la présidentielle au Michigan et en Georgie ont également échoué.
Avertissement de Trump à Pence

Donald Trump s'adressant à ses partisans mercredi à Washington
Photo : Reuters / JIM BOURG
Au cours des derniers jours, le président Trump a multiplié les pressions sur son numéro deux pour qu'il bloque la victoire de Joe Biden, mais de l'avis des experts, la Constitution et la loi électorale ne lui confèrent pas cette autorité.
Mike Pence l'a d'ailleurs lui-même souligné dans une lettre transmise plus tôt aux élus.
Le serment que j'ai prêté pour soutenir et défendre la Constitution m'empêche de revendiquer le pouvoir unilatéral de déterminer quels votes électoraux doivent être comptés et lesquels ne doivent pas l'être. Mon rôle en tant que président est largement cérémonial
, a-t-il écrit, ajoutant toutefois que les élus avaient le droit de contester les résultats.
Celui qui a fidèlement servi Donald Trump pendant quatre ans s'est attiré une rebuffade de son patron sur Twitter.
Mike Pence n'a pas eu le courage de faire ce qui aurait dû être fait pour protéger notre pays et notre Constitution en donnant aux États une chance de certifier un ensemble de faits vérifiés, et non les faits frauduleux ou inexacts qu'on leur demandait de certifier auparavant.
La situation est délicate, voire périlleuse pour M. Pence, candidat potentiel à l'investiture républicaine de 2024, qui ne veut pas se mettre à dos les fervents partisans de Donald Trump, considérés comme essentiels à une victoire.
Peu avant le début de la séance, Donald Trump s'était adressé à ses partisans, servant un avertissement à son numéro deux.
Mike Pence, j'espère que vous allez vous battre pour le bien de notre Constitution et de notre pays. Et si ce n'est pas le cas, vous allez me décevoir. Je vous le dis tout de suite, je n'entends pas de bonnes choses
, avait-il lancé, signalant qu'il ne concéderait « jamais » la victoire.
Selon des sources du site Axios, l'annonce officielle de la victoire de Joe Biden par Mike Pence constituerait, aux yeux de Donald Trump, l’acte de trahison suprême
.
Si l'attitude adoptée par Mike Pence peut avoir des conséquences sur ses ambitions présidentielles, il en va de même pour d'autres républicains, notamment ceux qui contestent la validité de l'élection présidentielle dans certains États clés.
C'est le cas d'autres candidats potentiels à la présidence, comme les sénateurs Ted Cruz et Josh Hawley, qui, selon plusieurs commentateurs, agissent comme ils le font pour rester dans les bonnes grâces de la base électorale du président Trump.
C'est d'autant plus notable pour le sénateur Cruz, candidat malheureux à l'investiture républicaine de 2015-2016 et qui, lors de la convention républicaine, avait appelé les militants à voter selon [leur] conscience
plutôt que se rallier à celui qui l'avait vaincu.
Un processus vite interrompu
Avant l'intrusion des partisans pro-Trump, il était déjà prévu que le processus s'étire pendant plusieurs heures en raison de la dissidence au sein du camp républicain. De l'avis des experts, la confirmation de la victoire de Joe Biden laisse cependant peu de doute.
La session avait d'abord été interrompue après une dizaine de minutes. Comme prévu, il n'a fallu attendre qu'au troisième État, l'Arizona, pour que des objections soient exprimées.
Les résultats certifiés doivent être comptabilisés un État après l'autre. Ils doivent être présentés par ordre alphabétique des États à des élus du Sénat et de la Chambre des représentants issus des deux partis, qui doivent les lire à voix haute et les comptabiliser.
D'habitude, chaque objection, si elle est présentée par écrit et soutenue par au moins un élu de chaque Chambre, doit être suivie d'un débat de deux heures dans chacune des deux Chambres.
Pendant le débat sur l'Arizona, le leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, qui a été relégué à la minorité dans la foulée des élections sénatoriales de la Georgie de la veille, a exprimé son opposition à la démarche, parlant du vote le plus important
en 36 ans de carrière.
Les électeurs, les tribunaux et les États se sont tous exprimés – ils se sont tous exprimés. Si nous infirmons leur décision, cela endommagerait pour toujours notre république.
Le président Trump affirme que l'élection a été volée. Les affirmations vont d'allégations [d'irrégularités électorales] locales [...] à de vastes théories de conspiration, a-t-il déclaré. Les tribunaux ont rejeté ces affirmations à maintes reprises
, a-t-il dit, mettant en garde contre une spirale de la mort
de la démocratie américaine.
Lui-même avait été critiqué pour sa reconnaissance très tardive de la victoire de Joe Biden.
À l'origine de la contestation des résultats de l'Arizona, Ted Cruz avait pour sa part appelé les élus à étudier les faits de façon objective.
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- Sophie-Hélène Lebeuf