Le couvre-feu a-t-il prouvé son efficacité en France?

Écoutez le topo de Alexie André Belisle.
Photo : Associated Press / Thibault Camus
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les habitants de certaines villes françaises vivent sous un couvre-feu nocturne depuis la mi-octobre. À la mi-décembre, cette mesure, généralement associée au temps de guerre, a été imposée à l’ensemble des Français.
Suffisamment de semaines se sont écoulées pour permettre d'évaluer l’efficacité de la mesure et de tirer quelques conclusions. Mais attention, ces leçons ne s’appliquent pas nécessairement au Québec. La plupart des commerces français ont rouvert leurs portes et il n’y a pas de restriction sur les visites au domicile d’amis ou de proches.
1. Le couvre-feu a freiné la propagation du virus
Les autorités françaises de santé publique l’ont observé dès novembre. Les premiers couvre-feux, imposés dans quelques grandes villes, dont Paris, ont contribué à ralentir la circulation du virus.
Santé publique France notait alors une diminution franche de tous les indicateurs, plus marquée dans les premières métropoles mises sous couvre-feu
.
Le couvre-feu sévère imposé en Guyane française l’été dernier a aussi fait ses preuves. Le ministre français de la Santé, Olivier Véran, lui attribuait même une cassure dans la courbe épidémique
.
À cela, il faut ajouter quelques nuances. D’abord, le couvre-feu a été instauré au début des vacances scolaires dans une partie du pays, qui ont aussi entraîné une diminution des contacts.
Ensuite, le couvre-feu a forcé, de facto, l'avancement de l'heure de fermeture de lieux où beaucoup de contaminations étaient enregistrées, comme les bars et restaurants. Difficile, soulignent les experts, de départager les effets de chaque mesure.
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2. Cependant, le couvre-feu oblige à modifier ses habitudes
C’est l’effet automatique du couvre-feu : il faut rentrer plus rapidement à la maison, sous peine d’amende. À Paris, c’est avant 20 h. À Nice, où le virus circule davantage, c’est avant 18 h.
L’interdiction de circuler en soirée impose une fermeture précoce des commerces, mais aussi des bars et des restaurants qui pratiquent toujours la vente à emporter (seules les livraisons demeurent permises).
Cette interdiction complique aussi l’organisation de 5 à 7 ou de repas en soirée chez les amis ou les proches. Autant de moments où le virus circule plus facilement.
Vous rentrez chez vous, il y a beaucoup moins de contacts
, rappelait le docteur Mirdad Kazanji de l’Institut Pasteur de la Guyane à Franceinfo. C’est une sorte de confinement allégé
qui permet à l’économie de fonctionner davantage.
Autrement dit, avec le couvre-feu, c’est vraiment métro-boulot-dodo
.
3. Une efficacité (en partie) liée aux contrôles policiers
Les experts estiment aussi que le couvre-feu produit un effet de résonance
dans la population. Qu’il rappelle l’importance d’être prudent en ces temps de pandémie, donc de limiter les contacts.
De manière anecdotique, les Français semblent bien avoir compris le message. Les rues des villes françaises où j’ai pu séjourner depuis un mois ont rapidement été désertées en soirée.
Cela, bien sûr, fait gronder commerçants et coiffeurs, notamment, qui ont dû ajuster leurs heures d’ouverture. Même chose pour les travailleurs, s’il leur est difficile de justifier leur présence dans les rues passé le couvre-feu.
Les contrôles policiers semblent peu fréquents, sauf à des moments importants (le 31 décembre, par exemple) ou à des endroits stratégiques (là où les gens se rassemblent d’ordinaire).
La menace d’une amende salée (environ 210 dollars canadiens) en incite sûrement plusieurs à presser le pas et à rentrer avant l’heure fatidique. Et puis, il faut bien l’avouer, il y a si peu de raisons de rester dehors lorsqu’il fait noir, froid, et que tout est fermé autour...