La pandémie qui modifie le Noël de nos grands-mères

Les maisonnées seront moins animées et festives pour cette période des fêtes.
Photo : Radio-Canada / Claude Bouchard
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Sa maison a connu tous les Noëls depuis 1898. Des générations d’enfants, de cousins, d’oncles et d’amis se sont réunies chez Rachel Fortin au fil du temps. Cette année, en raison de la pandémie de COVID-19, la dame de 78 ans ne pourra pas tenir de grand rassemblement dans sa demeure.
Rachel Fortin habite la plus vieille maison de Desbiens qui est toujours debout au Lac-Saint-Jean.

Rachel Fortin avait l'habitude de recevoir ses quatre enfants et ses petits-enfants le 25 décembre.
Photo : Radio-Canada
Cette résidence contient toute l’histoire de sa famille.
Quand mes grands-parents sont décédés, on a décidé de l'acheter, c'est une promesse que j'avais faite à ma grand-mère. On l'habite depuis 39 ans,
se souvient Rachel Fortin.

La maison de Rachel Fortin à Desbiens.
Photo : Radio-Canada / Claude Bouchard
Si les murs de sa résidence pouvaient parler, ils raconteraient tous les Noëls vécus en famille depuis la colonisation de Desbiens.
À Noël, la maison se remplissait. C’était les frères du grand-père, il y avait ses sœurs qui venaient, des neveux, des nièces.
Cette tradition, elle l’a poursuivie avec ses quatre enfants et ses petits-enfants.
Normalement, le temps des fêtes est le moment pour rassembler son clan sous son toit.
La visite, dont l’un de ses fils qui habite à Montréal, arrive normalement autour du 21 ou 22 décembre.
C'est la fête hein ? Les petits-enfants, c'est les cadeaux, la musique, les chants de Noël, les gâteries de grand-maman
, lance la Desbienoise dans un éclat de rire.

Les décorations installées par Rachel Fortin égaient le temps des fêtes.
Photo : Radio-Canada / Claude Bouchard
L’an dernier, ses enfants devenus grands en ont profité pour aller jouer au hockey.
On revient au village pour les vacances des Fêtes. Il y a la patinoire municipale, mentionne le troisième fils de Rachel, Maxime Fortin. L’an passé, regardez, on est allés tous les frères avec ma sœur, on est allés avec les enfants, les bâtons de hockey, on séparait les équipes.
Noël, bien plus qu’une fête religieuse
Professeur en socioanthropologie à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Jacques Cherblanc, affirme que des manifestations de grandes fêtes de fin d’année existaient déjà dans l’antiquité.
Les saturnales se terminaient autour du 24 décembre et marquaient la fin de la diminution de la lumière et on se dirigeait vers la réaugmentation de la durée des journées
, affirme le directeur du Laboratoire d’expertise et de recherche en anthropologie rituelle et symbolique.

Jacques Cherblanc explique que les personnes pour qui Noël est important vont trouver des façons de le célébrer différemment.
Photo : Radio-Canada / Jonathan Lamothe
Selon lui, il ne s’agit pas que d’une fête religieuse.
On a besoin, je pense, avec Noël de se recentrer. De retourner au centre. Qu’est-ce que c’est le centre, qu’est-ce qui nous fonde individuellement? C’est notre famille, là d’où on vient
, soutient-il.
La nouvelle église, c'est la famille, le nouveau temple, c'est la maison.
C’est pour cela que les mesures sanitaires actuelles suscitent autant de réactions, selon lui.
Il ajoute du même souffle que le Noël 2020 sera celui de la créativité et qu’il pourrait donner naissance à de nouvelles traditions.
Cette année, ce grand mouvement de retour des enfants dans les petites communautés ne pourra pas se produire en raison de la pandémie de COVID-19.
La maison de Rachel ne connaîtra donc pas ses grandes tablées habituelles. Elle se pliera aux consignes avec un petit serrement au cœur.
Si tout le monde suivait les consignes, ça ne serait pas étendu comme c'est là.
La boîte de Rachel
Rachel Fortin a toutefois décidé de cuisiner son repas traditionnel comme chaque année.
Depuis la semaine dernière, j'ai fait des pâtés à la viande, j'ai fait des beignes, j'ai fait des cretons, j'ai fait des confitures de canneberges pour manger avec la dinde. La semaine prochaine, c'est toutes les gâteries. Les bonbons, les sucres à la crème, du fudge
, énumère Mme Fortin.

La préparation du menu de Noël est bien amorcée chez Rachel Fortin.
Photo : Radio-Canada / Yves Bergeron
Au cours de la dernière semaine, elle a appris avec bonheur qu’elle pourrait se joindre à une autre bulle familiale pour célébrer
Elle se rendra chez son fils Maxime, sa conjointe et sa petite-fille.
Ses autres enfants auront aussi droit à leur souper de Noël.
Je leur mets ça dans des boîtes, ça va être leur cadeau de Noël pour cette année. Ils vont venir chercher leurs boîtes sur la galerie.
La pandémie peut bien empêcher les grands rassemblements dans la demeure de Rachel, elle n’empêchera pas la dame de cuisiner pour sa maisonnée.