La saison de construction prolongée exacerbe la demande de bois d’œuvre
Le temps doux des dernières semaines a permis de prolonger la saison de construction, ce qui exacerbe la demande de bois d'œuvre, déjà en forte hausse durant la pandémie.
Photo : CBC/Evan Mitsui
Les producteurs canadiens de bois d'œuvre et de bois traité peinent toujours à subvenir à la demande à l’approche de l’hiver, une période normalement plus tranquille.
Selon Joel Neuheimer, de l’Association des produits forestiers du Canada, le temps doux des dernières semaines a permis de prolonger la saison de la construction. Au Canada et aux États-Unis, il ne faisait pas froid et nous n’avons pas encore eu beaucoup de neige
, dit-il.
Les mises en chantier et les projets de rénovation ont aussi battu des records ces derniers mois, ce qui a contribué à une flambée importante des prix des produits de bois.
Les prix ont plus que doublé par rapport à la normale, donc ça montre que la demande est beaucoup plus élevée que prévu.
Les gens retravaillent leur confort. Avec le télétravail, les gens passent maintenant beaucoup de temps à la maison, alors c’est un phénomène qui contribue aussi à la demande
, affirme Louis Bouchard, porte-parole chez Produits forestiers Résolu.
Il y a également des pénuries de matériaux, souligne le directeur des affaires publiques, puisque les projets de construction et de rénovation ont entraîné une ruée vers les quincailleries.
La piqûre des rénovations
Mohamad Amin et Christian Dugas-Ruest prévoyaient simplement, au départ, de repeindre leur maison.
Mais ce plan initial s’est finalement transformé en nombreux projets de rénovation, y compris la construction d’une bibliothèque murale dans leur salon, l’installation de moulures couronnées et l’approfondissement des fondations au sous-sol.
On avait toujours en tête de faire ces projets-ci. Je pense que la pandémie, ça a juste tout accéléré.
Ça fait neuf mois qu'on est à la maison, on ne peut pas aller nulle part, donc ça vaut le coup
, affirme-t-il.
Le couple torontois n’est certainement pas seul à avoir ce réflexe. Juste en marchant dans le quartier, chaque année, on voit plusieurs maisons qui se font rénover mais il y en a beaucoup plus cette année
, affirme-t-il.
Le couple prévoit aussi d'agrandir le deuxième étage de la maison, mais la hausse du coût des matériaux cet automne pousse les propriétaires à reconsidérer leur échéancier.
C'est un peu cher, mais je pense qu'il y a beaucoup de familles qui trouvent que c'est quand même avantageux de faire ça tout de suite
, affirme Mohamad Amin.
L’ingénieur travaille chez un promoteur immobilier qui construit des immeubles en copropriété. Cette année a été plus occupée que jamais pour nous
, dit-il.
En effet, la cadence des mises en chantier d’habitations a augmenté de 14,4 % pour s’établir à 246 044 logements le mois dernier, par rapport à 215 134 en octobre, selon les données annualisées et désaisonnalisées de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
Il s’agit en grande partie de logements collectifs en milieu urbain, qui ont vu les mises en chantier grimper de 22,5 % au cours de la même période. Selon l’agence nationale du logement, cette forte hausse s’explique notamment par de nouveaux projets immobiliers à Vancouver et à Montréal.
L'activité de construction résidentielle a regagné les sommets de l'été en novembre, dépassant les attentes du marché, affirme Sri Thanabalasingam, économiste à la Banque TD. Cette force était due à un rebond des mises en chantier multifamiliales, qui étaient en train de se stabiliser entre septembre et décembre.
Les États-Unis, le principal client du bois d'œuvre canadien, ont aussi enregistré une hausse des constructions résidentielles, souligne l’économiste.
Par conséquent, le prix du bois d'œuvre a repris de sa vigueur, après ce léger déclin.
Du jamais vu
Malgré la lenteur de l’industrie en début d’année, les producteurs de bois d'œuvre ont su tirer leur épingle du jeu durant la pandémie.
La hausse des prix du bois ces derniers mois est certainement la bienvenue vu le printemps difficile que nous avons eu avec la réduction de nos activités et les différends commerciaux avec les États-Unis
, affirme Éric Buteau, gérant chez Lecours Lumber, dans la région de Hearst, dans le Nord de l’Ontario.
M. Neuheimer de l’Association des produits forestiers du Canada affirme que c’est du jamais vu
dans le marché nord-américain du bois d'œuvre. Il ajoute que de nombreux producteurs ont prolongé les quarts de travail de leurs ouvriers et que certaines usines fonctionnent pratiquement 24 heures sur 24.
Augmenter l’offre n’est pas simple. C’est quelque chose qui peut s’opérer sur plusieurs mois, voire quelques années.
De son côté, l’entreprise québécoise Produits forestiers Résolu dit être pratiquement à pleine capacité
, limitée principalement par sa main-d'œuvre et les garanties d’approvisionnement qui encadrent le volume de bois pouvant être transformé dans ses usines.
Les consommateurs continueront-ils à s’arracher des palettes de 2x4, du bois traité et du contreplaqué dans les allées des quincailleries en 2021? Tout dépendra des habitudes qu’ils retiendront après la crise, si le télétravail continue à régner, estime M. Bouchard.
Ça va être intéressant de voir ce qui va demeurer de ça. Est-ce qu'il va y avoir un besoin pour les familles d'agrandir leur espace de vie, de passer peut-être du logement locatif ou du condominium à la maison unifamiliale?
, lance-t-il.
On verra ce qui se passera au cours des prochains mois et des prochaines années et comment ça va impacter notre industrie.