Les leçons à tirer des éclosions de COVID-19 dans les écoles montréalaises
Même si 85 % des quelque 676 établissements éducatifs que compte Montréal ont été touchés par la COVID-19, et que des rumeurs de fermeture circulent, la situation est « assez contrôlée » selon la santé publique.

Le nombre d'éclosions dans les écoles de Montréal a augmenté de 25 % en un mois.
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une étude interne, dont Radio-Canada a obtenu copie, souligne que la majorité des cas ne mène pas à des éclosions et que 73 % des 237 éclosions recensées en milieu scolaire entre le 10 septembre et le 26 novembre comptaient moins de six cas.
Les cas de COVID-19 sont en hausse dans les écoles montréalaises depuis un mois (le nombre d’éclosions est passé de 73 à 91), comme c’est le cas ailleurs dans la région.
Malgré tout, la Dre Judith Archambault, médecin-conseil à la Direction de santé publique de Montréal, et auteure de l’étude, se fait rassurante.
La situation dans les écoles reflète ce qui se passe dans la communauté. La transmission y est quand même assez contrôlée et assez limitée, étant donné que les écoles sont des lieux de contacts. Rappelons que ces contacts permettent aux jeunes de se développer et de limiter les impacts collatéraux de la pandémie
, dit-elle.
Voici les principaux enseignements que l’on peut tirer de cette étude.
Leçon 1 - Peu d’écoles épargnées
Parmi les quelque 676 établissements éducatifs que compte Montréal, seuls 103 ont été épargnés par la COVID durant la période d'étude, soit environ 15 %. Quand la COVID-19 s’est invitée, il s’agissait dans la majorité des cas (53 %) de cas isolés, sans éclosion.
Une éclosion est comptabilisée quand au moins deux élèves d’une même école (qui ne sont pas de la même famille) attrapent la COVID-19 dans un intervalle de 14 jours. C’est arrivé à 29 % des établissements éducatifs montréalais entre le 10 septembre et le 26 novembre.
Il n’y a plus autant d’inquiétude qu’à la rentrée, mais le système est sous tension depuis plusieurs mois. Les enseignants sont fatigués, les listes de suppléance sont vides, les directeurs peuvent recevoir des avis de cas positifs à 21 h et devoir alors avertir tous les parents. On ne peut pas demander davantage.
Leçon 2- Les classes-bulles, ça marche
Quand une éclosion se développe à l’école, elle est généralement de petite envergure : 71 % des 237 éclosions déclarées à Montréal impliquaient moins de six personnes (36 % avaient seulement deux cas positifs).
Olivier Drouin, père de deux adolescentes et fondateur du portail CovidEcolesQuebec.org, se demande si ces données reflètent la réalité, puisque la santé publique peine à tester les enfants symptomatiques et n’a aucune stratégie pour tester les enfants asymptomatiques
, dit-il en se référant aux quelques 300 courriels d’alertes de parents qu’il reçoit chaque jour.
Depuis septembre, 3840 élèves montréalais sont en isolement chaque semaine (un cas s’étant déclaré dans leur classe) en moyenne. Mais cela représente moins de 1,5 % de la population scolaire, souligne l’étude de la santé publique.

Une affiche dans le couloir rappelant l'importance de la distanciation physique
Photo : Radio-Canada / Thalia D'aragon-Giguère
Selon Olivier Drouin, le nombre de classes fermées chaque jour est un mauvais indicateur de la réalité, compte tenu des lacunes dans le dépistage. Il cite en exemple le cas d’écoles ontariennes qui, après un projet pilote de tests massifs, ont dû fermer après que plusieurs dizaines de cas positifs eurent été découverts chez des élèves et du personnel pourtant sans symptômes.
M. Drouin suggère au gouvernement Legault de lancer des dépistages similaires dans les écoles du Québec afin de limiter la propagation communautaire. Un projet pilote de tests salivaires a d’ailleurs été lancé cette semaine auprès de 200 élèves de trois écoles à Laval.
Leçon 3- Le personnel est à l'origine des grosses éclosions
Entre le 10 septembre et le 26 novembre, il y a eu 35 éclosions importantes (plus de 10 cas positifs) dans les écoles de l’île. Dans 43 % de ces éclosions, un membre du personnel en était l’origine, malgré le port d’équipement individuel (masque et protection oculaire).
Difficile par contre de tirer des conclusions, chaque cas étant spécifique
, souligne la Dre Archambault, qui évoque par exemple des contacts prolongés à moins de deux mètres dans la salle des profs, la présence au travail malgré des symptômes, ou le masque porté de manière inadéquate.
Pour ce qui est de la ventilation, elle souligne que ce n’est pas l’un des principaux critères étudiés dans les éclosions, même si elle précise que les connaissances scientifiques évoluent constamment.
Les scientifiques semblent divisés sur la question. En entrevue à l’émission Midi info, jeudi, la scientifique en chef du Canada Mona Nemer a indiqué qu’il serait intéressant de voir s’il y a corrélation entre éclosions et présence ou non de systèmes mécaniques de ventilation
.

Les écoles anglophones de la Commission scolaire Lester B. Pearson ont emprunté une voie différente et acheté de nombreux purificateurs d'air portatifs.
Photo : Radio-Canada
Tout comme le mouvement Je protège mon école publique, elle croit en outre à l’utilité des purificateurs d’air portables pour les classes avec des difficultés de ventilation. Des études sur la qualité de l’air sont actuellement en cours dans plusieurs écoles publiques et l’une d’elles testera un système de purificateur d'air.
Les classes, c’est beaucoup trop grand pour qu’un appareil ou deux appareils puissent faire la différence. Et ça peut nuire aussi, si ce n’est pas installé parfaitement ou pas bien entretenu.
Mme Bourdages souligne, de son côté, que certains parents dont l’enfant a été déclaré positif dont la famille se trouve avec un cas positif n’en informent pas l’école, parce qu’il n’avait pas de symptômes ou parce qu’ils devaient absolument aller travailler. Ça prend plus de transparence de la part des parents et de compréhension de la part des employeurs
, dit-elle.
Leçon 4 - Écoles communautaires plus touchées
Les éclosions de plus de 10 cas touchent en majorité (43 %) les écoles regroupant à la fois le primaire et le secondaire. Ce sont souvent des écoles liées à des communautés spécifiques, indique l’étude sans vouloir pointer du doigt lesquelles.

L'école privée Herzliah High School donnera en ligne son enseignement dans les deux semaines à venir.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Ces écoles sont souvent fréquentées par des familles nombreuses (isolement difficile à la maison en cas de maladie) qui drainent des élèves venant souvent de loin et qui utilisent donc plus fréquemment le covoiturage ou les autobus pour s’y rendre, note l’étude. Deux de ces écoles ont enregistré plus de 60 cas.
Leçon 5 - La distanciation et ses limites
Étudier à distance permet d’éviter la COVID-19, confirment les statistiques. Ainsi, les étudiants au collégial et à l’université ne représentent que 10 % des 4570 cas de COVID-19 recensés dans les établissements d’enseignement de l’île, entre le 10 septembre et le 26 novembre.
Pourtant, ces jeunes totalisent plus de la moitié des quelque 600 000 jeunes que compte le réseau d’enseignement montréalais. Début novembre, le passage des classes de secondaire 3 à l’enseignement hybride (maison/école) a permis de stabiliser le nombre de cas positifs au niveau secondaire, alors qu’en parallèle une tendance à la hausse était observée au primaire.

Des élèves dans une classe sans ventilation mécanique.
Photo : Radio-Canada
Mais, la distanciation a ses limites, car certains élèves du secondaire se voient en dehors de l’école sur une base régulière
, note l’étude.
Avec les cours en ligne qui seront étendus aux élèves de secondaire 1 et 2 pour la première semaine de la rentrée, les retards risquent encore de s’accumuler, craint Hélène Bourdages, qui souligne que la rentrée 2021-2022 se fera vraisemblablement encore en mode hybride, puisque les enfants n’auront probablement pas été tous vaccinés d’ici septembre.
Aucun test de candidat vaccin n’a encore été réalisé chez les moins de 12 ans et très peu chez les adolescents.