Quoi faire pour avoir plus de produits de la mer dans nos assiettes?

Manger notre Saint-Laurent propose des solutions pour rendre les produire de la mer plus accessibles (archives).
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Depuis 2018, le collectif Manger notre Saint-Laurent cherche à comprendre pourquoi les poissons et fruits de mer du Québec ne se retrouvent pas davantage dans nos assiettes. Jeudi, lors d’une conférence qui prenait place dans le restaurant de la cheffe Colombe St-Pierre, le chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) François L’Italien a présenté des propositions qui favorisent davantage notre capacité collective à rendre accessibles les produits de la mer.
Les chaînes d’approvisionnement ont été ébranlées dans les premières semaines de la pandémie et elle a ainsi révélé la dépendance de la société québécoise, entre autres, aux exportations.
Par la suite, des initiatives vers la production et l’achat local se sont multipliées. L’agriculture de proximité connaît d'ailleurs un engouement sans précédent. Or, le collectif Manger notre Saint-Laurent souligne que rien n’a été fait du côté de l’industrie des pêches, ce qui a motivé l’équipe à publier un ouvrage intitulé L'économie des pêches au Québec.

L'ouvrage est disponible gratuitement sur le web.
Photo : Capture d'écran de l'ouvrage
Avec cette deuxième phase de recherche, qui aborde des aspects plus structurels en proposant des ajustements des politiques publiques, le collectif amorce de sérieuses discussions avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et les acteurs du milieu, notamment.
Le collectif veut d’abord créer une équipe d’accompagnement et d’intervention pour des promoteurs de projets qui souhaitent favoriser la commercialisation et l’accessibilité aux produits de la mer.
On a déjà proposé une initiative similaire en partenariat avec l’UPA du Bas-Saint-Laurent qui s’appelle AGROFAR. On veut se donner des mécanismes de plus pour faire accélérer les projets actuels
, explique le chercheur à l’IREC, François L’Italien.
À l’aide de la stratégie maritime du Québec, une politique publique du gouvernement québécois, le collectif souhaite encourager le développement d’infrastructures pour acheminer les projets de la mer de l’est du Québec vers l’ouest, où sont situés les grands centres du Québec.

Les conférenciers François L'Italien et Colombe St-Pierre ainsi que l'animateur et chercheur Dany Dumont
Photo : Capture d'écran de la conférence de Manger notre Saint-Laurent
Manger notre Saint-Laurent vise à développer des systèmes intégrés de traçabilité et d’identification des produits de la mer. Déjà, des initiatives vont dans ce sens-là au Québec
, souligne M. L’Italien. Il s’agit ici de leur donner davantage de rayonnement.
Par exemple, un seul label ou encore une pluralité de labels régionaux ou territoriaux pourraient s’imposer. Le chercheur est d’avis que les Québécois sont de plus en plus avares de produits dont on connaît l’origine.
Finalement, les chercheurs proposent de faciliter le maillage entre les pêcheurs-transformateurs et les consommateurs en ouvrant un nouveau front de distribution sur le marché intérieur.
Ils soutiennent que les réseaux de distribution habituels exigent des quotas trop faramineux pour que les pêcheurs puissent y avoir accès.
Il y a des pêcheurs-transformateurs qui souhaiteraient qu’il y ait davantage de produits de la mer distribués au Québec, mais qui trouvent ça trop compliqué
, mentionne le conférencier.

François L'Italien est chercheur à l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Photo : Capture d'écran de la conférence de Manger notre Saint-Laurent
Le chercheur François L’Italien s’attend par ailleurs à une réponse gouvernementale à la hauteur des enjeux actuels.
L’État est un acteur incontournable [...]. Ça ne se fera pas juste avec la bonne volonté des pêcheurs. C’est à l’État québécois de faire son travail et de jouer son rôle de visionnaire.
Changer nos habitudes de consommation
Un changement dans les habitudes de consommation des Québécois doit s’imposer pour que les produits de la mer d'ici se retrouvent davantage dans l’assiette des consommateurs.
La cheffe Colombe St-Pierre, aussi invitée lors de cette conférence publique, est de cet avis.

La cheffe Colombe St-Pierre fait partie du collectif Manger notre Saint-Laurent.
Photo : Caputre d'écran de la conférence du collectif Manger notre Saint-Laurent
Si on veut tendre vers l’autonomie et redonner aux communautés de pêcheurs la place qui leur revient, tu ne vas plus à l’épicerie comme tu y allais avant
, martèle la cheffe.
S’il n’y a pas ce que tu exiges à l’épicerie, tu te prives ou te le fais savoir. Ça, c’est une attitude de consommateur qu’il va falloir retrouver et considérer, même si on nous propose des Walmart et des Costco ainsi que des produits du monde que l’on veut à tout moment.
Avoir accès aux produits des quatre coins du monde, peu importe le moment de l'année, a des impacts sur notre culture, sur notre société
, argue-t-elle.
Ce changement de mentalité s’avère nécessaire pour Français L’Italien, qui rappelle que les Québécois voient encore les ressources du territoire comme une commodité.
C’est ce qu’on appelle l’extractivisme. C’est un paradigme économique selon lequel il existe une ressource quelque part, on veut l’extraire, l’emballer et l’exporter au moindre coût possible en faisant complètement abstraction de ce que ça signifie pour les communautés locales.
Pour lui, les pêches sont révélatrices du rapport de la société à l’économie et de cette dépossession vis-à-vis des ressources. Avec cet ouvrage, c’est l’occasion de faire une brèche dans ce paradigme pour se réapproprier l’ensemble des segments de la production jusqu’à la consommation
, fait-il valoir.
Revitaliser les communautés côtières
Le collectif est d’avis que porter l’attention sur les pêcheries, c’est s’intéresser à la vitalité et à la pérennité des villages et communautés du grand Québec maritime. La pérennité des communautés de pêcheurs constitue l’enjeu principal qui a motivé le collectif Manger notre Saint-Laurent lors de la réalisation de l’ouvrage.
François L’Italien indique que, selon les statistiques, les communautés côtières dépérissent. D’un côté, les entreprises de pêche sont florissantes, et d’un autre côté, les communautés sont en dévitalisation
, affirme le chercheur.
Si on ne fait que se concentrer sur les activités des entreprises et qu’on délaisse le côté ''revitalisation des communautés'', on peut se retrouver dans une situation où on a des activités qui se mènent dans des zones d’extraction où plus personne n'habite
, explique-t-il.
La solution est donc simple pour M. L'Italien : Nous devons collectivement ajouter des chaînes de produits à valeur ajoutée, et tout le monde s’en sort gagnant.