Transferts fédéraux en santé : Trudeau déçoit les provinces

Après la rencontre des premiers ministres, Justin Trudeau a rencontré la presse avec le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, l'administratrice en chef de l'Agence de santé publique du Canada, Theresa Tam, et le major-général Dany Fortin, responsable de la distribution des vaccins.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
François Legault, qui préside le Conseil de la fédération, affirme que les premiers ministres des provinces sortent « déçus » de leur rencontre de jeudi avec Justin Trudeau, où ils ont réclamé du fédéral une augmentation substantielle des transferts en santé. Le principal intéressé, lui, évoque plutôt « une très bonne conversation ».
Il s'agissait d'une première en 16 ans : une réunion entre le premier ministre du Canada et ses homologues des provinces et territoires, exigée par ceux-ci dans le but de convaincre Ottawa d'augmenter ses transferts en santé d’au moins 65 % pour les faire passer de 42 milliards de dollars en 2020-2021 à 70 milliards en 2021-2022.
M. Legault, qui a tenu une conférence de presse en fin d’après-midi, a expliqué que, même si son homologue fédéral a fait preuve d’ouverture à long terme
lors de la réunion, il ne s'est pas engagé à hausser les transferts fédéraux à court terme
, car il jugeait la question prématurée
.
Justin Trudeau aurait tout au plus mentionné qu’il comptait offrir plus de ressources aux provinces afin d'améliorer les soins de longue durée pour les aînés et le régime d’assurance-médicaments – ce qu'a confirmé le principal intéressé lors de sa propre conférence de presse.
Or, François Legault s’oppose à toute condition rattachée à une hausse des transferts en santé. Le plus important, c’est de financer les programmes déjà existants
, soutient-il.
Toujours selon M. Legault, le premier ministre Trudeau a également refusé de participer au début de 2021 à une autre réunion sur le sujet. Il sort donc déçu
de la rencontre, qu'il a qualifiée de rendez-vous manqué
, et affirme que son homologue ontarien Doug Ford est lui aussi très choqué
de la situation.
François Legault prévoit maintenant entrer en contact avec les partis d’opposition à Ottawa pour obtenir un engagement de leur part. Il dit avoir bon espoir de convaincre les candidats aux prochaines élections fédérales de s'engager à augmenter le financement en santé.
En tant que président du Conseil de la fédération, le premier ministre du Québec dit être à la tête d’un front commun uni
et solide
.
« On va se battre jusqu’au bout. »
Si certains de ses homologues ont offert un compte rendu similaire, d'autres ont apporté quelques nuances, jeudi, et ont laissé apparaître une brèche dans le front commun vanté par M. Legault. La Nouvelle-Écosse, par exemple, serait prête à voir l'argent fédéral assorti de conditions, a admis Stephen McNeil en point de presse.
Scott Moe, en Saskatchewan, a déclaré pour sa part que les premiers ministres des provinces et des territoires avaient été encouragés
de voir Justin Trudeau convenir de participer davantage aux dépenses en santé.
C'est que les enjeux qui important aux yeux du Québec et des autres provinces ne sont pas nécessairement les mêmes, explique Benoît Pelletier, professeur de droit constitutionnel à l'Université d'Ottawa.
Au Québec, évidemment, un des gros enjeux, politiquement parlant, c'est de ne pas accepter de se faire imposer de conditions par Ottawa
, a-t-il souligné à l'émission 24|60 jeudi soir.
Or il s'agit d'une réalité qui, selon lui, n'existe pas dans les autres provinces canadiennes. Même qu'au contraire, si on faisait un sondage dans tout le Canada, probablement qu'une majorité de Canadiens serait pour l'imposition de normes nationales dans le domaine de la santé additionnelles à celles qui existent déjà
, estime-t-il.
Une première étape
Le communiqué émis en soirée par le Conseil de la fédération fait écho à ces perceptions divergentes entre les provinces.
Les premiers ministres, peut-on lire, ont été déçus de constater que le gouvernement fédéral n'était pas disposé à prendre d’engagement à long terme en matière de financement des soins de santé
, mais ils étaient également satisfaits d'entendre le premier ministre Trudeau reconnaître [qu'il] devait en faire plus qu'actuellement
.
« Il s'agit donc d'une première étape; le travail devra se poursuivre afin de parvenir à une solution à long terme. »
Ottawa s'est déjà engagé cet été à transférer 19 milliards de dollars aux provinces pour les aider à faire face aux conséquences de la pandémie de COVID-19, dont quelque 10 milliards pour les dépenses liées à la santé.
François Legault déplore toutefois qu'il ne s'agisse pas de sommes récurrentes. Les deux tiers des dépenses en santé se rapportent aux salaires des travailleurs, a expliqué le premier ministre du Québec jeudi, et il est difficile de prévoir des embauches à long terme avec des versements ponctuels.
Qu'en diront les autres partis fédéraux?
À Ottawa, le Bloc québécois ne devrait pas être très difficile à convaincre de la nécessité de hausser les transferts fédéraux. Son chef Yves-François Blanchet a rapidement accusé le premier ministre Trudeau d’abandonner les travailleurs de la santé et des réseaux hospitaliers, jeudi.
Justin Trudeau a niaisé les premiers ministres en faisant semblant d’être ouvert à augmenter la part d’Ottawa alors que, dès le départ, il n’avait aucune intention de répondre à la demande des premiers ministres
, s’est-il plaint.
« Pour Justin Trudeau, ce n’est pas le moment de parler de financement de la santé! En pleine pandémie mondiale! Alors que des milliers de personnes sont hospitalisées, que des centaines meurent à tous les jours, si pas maintenant, quand? »
En fait, MM. Legault et Blanchet s'étaient déjà mis d'accord cet été sur l'importance de hausser les transferts fédéraux en santé.
Le chef du Parti conservateur, lui, s'engage à promettre aux provinces du financement en santé stable, prévisible et sans condition
. Pressé de questions sur le montant de ce financement, Erin O'Toole a répondu que, pour lui, ce n'est pas le montant
qui compte, mais bien l'approche
.