•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les mères porteuses, grandes absentes du projet de loi sur la procréation assistée

Une femme enceinte se tient le ventre.

Une femme enceinte se tient le ventre.

Photo : iStock

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le gouvernement Legault vient de tenir des consultations sur le projet de loi sur la procréation assistée, mais les mères porteuses demeurent absentes du cadre légal. Des couples demandent un encadrement de la gestation pour autrui plutôt que de devoir assouvir leur désir de parentalité dans la province voisine.

Le projet de loi 73, étudiée cette semaine en commission, prévoit notamment le retour de la couverture publique de la fécondation in vitro abolie en 2015 par le gouvernement de Philippe Couillard. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a établi dans le document plusieurs critères pour encadrer le programme.

La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) déboursera les frais pour les femmes de 18 à 41 ans détenant une carte d'assurance maladie. Ce changement vise donc les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes seules qui sont dans l'incapacité de se reproduire.

Fécondation in vitro.

Image 3D d'une fécondation in vitro.

Photo : iStock

Toutefois, une option demeure absente du document : la gestation pour autrui, l'une des seules options disponibles pour les couples d'hommes qui veulent un enfant tout en détenant un lien de filiation.

Cette omission a amené la Coalition des familles LGBT+ et le Conseil du statut de la femme à demander au gouvernement d'encadrer le recours à une mère porteuse, une revendication qui ne date pas d'hier.

C'est important que le gouvernement envoie un message aux hommes gais, à la communauté gaie, que c'est une autre façon de fonder nos familles, et c'est complètement valide et acceptable, lance Mona Greenbaum, directrice générale de la Coalition.

« Il y en a beaucoup qui vont aller en Ontario pour fonder leur famille, parce que là, les agences sont déjà en place. »

— Une citation de  Mona Greenbaum, directrice générale de la Coalition des familles LGBT+
Ricky Guy et Stéphane Simoutre avec leur nouveau-né.

Ricky Guy et Stéphane Simoutre avec leur nouveau-né.

Photo : Stéphane Simoutre

Stéphane Simoutre et son conjoint ont d'ailleurs recouru aux services d'une mère porteuse en Ontario. Il estime que le Québec doit aller de l'avant et ainsi éviter toute forme de discrimination.

C’est un petit peu bizarre qu’on soit au Canada, qu'en allant à côté, en allant à 2 h, à Ottawa, on puisse avoir accès à une mère porteuse et que ce soit encadré, alors qu’au Québec, non, déplore le père d'un bambin de quatre mois.

Si on avait eu le choix, on l’aurait fait au Québec, fait-il savoir.

Illégale ou pas?

Au Canada, la rémunération d'une mère porteuse est criminelle, mais la pratique est tout à fait légale. Selon un règlement entré en vigueur en juin dernier, certaines dépenses peuvent être payées par les futurs parents.

Mais au Québec, c'est le vide juridique, soulève Louise Langevin, professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval.

Dans certaines provinces, comme en Ontario, le contrat de préconception permet à la mère porteuse de céder ses droits aux deux parents à la naissance, alors qu'au Québec le contrat n'a aucune valeur et les parents risquent de se retrouver devant les tribunaux.

Une femme enceinte tient son ventre.

Une femme enceinte

Photo : Getty Images

Le Code civil dit que le contrat est nul, de nullité absolue, le contrat de préconception, mais ce n’est pas parce que c’est nul que les gens n'en font pas, explique Mme Langevin, qui vient tout juste de publier un livre sur l'autonomie procréative des femmes.

Elle précise que la mère biologique peut réclamer ses droits devant la justice après l'accouchement malgré la signature d'un contrat.

C'est cette insécurité qui a poussé Stéphane Simoutre à frapper à la porte de la province voisine. Ça manque d’encadrement, c’est un petit peu la loterie, parce qu’on peut tomber sur des personnes très bien. Il n’y a pas vraiment de contrôle, soulève-t-il.

« Ça génère beaucoup d’insécurité et puis on ne sait pas à quoi s’attendre, on ne sait pas si le jour de l'accouchement, ça crée des procédures judiciaires. »

— Une citation de  Stéphane Simoutre

Un couple d'amis a d'ailleurs eu toute une surprise après l'accouchement. La femme porteuse n’a pas voulu céder ses droits et a changé d’avis, raconte-t-il. Je ne sais pas ce que le Québec attend pour avancer aussi de ce côté-là.

Procréer de façon artisanale

Les couples infertiles, hétérosexuels ou homosexuels qui ne peuvent se permettre les coûts élevés de la procréation assistée le font dans la province, mais de façon artisanale.

Ce qui coûte cher, c’est la fécondation in vitro. Sur Facebook, il y a des groupes et il y a des couples qui cherchent des mères porteuses et qui veulent faire l'insémination à la maison artisanale, avec une seringue, explique la professeure titulaire Louise Langevin.

Selon elle, le ministre devrait préciser dans le projet de loi que les mères porteuses ne peuvent avoir accès à la couverture provinciale. Quand on lit le projet de loi, ce n’est pas écrit clairement, soulève-t-elle.

Stéphane Simoutre et sa petite famille.

Ricky Guy et Stéphane Simoutre ont eu recours aux services d'une mère porteuse pour fonder leur famille.

Photo : Stéphane Simoutre

Dans son mémoire déposé dans le cadre de la commission parlementaire, le Conseil du statut de la femme écrit que Québec passe sous silence la gestation pour autrui et réclame que la pratique soit balisée. Une mère porteuse pourrait se présenter comme une femme seule pour avoir accès aux services assurés, souligne-t-on.

Questionnée à ce sujet, l'attachée du ministre Lionel Carmant, Sarah Bigras, rappelle que le Code civil du Québec mentionne que toute convention de mère porteuse est frappée de nullité absolue.

Le programme ne peut pas permettre une pratique qui n’est pas reconnue par le droit québécois, ajoute-t-elle par courriel.

« Le Code civil du Québec ne prévoit actuellement aucune procédure dans l’établissement de la filiation de l’enfant né dans le cadre d’un projet de procréation ayant recours à la gestation pour autrui. »

— Une citation de  Sarah Bigras, attachée de presse du ministre Lionel Carmant
Le ministre Lionel Carmant, debout et derrière des micros, durant un point de presse.

Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

L'angle mort

Des séances de consultation ont eu lieu cette semaine concernant le projet de loi 73 visant à modifier différentes dispositions en matière de procréation assistée. La Coalition des familles LGBT+ a déposé un mémoire dans lequel elle recommande à Lionel Carmant d'encadrer la gestation pour autrui.

Quand j’ai discuté avec le ministre en privé, il m’a dit : ''Ce n'est pas qu’on ne veut pas le faire, mais c’est qu’on n’a pas encore eu l’encadrement légal, car on n’a pas encore eu la réforme du droit familial, rapporte la directrice générale.

Le cabinet du ministre de la Justice déclare que les travaux sur la réforme se poursuivent. La question de la gestation pour autrui fait effectivement partie de la réflexion, précise l'attachée de presse Élisabeth Gosselin.

En 2019, le gouvernement Legault a tenu des consultations sur le droit de la famille. Mais aucun échéancier n'a été divulgué quant au dépôt d'un projet de loi. Ça fait plus de cinq ans maintenant qu’on parle de cette réforme du droit familial et c’est toujours retardé, déplore Mona Greenbaum.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...