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L’Ontario mise sur la légalisation des casinos en ligne, le Québec passe son tour

La province deviendra la première au pays à légaliser les plateformes de jeu en ligne. Le Québec tient mordicus à son monopole.

Reflet d'une image de casino virtuel dans les lunettes d'un homme.

Des centaines de milliers d'Ontariens participent à des jeux de hasard en ligne qui ne sont pas légaux, selon les estimations du gouvernement.

Photo : getty images/istockphoto / Tero Vesalainen

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

L’Ontario se dirige vers la légalisation du jeu en ligne. Fini les zones grises qui permettent à des opérateurs basés à l’île de Man ou à Malte d’offrir des plateformes de jeu aux Ontariens dans la semi-légalité.

Le gouvernement de Doug Ford veut mettre de l’ordre dans le marché et récupérer une partie des revenus qui quittent le pays. Le Québec, de son côté, s’entête à maintenir le monopole de Loto-Québec, coûte que coûte.

Certes, l'Ontario n’a toujours pas d’échéancier, mais les fonctionnaires provinciaux planchent sur le projet. Le gouvernement Ford a dévoilé ses intentions dans son budget de 2019, puis a confirmé en novembre dernier qu’il confiait à la Commission des alcools et des jeux (CAJO) le soin de délivrer des permis.

Lorsque la structure sera en place, les opérateurs privés devront verser des redevances en échange d’un accès au marché ontarien.

« Il est temps de sortir l’Ontario de l’époque de la prohibition des jeux de hasard et de traiter les Ontariennes et Ontariens comme des adultes. »

— Une citation de  Extrait du budget 2019 de l’Ontario

Selon les estimations du ministère des Finances, les Ontariens dépensent annuellement quelque 500 millions de dollars dans les jeux de hasard en ligne.

La Société des loteries et des jeux (OLG), la seule entité autorisée à offrir officiellement ces jeux, ne récolte qu’une petite partie de cette somme avec PlayOLG, son propre casino en ligne. Les autres plateformes sont gérées par des sociétés incorporées à l’extérieur de l’Ontario, qui ne payent donc pas d’impôts dans la province.

Une capture d'écran du site de jeux en ligne PlayOLG.

La Société des loteries et des jeux de l'Ontario (OLG) est la seule entité officiellement autorisée à offrir des jeux en ligne aux Ontariens. Son portail PlayOLG est disponible depuis 2015.

Photo :  Capture d’écran - olg.ca

L’Ontario se prive de millions de dollars et veut remédier à la situation.

Il y a un souci de récupérer l’argent. Il y a des enjeux financiers. Et en ce moment, si on regarde le paysage du jeu en ligne, les sociétés ne sont pas capables d’aller chercher une grosse part du marché, explique Sylvia Kairouz, qui est à la tête du laboratoire de recherche sur les habitudes de vie et les dépendances de l’Université Concordia. 

« On n’ouvre pas un nouveau marché, le marché existe déjà et les gens qui jouent vont aller jouer sur tous ces sites-là. On n’augmente pas un marché. »

— Une citation de  Sylvia Kairouz, directrice du Laboratoire de recherche sur les habitudes de vie et les dépendances

Sylvia Kairouz était aussi membre du Groupe de travail sur le jeu en ligne, qui recommandait au gouvernement québécois, en 2014, d’ouvrir le marché du jeu en ligne aux opérateurs privés.

La meilleure solution pour contrôler le marché du jeu en ligne, protéger les consommateurs et générer des revenus à l’État, peut-on lire dans le rapport, qui a été tabletté par le gouvernement québécois. 

La chercheuse Sylvia Kairouz tient des cartes dans ses mains.

Sylvia Kairouz fait partie d'un groupe de chercheurs qui a recommandé au gouvernement québécois de légaliser les plateformes de jeu en ligne.

Photo :  Capture d’écran - Université Concordia

Ces opérateurs-là existent [et] grugent une grosse part du marché. La meilleure façon de contrôler le marché, c’est de les contrôler, eux, de leur donner des licences et d'imposer certaines conditions à ces opérateurs, explique Sylvia Kairouz. 

Pas dans la mire du gouvernement Legault

L’Ontario deviendra la première province canadienne à autoriser les plateformes privées. L’expérience ontarienne sera suivie avec attention ailleurs au pays mais, pour l’instant, les gouvernements provinciaux semblent plus frileux que l’équipe de Doug Ford. 

Au Québec par exemple, il n’est pas envisagé de mettre fin au monopole de Loto-Québec. Nous agissons indépendamment de l’Ontario. Il n’y a pas de plan à ce stade-ci pour lui emboîter le pas, a laissé savoir le bureau du ministre québécois des Finances Éric Girard, qui supervise la société d'État. 

« Nous ne prévoyons pas d'abolir le monopole de Loto-Québec pour l’instant. »

— Une citation de  Fanny Beaudry-Campeau, directrice des communications du ministre Éric Girard

Pourtant, les experts du Groupe de travail avaient déterminé en 2014 que l’arrivée du site Espacejeux de Loto-Québec n’avait pas réussi à canaliser l’offre de jeu illégal dans un circuit contrôlé

Le siège social de Loto-Québec à Montréal.

Loto-Québec a refusé de commenter la décision du gouvernement ontarien de réglementer les jeux de hasard en ligne.

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

La direction de Loto-Québec et le ministre des Finances du Québec ont décliné nos demandes d’entrevues. Le conseiller en affaires publiques Renaud Dugas a seulement indiqué que la société d’État n’avait pas l’habitude de commenter les jeux en ligne qui ne sont pas de sa responsabilité.

Six ans après la publication de son rapport, Sylvia Kairouz persiste et signe : le Québec fait fausse route. On a raté l’essentiel des recommandations du rapport, lance-t-elle. 

D’ailleurs, le gouvernement québécois continue de défendre sa loi 74, qui force les fournisseurs d’accès Internet comme Bell et Vidéotron à bloquer les sites illégaux qui concurrencent celui de Loto-Québec.

Les fournisseurs contestent la loi devant les tribunaux depuis son adoption en 2016

Des jetons de poker et des cartes sont posés sur un clavier d'ordinateur.

Le gouvernement du Québec voulait bloquer l'accès aux sites privés de jeu en ligne non autorisés par la société d'État Loto-Québec.

Photo : iStock

L’Alberta a aussi adopté une autre approche que celle retenue par l’Ontario. Plutôt que de légaliser les opérateurs privés, le gouvernement de Jason Kenney a dévoilé au début d'octobre, sa propre plateforme de machine à sous et de jeux de table virtuels, avec des prévisions de revenus de 150 millions de dollars sur cinq ans. 

Les autres provinces canadiennes emboîteront-elles le pas à l’Ontario? Seront-elles bousculées par les changements commandés par le gouvernement Ford?

La pression pourrait être forte, selon les observateurs. D'autant plus que la nouvelle structure légale devrait se traduire par d’importants revenus pour le trésor public ontarien.

Après tout, tout comme les joueurs en ligne, les gouvernements provinciaux sont aussi attirés par l'appât du gain.

Des risques pour la santé publique?

Doug Ford en compagnie de son ministre des Finances, Rod Phillips, marchent dans un corridor à Queen's Park.

Doug Ford en compagnie de son ministre des Finances, Rod Phillips.

Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette

Une offre bonifiée mènerait-elle nécessairement à une multiplication du nombre de joueurs compulsifs? Ma réponse à cette question. et vous pourrez vérifier, c’est : "Non", affirme la professeure titulaire au département de psychologie de l'Université de Montréal, Louise Nadeau, qui présidait le même Groupe de travail au Québec. 

L’expérience en Europe avec la légalisation du marché gris a démontré que l’industrie privée a réussi à mettre des balises sécuritaires en place et qu’elle a créé de maudits bons jeux, précise Louise Nadeau.

« Le marché est tenu par peut-être trois, quatre, cinq gros opérateurs et ils travaillent bien, je dois dire. Ils ont des mesures de jeu responsable et tout ce qu’ils veulent, c’est devenir de bons citoyens. »

— Une citation de  Sylvia Kairouz, directrice du Laboratoire de recherche sur les habitudes de vie et les dépendances

Bien encadrer l’industrie

Une douzaine d’opérateurs privés, tout au plus, devraient initialement passer en zone légale et rejoindre le marché ontarien, selon l’avocat Eric Levy, un spécialiste en matière de jeu. Une fois que des licences auront été remises, le gouvernement provincial pourra passer à l'action contre les plateformes interdites et tenter de les fermer.

Ça va arrêter la grande majorité du jeu en ligne illégal, croit Me Levy.

De petits joueurs vont probablement continuer d’opérer illégalement et ce sera à la province de déterminer s’il est justifié de déployer des efforts pour en bloquer l’accès sur le territoire ontarien. 

La plupart des opérateurs qui essayeront d’obtenir une licence en Ontario sont déjà légaux dans d’autres juridictions, indique Me Levy. Il donne l’exemple du New Jersey et du Royaume-Uni, deux régulateurs rigoureux qui ont mis fin au marché gris et mis en place un processus laborieux précédant l’approbation d’une plateforme.

Il est fort probable que l’Ontario s’inspire de ces deux modèles et impose les mêmes conditions aux détenteurs de licence. La province pourrait aussi décider de donner automatiquement le feu vert aux opérateurs déjà reconnus par le New Jersey ou le Royaume-Uni.

À ce sujet, Sylvia Kairouz avertit qu’il faut donner des dents au régulateur, la CAJO, pour qu’elle impose des mesures de protection du consommateur. Il faudra par exemple empêcher la publicité d'être trop agressive.

La vérificatrice générale de l'Ontario a présenté les conclusions de son rapport annuel devant les journalistes, le 7 décembre.

La vérificatrice générale de l'Ontario a consacré un chapitre de son dernier rapport annuel aux ratés de la Commission des alcools et des jeux.

Photo : The Canadian Press / Frank Gunn

Or, le plus récent rapport annuel de la vérificatrice générale de la province soulève de sérieux doutes quant à la capacité de la CAJO de chapeauter le nouveau marché. Bonnie Lysyk relève que l’agence gouvernementale ne produit pas d’états financiers audités et qu’elle en a déjà plein les bras avec la gestion des magasins de cannabis et les problèmes de blanchiment d’argent dans les casinos physiques.

« À l'heure actuelle, nous avons un organisme de réglementation qui ne produit pas d'états financiers vérifiés et qui a encore du travail à faire dans les domaines qu'il réglemente actuellement. »

— Une citation de  Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l’Ontario

Bonnie Lysyk ne conteste pas la décision de réglementer les casinos virtuels, mais elle se demande si le gouvernement Ford fait fausse route avec l’ajout d’un nouveau mandat à la CAJO

Une personne dans un casino.

Le gouvernement de l'Ontario a ordonné la fermeture des casinos le 17 mars dans le cadre des efforts visant à contenir la COVID-19.

Photo : Associated Press / Julie Jacobson

Des changements dangereux au milieu d’une pandémie?

On ignore encore à quel moment les premiers permis seront délivrés par la CAJO. L’échéancier du gouvernement demeure imprécis.

L’isolement imposé par la pandémie laisse cependant présager les possibles dérapages d’une abondance renouvelée des jeux de hasard en ligne.

Chez Loto-Québec, on a jugé opportun de lancer une campagne de sensibilisation sur le jeu responsable. On y informait la clientèle de la possibilité de fixer des limites de temps et de perte d’argent.

Les revenus du casino en ligne de Loto-Québec ont augmenté de 132 % ou 60 millions au premier semestre de 2020-2021 par rapport à la même période l'année précédente. 

Il ne faut pas démoniser le jeu, mais il y a une portion de la population qui est confinée, rappelle Sylvia Kairouz.

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