Crainte d’un exode des cerveaux au Campus Saint-Jean

Le Campus Saint-Jean comptait 66 professeurs à temps plein et à temps partiel à l'automne 2020.
Photo : Radio-Canada / Emilio Avalos
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'incertitude sur l'avenir du Campus Saint-Jean (CSJ) a poussé plusieurs professeurs et chargés de cours à quitter l'établissement, et bien d'autres songeraient à faire de même. Ils blâment le gouvernement provincial, qui a imposé des compressions importantes aux budgets des universités albertaines.
L'automne dernier, le Campus Saint-Jean (CSJsupprimé 77 de ses 410 cours en raison des compressions imposées à l’Université de l’Alberta, à laquelle il est rattaché.
) aTous les cours de science politique sud-américaine du professeur Pascal Lupien ont été annulés. Donc, cette année, j’enseigne des cours de politique canadienne, qui n’est pas du tout ma spécialité
, laisse-t-il tomber.
Après des mois d’inquiétude en raison des compressions budgétaires et d'un possible déménagement du Campus Saint-Jean, il a décidé de regarder ailleurs. Bien que l’Université de l’Alberta ait écarté un tel scénario, Pascal Lupien a finalement accepté un poste à l’Université Brock, à Saint-Catharines, en Ontario.
Cela ne faisait pourtant que deux ans et demi qu’il enseignait au Campus Saint-Jean, une université qu’il adore.
En tant que jeunes professeurs, il faut quand même qu'on pense à notre avenir, mais il y a aussi le fait que ça devient intenable
, affirme Pascal Lupien.
« On est ici aussi pour promouvoir, pour faire vivre la culture franco-albertaine. Ça devient presque impossible de faire ces choses-là lorsque l'on est toujours menacé. »
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Il croit que toutes les universités albertaines souffriront de cet exode des cerveaux, mais le Campus Saint-Jean sera d’autant plus pénalisé que les professeurs francophones sont plus rares en Alberta. Les étudiants vont avoir moins de choix, moins d'expertise
, croit-il.
Pascal Lupien ne blâme pas le Campus Saint-Jean cependant. Je pense que notre doyen, M. Mocquais, a fait tout ce qu’il pouvait faire. Il est très dédié au Campus Saint-Jean
, affirme-t-il. Le problème, c'est que le gouvernement provincial ne comprend pas et ne valorise pas le rôle des universités dans notre société.
Des enseignants dans le noir
La chargée de cours Jenny Osorio a quant à elle dû accepter des cours dans d’autres universités canadiennes, puisqu’elle ne sait toujours pas si elle va enseigner au CSJ en janvier. L’instabilité de la situation l’a poussée à revenir s’installer à Montréal.
Elle ne sait pas si elle reviendra au CSJ
lorsque les cours reprendront en personne, désillusionnée par ce qu’elle qualifie de manque de communication de la direction.« Cet exode des cerveaux, c’est une manière de montrer que, nous aussi, on a de l’amour-propre et qu’il faut penser aussi à notre bien-être et notre stabilité. »
Le Campus Saint-Jean n’a pas été en mesure de chiffrer les départs de professeurs et de chargés de cours ces derniers mois. Selon Pascal Lupien, une demi-douzaine d’entre eux songent à quitter l’établissement. Une poignée d'entre eux l'ont déjà fait, affirmant que l’instabilité qui y règne a pesé dans leur décision.
La direction n’a pas non plus indiqué si ces enseignants seraient remplacés.
Le gouvernement provincial est l’ultime responsable, selon le doyen
Le doyen du Campus Saint-Jean, Pierre-Yves Mocquais, ne nie pas que la situation puisse mener à une vague de départs.
C'est toujours quelque chose qui est possible. Vous savez, l'incertitude crée en soi une dynamique particulière. Ce n'est pas quelque chose que je peux contrôler, parce que chacun est libre de décider ce qu'il ou elle a l'intention de faire
, affirme-t-il.
Il rappelle toutefois que c'est le gouvernement provincial qui prend les décisions sur le financement des universités.
Ma capacité à changer la manière de voir sur le Campus Saint-Jean du gouvernement provincial par exemple est extrêmement limitée
, ajoute Pierre-Yves Mocquais.
« J'ai une certaine capacité à influencer ce qui se passe au niveau de l'Université [de l'Alberta], mais ça ne va pas beaucoup au-delà de ça. »
Questionné sur un possible exode des cerveaux, le ministre albertain de l’Éducation supérieure, Demetrios Nicolaides, affirme qu’il n’a pas reçu de rapports sur de grands nombres de professeurs qui quittent la province
.
Il dit qu’il semblerait que le nombre d'étudiants inscrits soit en hausse, mais qu'il n’aura les résultats définitifs qu’au cours des prochaines semaines.